« Rhin, c’est sur ton heureux rivage
« Qu’on cultive ce fruit divin
« Dont le jus donne du courage.
« Vive à jamais, vive le Rhin !
Chanson à boire.
Deux ou trois chaumières sur le bord du fleuve, près desquelles étaient amarrées quelques barques de pêcheurs, prouvaient que le pieux Hanz n’était pas resté sans successeurs dans sa profession de batelier. Le Rhin, qui un peu plus bas était resserré entre ses rives par une chaîne de petites îles, avait en cet endroit plus de largeur, et coulait moins rapidement qu’au-delà de ces chaumières, offrant ainsi aux bateliers une surface plus tranquille et moins de difficultés à surmonter, quoique le courant y fût encore trop impétueux pour qu’il fût possible de le remonter, à moins que le fleuve ne fût dans un état de tranquillité parfaite.
Sur la rive opposée, mais beaucoup plus bas que les cabanes dont nous venons de parler, s’élevait sur une hauteur couverte d’arbres et de buissons la petite ville de Kirch-Hoff. Un esquif partant de la rive gauche, même dans les momens les plus favorables, ne pouvait couper en ligne droite les eaux profondes et impétueuses du Rhin, et il n’arrivait à Kirch-Hoff qu’en décrivant une diagonale ; d’une autre part, une barque partant de Kirch-Hoff avait besoin d’être favorisée par le vent et munie d’excellens rameurs pour pouvoir débarquer sa cargaison ou conduire ses passagers à la Chapelle du Bac, à moins qu’elle n’éprouvât l’influence miraculeuse qui avait porté de ce côté l’image de la Vierge. La communication de la rive orientale à la rive occidentale n’avait donc lieu qu’en faisant remonter les barques assez haut le long de la rive droite, pour que la déviation qu’elles feraient en traversant le fleuve leur permît d’atteindre avec facilité le point où elles désiraient arriver. Il en résultait naturellement que le passage d’Alsace en Souabe étant le plus facile, le fleuve était plus souvent traversé en cet endroit par les voyageurs qui voulaient entrer en Allemagne que par ceux qui en arrivaient.
Lorsque Philipson jetant un regard autour de lui se fut assuré de la situation du passage, il dit à son fils d’un ton ferme :
– Partez, mon cher Arthur, et faites ce que je vous ai ordonné.
Le cœur déchiré d’inquiétudes causées par l’amour filial, le jeune homme obéit, et s’avança seul vers les chaumières près desquelles étaient amarrées les barques qui servaient tantôt à pêcher, tantôt à conduire des passagers sur l’autre rive.
– Est-ce que votre fils nous quitte ? demanda Barthélemi à Philipson.
– Il nous quitte pour le moment. Il a quelques renseignemens à demander aux habitans de ces chaumières.
– Si ces renseignemens ont rapport à votre route, je prends les saints à témoin que je suis plus en état de les donner que ces paysans ignorans qui entendront à peine la langue qu’il leur parlera.
– Si nous trouvons que leurs discours ont besoin d’interprète, répondit Philipson, nous aurons recours à votre aide. En attendant, conduisez-moi à la Chapelle où mon fils viendra nous rejoindre.
Ils en prirent le chemin, mais à pas lents, chacun d’eux jetant à tout moment un regard à la dérobée vers les chaumières ; le guide, comme pour voir si le jeune voyageur revenait vers eux ; le père, impatient de découvrir une voile déployée sur le vaste sein du Rhin pour conduire son fils sur la rive qui pouvait être considérée comme la plus sûre ; mais quoique leurs yeux se tournassent souvent du côté du fleuve, leurs pieds les conduisaient vers la Chapelle, que les habitans des environs, en mémoire du fondateur, appelaient la Chapelle de Hanz.
Quelques arbres épars tout à l’entour donnaient à ce site un air champêtre et non sans grâce, et la Chapelle qu’on voyait sur un monticule à quelque distance des chaumières était construite dans un style simple, en harmonie avec le reste du paysage. Sa petitesse confirmait la tradition qu’elle avait été dans l’origine la demeure d’un pêcheur ; et la croix, formée de troncs de sapins couverts de leur écorce, indiquait sa destination actuelle. La Chapelle et le site d’alentour respiraient une tranquillité solennelle, et le bruit sourd du grand fleuve semblait imposer silence aux voix humaines qui auraient eu la présomption de mêler leurs accens à ces imposans murmures.
Lorsque Philipson et son guide arrivèrent près de la Chapelle, Barthélemi profita du silence que gardait le marchand anglais pour entonner à haute voix quelques stances en l’honneur de Notre-Dame du Bac et de son fidèle serviteur Hanz ; après quoi il s’écria avec enthousiasme : – Venez ici, vous qui craignez les naufrages, voici le port qui vous mettra en sûreté ! Venez ici, vous qui avez soif, voici un puits de merci qui vous est ouvert ! Venez ici, vous que de longs voyages ont fatigués, voici le lieu où vous trouverez des rafraîchissemens ! Il aurait continué ses exclamations, si Philipson ne lui eût imposé silence en l’interrompant brusquement.
– Si ta dévotion était véritable, lui dit-il, elle serait moins bruyante ; mais il est juste de faire ce qui est bien en soi, même quand c’est un hypocrite qui nous y invite. Entrons dans cette sainte Chapelle, et prions le ciel de nous accorder une heureuse fin d’un voyage dangereux.
Le frère lai s’attacha à ces derniers mots.
– J’étais bien sûr, dit-il, que vous seriez trop sage pour passer si près de cette sainte chapelle sans implorer l’influence protectrice de Notre-Dame du Bac. Attendez un instant, je vais chercher le prêtre chargé de la desservir, afin qu’il dise une messe pour vous.
Il n’en put dire davantage, car la porte de la Chapelle s’ouvrant tout à coup, un ecclésiastique se montra sur le seuil. Philipson reconnut à l’instant le prêtre de Saint-Paul, qu’il avait vu le matin même à la Férette. Il parut que Barthélemi le connaissait aussi, car son éloquence hypocrite lui manqua sur-le-champ, et il resta devant lui, les bras croisés sur sa poitrine, en homme qui attend sa sentence de condamnation.
– Misérable ! dit le prêtre regardant le guide d’un air sévère, oses-tu bien conduire un étranger dans les lieux saints, pour l’assassiner ensuite et t’emparer de ses dépouilles ? Mais le ciel ne permettra pas cette trahison. Retire-toi, scélérat, et va dire aux mécréans tes confrères qui sont en chemin pour venir te joindre, que ta fourberie n’a servi à rien ; dis-leur que cet étranger innocent est sous MA protection,… sous MA protection, te dis-je ; et quiconque osera la violer en sera récompensé comme Archibald Von Hagenbach.
Le guide resta immobile pendant que le prêtre lui parlait d’un ton aussi impérieux que menaçant ; et dès que celui-ci se tut, il n’essaya ni de se justifier, ni de lui répliquer ; mais tournant sur ses talons, il s’enfuit à pas précipités par le même chemin qu’il avait pris pour conduire Philipson à la Chapelle.
– Et vous, digne Anglais, continua le prêtre, entrez avec confiance dans cette Chapelle, et prononcez-y en toute sûreté les prières par le moyen desquelles cet hypocrite voulait vous retenir ici jusqu’à l’arrivée de ses compagnons d’iniquité. Mais d’abord, pourquoi êtes-vous seul ? J’espère qu’il n’est arrivé aucun accident à votre jeune compagnon ?
– Mon fils traverse probablement le Rhin en ce moment, répondit Philipson, attendu que nous avons des affaires importantes à régler sur l’autre rive.
Comme il parlait ainsi, on vit se détacher du rivage une barque légère, sur laquelle deux ou trois bateliers semblaient occupés depuis quelque temps. Elle fut d’abord obligée de céder à la force du courant, mais une voile ayant été déployée, elle suivit une ligne diagonale, en se dirigeant vers la rive opposée.
– Dieu soit loué ! dit Philipson, qui savait que cette barque allait conduire son fils hors de l’atteinte des dangers dont il était lui-même entouré.
– Amen ! répondit le prêtre à la pieuse exclamation du voyageur. Vous avez de fortes raisons pour rendre grâces au ciel.
– C’est ce dont je suis convaincu, dit Philipson ; mais j’espère apprendre de vous quelle est la cause du danger auquel je viens d’échapper.
– Le temps et le lieu ne permettent pas une longue explication, répondit le prêtre de Saint-Paul. Il me suffira de vous dire que ce scélérat, connu par son hypocrisie comme par ses crimes, se trouvait présent à l’instant où le jeune Suisse Sigismond força l’exécuteur à vous remettre le joyau précieux dont Hagenbach vous avait dépouillé. Cette vue mit en jeu la cupidité de Barthélemi. Il se chargea de vous conduire à Strasbourg dans l’intention criminelle de vous retenir en chemin jusqu’à ce qu’il eût été joint par un nombre suffisant de complices pour rendre inutile toute résistance. Mais ce projet coupable a été déjoué. Et maintenant, monsieur, avant de vous abandonner à d’autres pensées mondaines, avant de vous livrer soit à la crainte soit à l’espoir, entrez dans la Chapelle, et rendons ensemble d’humbles actions de grâces à l’Être tout-puissant qui vous a protégé et à ceux qui ont intercédé près de lui en votre faveur.
Philipson entra dans la Chapelle avec le prêtre, se joignit à lui en prières, et remercia le ciel et la sainte patrone de ce lieu d’avoir permis qu’il échappât à un tel danger.
Après s’être acquitté de ce devoir il annonça l’intention qu’il avait de se remettre en voyage.
– Bien loin de vouloir vous retenir dans un endroit si dangereux, lui dit le prêtre, je vous accompagnerai moi-même une partie du chemin, car je me rends aussi en présence du duc de Bourgogne.
– Vous, mon père, vous ! s’écria le marchand avec quelque surprise.
– Pourquoi en êtes-vous étonné ? Est-il si étrange qu’un homme de mon ordre se rende à la cour d’un prince ? Croyez-moi, on n’y en trouve qu’un trop grand nombre.
– Je ne parle pas eu égard à votre ordre, mais eu égard au rôle que vous avez joué pendant l’exécution du gouverneur de la Férette. Connaissez-vous assez peu l’impétueux duc de Bourgogne pour croire que vous puissiez braver son ressentiment avec plus de sûreté que vous ne tireriez la crinière d’un lion endormi ?
– Je connais parfaitement son caractère ; mais ce n’est pas pour excuser la mort d’Hagenbach que je me rends devant lui, c’est pour la défendre et la justifier. Le Duc peut rendre des sentences de mort contre ses serfs et ses vassaux au gré de son bon plaisir, mais ma vie est protégée par un talisman qui est à l’épreuve de tout son pouvoir. Mais permettez-moi de rétorquer votre argument : vous connaissez le Duc aussi bien que moi ; vous avez été tout récemment l’hôte et le compagnon de voyage de gens dont la visite lui sera souverainement désagréable ; vous êtes impliqué, du moins en apparence, dans ce qui vient de se passer à la Férette ; quelle chance avez-vous d’échapper à sa vengeance ? pourquoi vous livrez-vous volontairement en son pouvoir ?
– Permettez, mon digne père, que chacun de nous garde son secret sans offenser l’autre. Il est bien vrai que je n’ai aucun talisman qui puisse me mettre à l’abri du ressentiment du Duc. J’ai des membres qu’on peut soumettre à la torture et à l’emprisonnement, des propriétés qu’on peut saisir et confisquer. Mais j’ai eu autrefois plusieurs affaires avec le Duc ; je puis même dire qu’il m’a quelques obligations, et j’espère que mon crédit près de lui pourra suffire non-seulement pour tout ce qui me concerne, mais même pour être de quelque utilité à mon ami le Landamman.
– Mais si vous êtes réellement un marchand vous rendant à la cour de Bourgogne, quelles sont les marchandises dont vous faites commerce ? N’en avez-vous pas d’autres que celles que vous pouvez porter sur vous ? J’ai entendu parler d’un mulet chargé de votre bagage. Ce scélérat vous l’aurait-il volé ?
Cette question était embarrassante pour Philipson, qui au moment de se séparer de son fils et en proie aux inquiétudes causées par cette séparation, n’avait pas songé à dire à Arthur s’il devait lui laisser le bagage ou le transporter avec lui de l’autre côté du Rhin. Il répondit en hésitant : Je crois que mon bagage est dans quelqu’une de ces chaumières ; c’est-à-dire à moins que mon fils ne l’ait emporté sur l’autre rive du Rhin.
– C’est ce que nous saurons bientôt, dit le prêtre.
Il appela quelqu’un ; à sa voix un novice sortit de la sacristie de la Chapelle, et reçut ordre d’aller s’informer si les balles et le mulet de Philipson étaient restés dans une des chaumières, ou si son fils les avait fait passer de l’autre côté du Rhin.
Le novice ne fut absent que quelques minutes, et revint avec le mulet chargé des bagages ; car Arthur ne voulant pas que son père manquât d’aucune chose qui pourrait lui être nécessaire, avait laissé le tout sur la rive gauche. Le prêtre regarda Philipson avec attention, tandis que celui-ci montant à cheval et prenant d’une main les rênes du mulet, lui faisait ses adieux en ces termes :
– Et à présent, mon père, je vais prendre congé de vous ; il faut que je fasse diligence, car il ne serait pas prudent de voyager de nuit avec mes balles ; sans quoi j’aurais bien volontiers ralenti le pas, avec votre permission, pour avoir le plaisir de votre compagnie.
– Si telle est votre intention obligeante, comme j’allais vous le proposer, répondit le prêtre, je ne retarderai nullement votre marche, car j’ai ici un fort bon cheval ; et Melchior qui sans cela aurait dû aller à pied pourra monter votre mulet. Comme il serait dangereux pour vous de voyager pendant la nuit, je vous fais cette proposition d’autant plus volontiers que je puis vous conduire à une auberge qui n’est qu’à cinq milles d’ici, et où nous pouvons encore arriver de jour. Vous y serez logé en sûreté moyennant un écot raisonnable.
Le marchand anglais hésita un moment. Il n’avait nulle envie d’avoir un nouveau compagnon de voyage ; et quoique les traits du prêtre fussent encore beaux pour son âge, le caractère général de sa physionomie n’avait rien qui inspirât la confiance ; au contraire son front armé de hauteur était couvert d’un nuage sombre et mystérieux, et l’expression semblable de ses yeux gris pleins de froideur indiquait une humeur sévère et même dure. Mais malgré ces apparences repoussantes ce prêtre venait de rendre un grand service à Philipson en découvrant la trahison de son guide, et le marchand n’était pas homme à se laisser influencer par des préventions imaginaires fondées sur l’air et les manières d’un autre. Il réfléchit seulement à l’étrange singularité de son destin qui, en l’obligeant de paraître devant le duc de Bourgogne de la manière la plus propre à se concilier les bonnes grâces de ce prince, semblait le réduire à se transporter à sa cour en compagnie de gens qui devaient en être vus de mauvais œil ; car il ne pouvait douter que le prêtre de Saint-Paul ne se trouvât dans ce cas. Cependant après un instant de réflexion il accepta poliment l’offre que lui avait faite le prêtre de le conduire à une auberge, car il sentait que son cheval aurait besoin de nourriture et de repos avant d’arriver à Strasbourg, quand même il aurait pu s’en passer lui-même.
Tout étant ainsi arrangé, le novice amena le coursier du prêtre que celui-ci monta avec autant de grâce que d’agilité ; et le néophyte qui était probablement celui dont Arthur avait joué le rôle pour s’échapper de la Férette, monta d’après l’ordre de son maître sur le mulet de l’Anglais. Faisant un signe de croix et baissant humblement la tête lorsque le prêtre passa devant lui, il se tint constamment à quelques pas en arrière, et sembla passer le temps, comme le faux frère Barthélemi, à dire son chapelet avec une ferveur de piété qui était peut-être plus affectée que réelle. À en juger par le regard qu’il jeta sur le novice, le prêtre de Saint-Paul paraissait faire peu de cas de la dévotion apparente de ce jeune homme. Il montait un vigoureux cheval noir, ressemblant plutôt au coursier de bataille d’un guerrier qu’au palefroi marchant à l’amble d’un ecclésiastique, et la manière dont il le conduisait ne montrait ni gaucherie ni timidité. Sa fierté, quel qu’en fût le caractère, n’était certainement pas entièrement fondée sur sa profession ; elle prenait sa source dans un autre genre d’orgueil qui se mêlait au sentiment intime de l’importance que s’attribue un ecclésiastique puissant.
Philipson regardait de temps en temps son compagnon comme s’il eût voulu lire dans son âme ; celui-ci ne répondit à ses regards que par un sourire hautain qui semblait dire : – Vous pouvez examiner mon extérieur et mes traits, mais vous ne pouvez percer le mystère qui me couvre.
Les yeux de Philipson, qui ne s’étaient jamais baissés devant personne, semblaient lui répliquer avec la même hauteur : – Tu ne sauras pas non plus, prêtre orgueilleux, que tu es avec un homme dont le secret est bien plus important que le tien.
Enfin le prêtre entama la conversation en faisant allusion à l’espèce de réserve qui régnait entre eux comme d’un consentement mutuel.
– Nous voyageons, dit-il, comme deux puissans enchanteurs, chacun connaissant ses grands desseins secrets, chacun porté sur son char de nuages, et ni l’un ni l’autre ne faisant part à son compagnon du motif et du but de son voyage.
– Vous me pardonnerez, mon père, répondit Philipson. Je ne vous ai pas demandé le but de votre voyage, mais je ne vous ai pas caché le but du mien, en tant qu’il peut nous intéresser ; je vous répète que je me rends en présence du duc de Bourgogne, et que mon motif, comme celui de tout autre marchand, est le désir de disposer avantageusement de mes marchandises.
– Rien ne paraît, sans contredit, plus probable, dit le prêtre, d’après l’extrême attention que vous faisiez à vos marchandises il n’y a pas plus d’une demi-heure. Vous ne saviez même pas si votre fils les avait prises avec lui, ou s’il vous en avait laissé le soin. Les marchands anglais font-ils ordinairement le commerce avec autant d’indifférence ?
– Quand leur vie est en danger, répondit Philipson, il leur arrive quelquefois de négliger leur fortune.
– C’est bien ! répliqua le prêtre. Et il retomba dans ses réflexions solitaires.
Une demi-heure après ils arrivèrent à un dorf ou village, et le prêtre informa Philipson que c’était celui où il se proposait de passer la nuit.
– Le novice, ajouta-t-il, vous conduira à l’auberge ; elle jouit d’une bonne réputation, et vous pouvez y loger en toute sûreté. Quant à moi, j’ai à visiter en ce village un pénitent qui a besoin de secours spirituels. Je vous reverrai peut-être ce soir ; peut-être ne sera-ce que demain matin. Dans tous les cas, adieu quant à présent.
En achevant ces mots le prêtre arrêta son cheval. Le novice approcha de Philipson, lui servit de conducteur dans la rue étroite du village, une lumière qui brillait çà et là à une croisée annonçant que l’heure des ténèbres était arrivée. Enfin il fit passer l’Anglais sous une porte cintrée qui les conduisit dans une grande cour où ils virent une couple de charriots, d’une forme particulière, à l’usage des femmes, et quelques autres voitures de voyage. Là le novice sauta à bas du mulet, en remit les rênes dans la main de Philipson, et disparut dans l’obscurité qui augmentait à chaque instant, après lui avoir montré un grand bâtiment en mauvais état, et dont la façade n’était éclairée par aucune lumière, quoiqu’on pût encore voir qu’elle était percée d’un grand nombre de croisées fort étroites.