Scène III

LES PRÉCÉDENTS, SCHWEIZER, avec son chapeau plein d’eau.

SCHWEIZER.

Bois, capitaine. Voici assez d’eau, fraîche comme la glace.

GRIMM.

Tu saignes. Qu’as-tu donc fait ?

SCHWEIZER.

Une plaisanterie, imbécile, qui a manqué me coûter deux jambes et une tête. Je m’en allais trottant le long du rivage sur le penchant de la colline ; c’est tout sable par ici, tout se détache ; je fais un saut de vingt pieds, et m’y voilà ; comme je cherchais à remettre mes sens en ordre, je me trouve sur le gravier, je vois l’eau la plus claire. Pour cette fois, ai-je dit, ma danse est récompensée ; le capitaine trouvera l’eau excellente.

MOOR lui rend le chapeau et lui essuie le visage.

On ne verrait pas les découpures que les cavaliers bohémiens ont faites sur ton front… Ton eau était bonne, Schweizer… Ces coups de sabre te vont bien !

SCHWEIZER.

Bah !… il y a encore de la place pour trente autres.

MOOR.

Oui, mes enfants… c’était une chaude journée ; et qu’un ami de perdu ; mon Roller est mort d’une belle mort. Où il est tombé, on lui aurait élevé un monument éternel s’il n’était pas mort pour moi. Contentez-vous de ça (il essuie une larme en soupirant.) Vous rappelez-vous combien d’ennemis sont restés sur la place ?

SCHWEIZER.

Soixante hussards, quatre-vingt-treize dragons, quarante chasseurs ; en tout, près de deux cents.

MOOR.

Deux cents pour un !… Chacun de vous a des droits sur cette tête ! (Ôtant son chapeau et mettant son poignard sur son front.) Je lève mon poignard, et aussi vrai que j’ai une âme, je ne vous abandonnerai jamais.

SCHWEIZER.

Ne jure pas, tu ne sais pas : si un jour tu redevenais heureux, le repentir peut-être…

MOOR.

Par les restes de mon Roller, je ne vous abandonnerai jamais !

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