SCÈNE XIV

MOOR, LES PRÉCÉDENTS.

SCHWEIZER, courant à sa rencontre.

Sois le bien venu, mon capitaine !… J’ai été un peu vif pendant ton absence. (Il le conduit près du cadavre.) Sois juge entre cet homme et moi : c’est par derrière qu’il a voulu t’assassiner.

MOOR, étonné, s’écrie tout à coup :

Ô doigt inconcevable de la Némésis vengeresse ! n’est-ce pas lui dont la voix de sirène nous a séduits ?… Consacre ce glaive à l’incompréhensible déesse. Ce n’est pas toi qui as fait cela, Schweizer ?

SCHWEIZER.

Pardieu ! c’est bien moi qui l’ai fait, et, mille diables ! ce n’est pas la plus mauvaise action de ma vie. (Il jette son épée sur le mort et s’en va de mauvaise humeur.)

MOOR, pensif.

J’entends… Roi des cieux !… j’entends… les feuilles desséchées tombant… Mon automne est venu. Ôtez celui-ci de mes yeux. (On emporte le cadavre de Spiegelberg.)

GRIMM.

Donne-nous tes ordres, capitaine. Que faut-il faire ?

MOOR.

Bientôt,… bientôt tout sera accompli. Je me suis perdu moi-même en allant… Prenez vos cors, et sonnez, il faut que je me reberce dans les jours de ma force… Sonnez du cor !

KOSINSKY.

Il est minuit, capitaine. Le sommeil pèse sur nous comme du plomb. Depuis trois jours nous n’avons pas fermé les yeux.

MOOR.

Le sommeil balsamique tombe-t-il donc aussi sur les yeux des bandits ? Pourquoi me fuit-il, moi ? Ai-je été un lâche ou un misérable !… Sonnez, je l’ordonne !… Il faut que j’entende une musique guerrière pour que mon génie endormi se réveille. (Ils jouent une marche. Moor, absorbé dans sa pensée, se promène devant eux, et d’un geste les fait tous cesser.) Allez dormir. Bonne nuit ! demain je vous parlerai.

LES BRIGANDS.

Bonne nuit, capitaine, (Ils s’endorment. – Profond silence.)

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