CHAPITRE VII

Deux mois, Bewick ; as-tu du cœur ?
Prends tes armes en diligence,
Et derrière cette éminence
Viens te battre en homme d’honneur.

Ancienne ballade.

Le Maître de Ravenswood, voyant l’accident arrivé à son cheval de main, était reparti sur la haquenée qui l’avait amené ; et, pour la ménager, il s’éloignait au pas de la Tanière du Renard pour retourner dans sa vieille tour de Wolfcrag, lorsqu’il entendit derrière lui le bruit du galop d’un cheval. Il se retourna, et s’aperçut qu’il était poursuivi par le jeune Bucklaw, qui ne l’avait pas rejoint plus tôt parce qu’il n’avait pu résister à la tentation puissante de donner au garçon d’écurie de la Tanière du Renard une recette pour traiter le coursier boiteux. Il regagna le temps qu’il avait perdu en mettant son cheval au galop, et il atteignit Ravenswood dans un endroit où la route traversait une vaste bruyère.

– Arrêtez, monsieur, s’écria Bucklaw ; je ne suis point un agent politique, un capitaine Craigengelt, dont la vie est trop importante pour qu’il veuille la hasarder pour défendre son honneur. Je suis Frank Hayston de Bucklaw, et si quelqu’un m’insulte par un mot, un geste, un regard, il faut qu’il m’en rende raison.

– Tout cela est très bien, monsieur Hayston de Bucklaw, reprit le Maître de Ravenswood du ton le plus calme et le plus indifférent, mais je n’ai point de querelle avec vous ni ne désire en avoir. Voilà ma route, voici, je crois, la vôtre ; celles que nous suivons dans ce monde ne sont pas dans des directions moins différentes : pourquoi donc chercher à nous croiser ?

– Pourquoi ? reprit impétueusement Bucklaw, parce que vous m’avez fait une insulte que je ne puis ni ne dois souffrir : vous nous avez appelés des aventuriers intrigants.

– Votre mémoire vous sert mal, monsieur Bucklaw ; rappelez-vous mieux les circonstances : ce fut à votre compagnon seul que j’appliquai cette épithète, et vous savez s’il la mérite.

– Et qu’importe, monsieur ? il était mon compagnon alors, et personne n’insultera jamais mon compagnon, qu’il ait tort ou raison, tant qu’il sera dans ma compagnie.

– Alors, monsieur Hayston, reprit Edgar avec le même sang-froid, vous devriez choisir mieux votre société, où vous aurez probablement beaucoup d’ouvrage en votre qualité de champion de tous ceux qui la composent. Croyez-moi, retournez chez vous, faites un bon somme, et demain vous serez plus raisonnable.

– Non, non, monsieur, vous ne connaissez pas votre homme ; de grands airs et de belles phrases ne vous tireront point d’affaire avec moi. D’ailleurs, vous m’avez traité de mauvaise tête, et il faut que vous rétractiez ce mot avant que nous nous quittions.

– De bonne foi, il me sera difficile de le faire, si vous ne me fournissez pas de meilleures raisons que celles que vous produisez en ce moment pour me convaincre que je me suis trompé dans l’application que j’ai faite de ce mot.

– Eh bien ! Maître de Ravenswood, s’écria Bucklaw, si vous ne voulez ni justifier votre expression incivile ni la rétracter, nommez l’endroit où nous nous reverrons, ou, malgré le regret que j’éprouverais de faire un pareil affront à un homme de votre condition, je saurai bien vous infliger le châtiment qu’a provoqué votre insolence.

– Je vous épargnerai ces regrets, dit Edgar ; j’ai fait ce que j’ai pu pour éviter une affaire avec vous, ce ne sera donc que vous seul que vous devrez accuser des conséquences. Si vous parlez sérieusement, ce lieu peut servir tout aussi bien qu’un autre à vider notre querelle.

– Mettez donc pied à terre et l’épée à la main, s’écria Bucklaw en lui donnant le premier l’exemple. J’ai toujours pensé et j’ai toujours dit que vous étiez un homme d’honneur : je serais fâché d’être obligé de changer de langage.

– Vous n’en aurez pas sujet, monsieur, dit Edgar en descendant de cheval et en se mettant en état de défense.

Leurs épées se croisèrent aussitôt, et le combat commença avec beaucoup d’ardeur de la part de Bucklaw, qui était accoutumé à ces sortes d’affaires, et qui maniait son épée avec une adresse et une dextérité singulières. Mais dans cette occasion il ne put déployer toute sa science avec avantage ; son sang-froid l’avait abandonné, il s’était échauffé graduellement, et il avait fini par ne plus se posséder en voyant l’air de froideur et de mépris avec lequel le Maître de Ravenswood lui avait longtemps refusé satisfaction, et la lui avait accordée. Emporté par son impatience, il ne songea qu’à l’attaque et pressa son adversaire avec plus de fougue que de prudence. Ravenswood, avec autant d’adresse et beaucoup plus de sang-froid, se tint principalement sur la défensive et évita même de profiter de l’avantage que l’impétuosité téméraire de Bucklaw lui fournit plusieurs fois. À la fin, Bucklaw ayant voulu se précipiter sur son adversaire avec un nouvel acharnement, Edgar profita du moment, lui fit sauter l’épée hors de la main, et comme le terrain était glissant, la violence du coup fit tomber son ennemi sur le gazon.

– Je vous donne la vie, monsieur, dit Ravenswood ; tâchez de vous amender, s’il est possible.

– Ma foi, à parler franchement, je crains que cela ne soit assez difficile, dit Bucklaw en se relevant lentement et en ramassant son épée, beaucoup moins déconcerté de l’issue du combat qu’on aurait pu l’attendre de l’impétuosité de son caractère.

– Je vous remercie, ajouta-t-il, voici ma main ; je ne vous garde pas rancune, quoique vous m’ayez vaincu, et que je sois obligé de vous reconnaître pour mon maître en fait d’escrime.

Ravenswood le regarda fixement, puis il lui tendit la main.

– Bucklaw, lui dit-il, vous êtes un brave, et je ne vous ai pas rendu justice. Je vous demande pardon franchement et du fond du cœur de l’expression qui vous a offensé. Je l’ai employée sans réflexion, dans un moment de vivacité, et je suis convaincu que c’était à tort que je vous l’avais appliquée.

– Maître de Ravenswood, dit Bucklaw en reprenant l’air d’insouciance et d’audace qui le caractérisait, par ma foi ! c’est plus que je n’attendais de vous, car on dit que vous n’êtes pas généralement trop porté à rétracter vos opinions ni vos discours.

– Jamais, lorsque j’ai parlé après avoir pris le temps d’y bien réfléchir.

– Je vois qu’en somme vous êtes un peu plus sage que moi ; car je commence toujours par donner satisfaction à mon ami, sauf à entrer ensuite en explication. Si l’un des deux succombe, tous les comptes sont réglés, sinon, on n’est jamais plus disposé à la paix qu’après la guerre. – Mais que veut ce petit braillard ? ajouta Bucklaw. Je voudrais pour tout au monde qu’il fût venu quelques minutes plus tôt… Mais, bah ! il fallait bien que cette affaire finît un jour ou l’autre, et après tout, autant vaut la manière dont elle s’est terminée.

Tandis qu’il parlait, l’enfant en question s’avançait vers lui, monté sur un âne dont il excitait la vitesse à coups de bâton.

– Messieurs, messieurs, s’écria-t-il en envoyant sa voix devant lui, comme l’un des héros d’Ossian, sauvez-vous, car la femme de l’auberge vous fait dire qu’il y avait dans sa maison des gens qui ont arrêté le capitaine Craigengelt et qui cherchent M. Bucklaw ; vous ferez bien de décamper au plus vite.

– Grand merci de l’avertissement, mon garçon, dit Bucklaw ; tiens, voilà une belle pièce de six pence pour tes peines, et j’en donnerais deux de bon cœur à celui qui pourrait me dire quelle route je devrais suivre.

– Je vais le faire, Bucklaw, dit Ravenswood : venez chez moi ; il y a dans ma vieille tour un endroit où je défierais à un millier d’espions de vous découvrir.

– Non, non, Maître de Ravenswood ; ce serait vous mettre vous-même dans l’embarras, et, à moins que vous ne soyez déjà comme moi dans les filets des jacobites, il est inutile que je vous y traîne.

– N’ayez aucune inquiétude, je n’ai rien à craindre.

– Eh bien ! s’il en est ainsi, je profiterai sans façon de votre offre ; car, à vous dire vrai, je ne connais pas le lieu de rendez-vous où Craigengelt devait nous conduire ce soir, et je suis sûr que, s’il est pris, il dira toute la vérité sur mon compte, et vingt mensonges sur le vôtre, tout cela pour sauver son cou.

Ils montèrent alors à cheval et s’éloignèrent ensemble, évitant la route ordinaire et traversant des bruyères désertes dont l’habitude de la chasse leur avait rendu les sentiers familiers. Ils gardèrent pendant quelque temps le silence et avancèrent aussi rapidement que la fatigue du cheval de Ravenswood leur permettait de le faire, jusqu’à ce que les ténèbres de la nuit se fussent de plus en plus épaissies autour d’eux. Ils modérèrent alors le pas de leurs chevaux, tant par la difficulté de reconnaître leur chemin que parce qu’ils se croyaient enfin à l’abri des poursuites et de tous les regards.

– Maintenant que nous respirons un peu, dit Bucklaw, je voudrais bien vous faire une question, Ravenswood.

– Parlez, reprit celui-ci, mais permettez-moi de ne pas vous répondre si je ne le juge pas convenable.

– Ma question est toute simple, et la voici. Au nom du vieux Satan, quelle raison avez-vous pu avoir, vous qui tenez si fort à votre réputation, pour penser à vous enrôler avec un fripon comme Craigengelt et avec une mauvaise tête comme Bucklaw ?

– Parce que j’étais désespéré, et que je cherchais des compagnons qui ne le fussent pas moins.

– Pourquoi, dans ce cas, nous avoir quittés brusquement au moment où nous commencions à peine à lier connaissance ? demanda de nouveau le questionneur opiniâtre.

– Parce que j’avais changé d’intention, dit Ravenswood, et que j’avais renoncé, du moins pour le moment, à mon entreprise. Maintenant que j’ai répondu franchement à vos questions, dites-moi, à votre tour, comme il se peut que je vous aie trouvé dans la compagnie de Craigengelt, qui vous est si inférieur par la naissance et les sentiments ?

– En deux mots, parce que je suis un fou, dit Bucklaw, et que j’ai perdu au jeu toute ma fortune. Ma grand-tante, lady Girnington, que je croyais voir expirer à chaque instant, vient tout à coup de se prendre de belle passion pour la vie, et se porte à présent mieux que jamais ; je ne pouvais espérer de gagner quelque chose que par un changement de gouvernement. J’avais fait au jeu la connaissance de Craigengelt ; il vit ma position, et comme le diable est toujours dans la compagnie de quelqu’un, il me fit mille histoires sur les lettres de créance qu’il avait de Versailles, me promit que j’aurais un brevet de capitaine dès mon arrivée à Paris, et j’ai fait la folie de me laisser prendre dans ses filets. Je suis sûr que, dans ce moment, il a déjà fait une douzaine de jolies histoires sur mon compte au gouvernement. Oui, Ravenswood, voilà ce que m’ont valu le vin, les dés et les femmes, les coqs, les chiens et les chevaux.

– Il n’est que trop vrai, Bucklaw, vous avez nourri dans votre sein les serpents qui vous tourmentent à présent.

– C’est parler en oracle, reprit son compagnon ; mais, soit dit sans vous déplaire, vous avez aussi nourri dans votre sein un bon gros serpent qui a englouti tous les autres et qui est aussi sûr de vous dévorer que ma demi-douzaine l’est de se repaître de tout ce qui reste à Bucklaw, et je puis bien dire que je porte tout avec moi.

– Je ne saurais me plaindre d’une liberté dont je vous ai donné le premier exemple, reprit le Maître de Ravenswood. Mais, pour parler sans métaphore, quelle est cette passion monstrueuse que vous m’accusez de nourrir ?

– La vengeance. Croyez-vous qu’elle ne puisse figurer à côté de la passion du vin, du jeu et des femmes, etc., etc. ? C’est un penchant tout aussi peu chrétien, et beaucoup moins innocent. Il vaut mieux briser une palissade pour se mettre à l’affût d’un daim ou d’une jeune beauté que d’aller guetter un vieillard pour lui mettre du plomb dans la cervelle.

– Je nie que ce fût là mon projet ! dit le Maître de Ravenswood ; sur mon honneur, je n’avais pas cette intention ! Je voulais seulement confondre l’oppresseur de ma famille avant de quitter ma terre natale, et lui reprocher sa tyrannie et ses conséquences terribles. Je lui aurais fait le tableau de ses injustices, de manière à le graver au fond de son âme, pour y porter à jamais le trouble et les remords.

– Projet bien innocent sans doute, reprit Bucklaw ; mais le vieillard vous eût pris au collet, il eût crié au secours, et, au lieu de porter le trouble dans son âme, vous auriez bien pu lui envoyer une balle dans la tête. Vos regards seuls et vos gestes furieux auraient même suffi pour éteindre le souffle de vie qui lui reste.

– Avez-vous oublié sa barbarie et mes souffrances ? Ne savez-vous pas quels maux sa cruauté a accumulés sur ma tête ? Ma famille détruite, mes biens ravis, le plus tendre des pères mort de douleur, voilà les images qui justifient, qui commandent ma vengeance. Eh quoi ! autrefois, en Écosse, celui qui, après d’aussi sanglants outrages, fût resté tranquille n’eût été jugé digne ni de soutenir un ami ni de combattre un ennemi !

– Ma foi, je ne suis pas fâché de voir que le diable ne tourne pas ses ruses contre moi seul. Toutes les fois que je suis sur le point de commettre une folie, il me persuade toujours que c’est la chose du monde la plus noble, la plus généreuse, la plus nécessaire, et je m’enfonce dans la fondrière jusqu’à la selle avant de voir que la terre est molle. C’est ainsi que vous auriez pu devenir vous-même un meurt…, un homicide, et cela par pur respect pour la mémoire de votre père.

– Il y a plus de sens dans ce raisonnement, Bucklaw, qu’on n’aurait pu en attendre de vous après votre conduite. Il n’est que trop vrai que nos vices se glissent dans notre âme sous des formes aussi aimables que celles de ces démons qui, selon les gens superstitieux, séduisent le cœur des hommes, et dont nous ne découvrons la difformité naturelle qu’après les avoir serrés dans nos bras.

– Mais nous pouvons toujours les chasser loin de nous, dit Bucklaw, et c’est ce que je verrai à faire un de ces jours, c’est-à-dire lorsque lady Girnington mourra.

– Avez-vous jamais entendu cette expression du théologien anglais, dit Ravenswood : L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme pour dire : Elles sont plus souvent formées qu’exécutées.

– Eh bien ! reprit Bucklaw, je commencerai ma réforme dès ce soir ; et je m’engage à ne pas boire plus d’une bouteille de vin, à moins que votre bordeaux ne soit d’une qualité extraordinaire.

– Ma cave ne vous offrira pas de grandes tentations, dit le Maître de Ravenswood. Je ne sache point que je puisse vous promettre rien de plus que l’abri de mon toit. Nos vins, nos vivres, toutes nos provisions, ont été épuisés pour la cérémonie funèbre.

– Puisse-t-il s’écouler un siècle avant qu’il soit nécessaire de les renouveler pour une occasion semblable, répondit Bucklaw ; mais vous n’auriez pas dû épuiser jusqu’au dernier tonneau à un enterrement, cela porte malheur.

– Le malheur s’attache, je crois, à tout ce qui m’appartient, dit Ravenswood. Mais voilà mon antique demeure, et tout ce qu’elle contient est à votre service.

Le bruit toujours croissant des vagues de la mer leur avait annoncé depuis longtemps qu’ils approchaient des rochers sur le sommet desquels les ancêtres de Ravenswood avaient construit leur forteresse, comme l’aigle son aire. La lune, qui jusqu’alors n’avait jeté qu’une faible lueur, sortit tout à coup radieuse du milieu des nuages, et éclaira la tour nue et solitaire située sur un rocher contre lequel venaient se briser les vagues de l’Océan germanique. De trois côtés, le roc escarpé semblait inabordable. Du seul côté qui regardait la terre, il avait été fortifié dans l’origine par un fossé et un pont-levis ; mais le pont n’était plus que ruines et que décombres, et le fossé avait été comblé en partie, de manière à ce qu’un homme à cheval pût pénétrer dans la cour, entourée de deux côtés d’écuries et autres bâtiments en ruines, tandis que du côté de la terre, elle était défendue par un mur crénelé. Le quatrième angle était occupé par la tour elle-même, qui, haute, étroite et construite en pierres grisâtres, apparaissait, à la clarté de la lune, comme le spectre d’un énorme géant.

Il eût été difficile de se figurer rien de plus sombre, rien de plus sauvage et de plus triste que cette habitation. Le murmure sourd des flots qui frappaient continuellement contre le rocher était pour l’oreille ce que le site était pour la vue : un symbole de deuil, de monotonie, et même d’horreur.

Quoique la nuit ne fût pas très avancée, rien n’indiquait qu’il y eût aucun être vivant dans cette triste demeure si ce n’est une faible lueur aperçue à travers une des fenêtres étroites percées à des hauteurs et à des distances irrégulières dans les murs du château.

– C’est la chambre du seul domestique qui reste encore à la maison de Ravenswood, dit Edgar ; et il est heureux que je l’aie conservé, car autrement nous aurions bien pu ne trouver ni feu ni lumière. Mais suivez-moi avec précaution, le passage est étroit et ne permet l’entrée qu’à un seul cheval de front.

En effet, le sentier traversait une espèce d’isthme, et c’était à l’extrémité de cette péninsule que la tour était située. Tout avait été sacrifié pour la fortifier et pour la défendre : c’était l’usage de tous les barons écossais, qui, dans le choix qu’ils faisaient d’un emplacement pour leurs châteaux et pour le style de leur architecture, n’avaient en vue que de les rendre d’un accès difficile.

En employant les précautions recommandées par le propriétaire de cette lugubre habitation, Bucklaw arriva bientôt sain et sauf dans la cour. Mais quoique Ravenswood frappât à coups redoublés à la porte et qu’il criât à Caleb de descendre, il fut longtemps sans recevoir aucune réponse. Il faut que le vieillard soit mort, commença-t-il à penser, ou bien qu’il ait quelque vertige, car le bruit que j’ai fait aurait éveillé les Sept Dormants.

À la fin, une voix timide et tremblante répondit en bégayant : – Est-ce vous ? est-ce le Maître de Ravenswood ?

– Oui, c’est moi, Caleb, ouvrez vite la porte.

– Mais est-ce bien vous en chair et en os ? car j’aimerais mieux voir cinquante diables que le spectre ou l’esprit de mon maître. Ainsi donc, éloignez-vous, quand vous seriez dix fois mon maître, si vous ne venez pas sous une forme bien et dûment humaine.

– C’est moi, vieux fou, reprit Ravenswood, moi-même en corps et en esprit, quoique mourant de froid.

La lumière disparut alors du faîte de la tour, et, se remontrant successivement de croisée en croisée, annonça que celui qui la portait descendait un escalier tournant, pratiqué dans l’une des tourelles, aux angles du vieux bâtiment. La lenteur de sa marche arrachait quelques exclamations d’impatience à Ravenswood et quelques jurements à son compagnon moins endurant encore. Caleb s’arrêta de nouveau avant de lever les barreaux de fer, et demanda encore une fois si c’étaient bien des hommes formés du limon terrestre qui voulaient entrer à cette heure de la nuit.

– Si j’étais près de vous, vieux fou, s’écria Bucklaw, je vous ferais bien voir par des preuves irrécusables que je suis de chair et d’os comme vous.

– Ouvrez la porte, Caleb, dit son maître d’un ton plus conciliant, un peu par égard pour un vieux serviteur, et parce qu’il sentait que les menaces seraient inutiles tant que Caleb aurait une grosse porte de chêne, doublée en fer, entre sa personne et ceux qui lui parlaient.

À la fin, Caleb, d’une main tremblante, souleva les barres de fer, ouvrit la porte pesante et resta un moment immobile devant eux. Ses cheveux gris, courts et très clairs, son front chauve et ses traits sillonnés de rides mais caractéristiques, étaient éclairés par la lueur d’une lampe qu’il tenait d’une main, tandis qu’il la couvrait de l’autre pour en protéger la flamme contre le vent. Le regard craintif et tout à la fois respectueux qu’il jeta autour de lui, l’effet de la lumière sur son visage et ses cheveux blancs auraient pu faire le sujet d’un fort bon tableau ; mais nos voyageurs étaient trop impatients de se mettre à l’abri de l’orage qui commençait à obscurcir l’horizon pour s’amuser à étudier le pittoresque. – Est-ce vous, mon cher maître, est-ce vous ? s’écria le vieux domestique. Je suis fâché, bien fâché que vous ayez attendu si longtemps à la porte de votre propre château ; mais qui eût pensé que vous reviendriez si tôt et accompagné d’un étranger. Dans cet endroit, il s’interrompit, se retourna, et se mit à parler dans le corridor, comme dans un aparté, à quelque habitant de la tour qu’on ne voyait point, et assez bas, à ce qu’il croyait, pour ne pas être entendu des deux amis qui étaient toujours dans la cour. – Mysie, Mysie, ma chère, remuez-vous, au nom du ciel, et arrangez vite le feu ; prenez le vieil escabeau à trois pieds, ou toute autre chose qui vous tombera sous la main, pour faire un peu de flamme. Puis, se retournant vers son maître : – Je crains, lui dit-il, que nous ne soyons pas très bien pourvus de provisions, attendu que nous ne vous attendions que dans quelques mois ; et alors nous aurions eu soin de tout préparer pour que vous fussiez reçu avec les honneurs dus à votre rang et à votre naissance. Néanmoins…

– Néanmoins, Caleb, dit Edgar, il faut que vous nous traitiez de votre mieux, nous et nos chevaux ; soyez tranquille, nous saurons nous accommoder aux circonstances. J’espère que vous n’êtes point fâché de me revoir plus tôt que vous ne vous y étiez attendu ?

– Fâché, milord !… car vous serez toujours milord pour les honnêtes gens, comme vos nobles ancêtres l’ont été pendant trois cents ans, sans demander pour cela la permission à un whig… Fâché de voir le lord Ravenswood de retour dans un de ses châteaux ! Puis, s’adressant de nouveau à voix basse à sa compagne invisible :

– Mysie, lui dit-il, tuez la poule qui couve sans y penser à deux fois, et mettez-la à la broche.

– Non pas que ce soit notre meilleure habitation, ajouta-t-il en se tournant vers Bucklaw ; mais c’est ce qu’il faut au lord de Ravenswood dans ces temps de troubles, lorsqu’il ne saurait habiter une de ses terres principales. Cette tour est une forteresse excellente, remarquable par son antiquité, et tous les nobles étrangers qui y ont reçu l’hospitalité n’ont jamais manqué d’en admirer l’extérieur.

– Et je vois que vous voulez nous laisser le temps de satisfaire notre admiration, dit Edgar qui ne put s’empêcher de sourire en voyant les ruses que le vieillard employait pour les retenir à la porte, tandis que son associée Mysie faisait en dedans les préparatifs nécessaires pour leur réception.

– Oh ! nous nous inquiétons fort peu de l’extérieur de la maison, mon cher ami, dit Bucklaw ; voyons plutôt l’intérieur, et nos chevaux ne seront pas fâchés non plus de faire connaissance avec l’écurie.

– Rien de plus juste, monsieur… rien de plus juste, assurément. Milord et un de ses honorables compagnons…

– Mais nos chevaux, mon vieil ami, nos chevaux ! ils gagneront une courbature si vous les laissez se morfondre ici, après la course qu’ils viennent de faire ; et le mien est trop bon pour que je ne sois pas jaloux de le conserver. Ainsi donc, encore une fois, occupez-vous de nos chevaux, fût-ce au détriment des maîtres.

– Au détriment des maîtres ? Comme si nous n’avions personne… Attendez, attendez, je vais appeler les valets d’écurie ; et Caleb cria d’une voix de stentor, qui retentit dans toute la tour : – Hé ! John ! William ! Saunders ! Les drôles sont sortis ou bien sont déjà couchés, ajouta-t-il après avoir attendu quelque temps une réponse qu’il savait très bien qu’il ne pouvait recevoir. Tout va mal lorsque le maître est absent ; mais j’aurai soin moi-même de vos chevaux.

– Je crois que vous feriez bien, dit Ravenswood ; autrement les pauvres animaux courraient grand danger de n’avoir personne pour les servir.

– Chut ! chut ! pour l’amour de Dieu ! dit Caleb bas à son maître, du ton le plus suppliant ; si vous n’êtes pas jaloux de votre honneur, pensez au mien ; nous aurons encore assez de mal à donner une tournure décente à tout ceci, malgré tous les contes que je pourrai inventer.

– Allons, allons, ne vous tourmentez pas, mon cher Caleb, lui dit son maître ; conduisez les chevaux à l’écurie. J’espère qu’il y a du foin et de l’avoine.

– Oh ! beaucoup, beaucoup de foin et d’avoine. Ces mots furent prononcés hautement et d’un air fier, mais il dit à l’oreille de son maître : – J’ai trouvé quelques mesures d’avoine et un peu de paille hachée dans un coin de l’écurie, après l’enterrement.

– Très bien, dit Edgar en prenant la lampe des mains de son domestique qui semblait avoir de la répugnance à la lui céder, je vais montrer moi-même le chemin à mon hôte.

– Y pensez-vous, milord ! Impossible ! Si vous vouliez seulement avoir cinq ou six minutes ou tout au plus un quart d’heure de patience et regarder la vue superbe qu’on découvre d’ici, pendant que je m’occuperai des chevaux, je reviendrais aussitôt après chercher Votre Seigneurie et son honorable ami, et je vous introduirais dans le château avec les égards convenables. D’ailleurs, j’ai eu soin d’enfermer sous clef les candélabres d’argent, et la lampe n’est pas assez belle…

– Nous saurons nous en contenter, dit Edgar, et pour vous, vous n’aurez pas besoin de lumière dans l’écurie ; car, si je me le rappelle bien, le toit est maintenant en grande partie à jour.

– Il est vrai, milord, reprit le fidèle serviteur ; et il ajouta avec beaucoup de présence d’esprit : – C’est une vilaine engeance que ces charpentiers et ces maçons ; croiriez-vous bien, milord, que depuis tout ce temps ils ne sont pas encore venus le raccommoder.

– Si j’étais disposé à rire des malheurs de ma maison, dit Edgar lorsqu’il fut seul avec son hôte, le pauvre Caleb m’en fournirait ample matière. Sa passion est de représenter toutes les parties de notre misérable ménage non pas telles qu’elles sont, mais telles que, suivant lui, elles devraient être ; et, à parler franchement, j’ai souvent admiré les expédients du bon vieillard pour suppléer à ce qu’il regardait comme essentiel pour l’honneur de la famille, et ses excuses encore plus ingénieuses pour expliquer le manque des objets que toute son adresse ne pouvait parvenir à remplacer. Mais en vérité, je suis presque fâché à présent qu’il ne nous ait pas accompagnés ; car je vois que, quoique la tour ne soit pas très grande, j’aurai quelque peine à trouver l’appartement où il a fait allumer du feu.

En disant ces mots, il ouvrit la porte du salon. – Je vois déjà que ce n’est pas ici, ajouta-t-il en étouffant un soupir.

Le salon offrait en effet le coup d’œil le plus triste et le plus déplorable. C’était une grande pièce voûtée, dont les poutres, disposées comme celles de Westminster-Hall, étaient grossièrement sculptées à leurs extrémités. Cette salle était encore exactement dans le même état où elle avait été laissée après le festin qui avait suivi les funérailles de lord Allan Ravenswood. Des cruches renversées, des pots de terre ou d’étain couvraient encore la grande table de chêne ; et le plancher était semé des débris des verres, objets plus fragiles, dont la plupart avaient été sacrifiés par les convives dans l’enthousiasme avec lequel ils portaient leurs toasts favoris. Quant à la vaisselle et à l’argenterie, que des amis ou des parents avaient prêtée pour cette occasion, ils avaient eu soin de la reprendre aussitôt après une orgie aussi indécente que déplacée. Rien, en un mot, dans cette salle, n’offrait la moindre trace d’opulence : théâtre récent d’un joyeux festin, ce n’était plus qu’un lieu de deuil et de désolation.

Les tentures de drap noir, qui, lors de la cérémonie funèbre, avaient remplacé les vieilles tapisseries, avaient été détachées en partie, et, pendant le long du mur en festons irréguliers, en laissaient voir par intervalles les pierres grossières. Les sièges renversés ou épars çà et là annonçaient la confusion et le désordre de ce festin funèbre.

– Cette salle, dit Ravenswood en tenant la lampe élevée, cette salle, monsieur Bucklaw, fut consacrée à la dissipation, lorsqu’elle eût dû l’être au deuil et à la tristesse ; il est juste que le deuil y règne à son tour dans un moment où vous devriez y être accueilli par la gaîté.

Ils quittèrent ce lugubre appartement et montèrent l’escalier. Après avoir ouvert inutilement deux ou trois portes, Ravenswood entra enfin dans une petite antichambre dont le plancher était couvert de nattes, et où, à leur grande joie, ils virent briller un assez bon feu, que Mysie, grâce à quelque expédient de la nature de celui que Caleb lui avait suggéré, était parvenue à allumer en un instant. Charmé au fond du cœur de trouver une chambre beaucoup plus agréable que le reste du château ne le lui avait fait espérer, Bucklaw sentit renaître son courage, et tout en se frottant les mains devant le feu, il écouta très complaisamment les excuses que le Maître de Ravenswood crut ne pouvoir pas se dispenser de lui faire. – Vous ne trouverez point ici l’aisance, lui dit-il, il y a longtemps que ces murs y sont étrangers s’ils l’ont jamais connue. Un abri et la sûreté, voilà tout ce que je puis vous promettre.

– Ce sont d’excellentes choses en vérité, reprit Bucklaw ; et avec une bouchée de pain et un verre de vin, c’est absolument tout ce que je puis désirer.

– Je crains, dit Ravenswood, que nous ne fassions un pauvre souper ; j’entends Caleb et Mysie qui sont en grande consultation, à ce sujet. Le pauvre Balderston a le malheur d’être un peu sourd, de sorte que la plupart de ses apartés sont entendus par tout l’auditoire, et particulièrement par ceux auxquels il est le plus jaloux de cacher ses manœuvres secrètes… Écoutez !

Ils prêtèrent l’oreille et entendirent la voix du vieux domestique qui paraissait en discussion avec Mysie. – Faites pour le mieux, femme, faites pour le mieux. Il est facile de donner une bonne tournure à tout cela.

– Mais la poule qui couve ?… elle sera aussi dure que des cordes d’arc ou de cuir tendu.

– Dites que vous avez fait une méprise ; dites que c’est une méprise, Mysie, reprit le fidèle sénéchal d’une voix douce et suppliante ; prenez tout sur vous : l’essentiel est de sauver l’honneur de la famille.

– Mais la poule qui couve ? dit l’opiniâtre Mysie ; vous savez bien qu’elle est dans le fournil tout au bout de la basse-cour, et je crains d’y entrer le soir de peur de voir un esprit ; et si je ne voyais pas l’esprit, je ne verrais pas mieux la poule, car il fait noir comme au fond d’un puits, et il n’y a pas d’autre lumière dans la maison que cette bienheureuse lampe que notre maître tient en main. Et quand même j’aurais la poule, ne faut-il pas la plumer, la vider, la faire cuire ? et comment en venir à bout lorsqu’ils sont assis auprès du seul feu que nous ayons ?

– Allons, allons, Mysie, dit le vieux serviteur, laissez-moi faire ; attendez-moi un instant, je vais aller voir s’il n’y aurait pas moyen de leur retirer adroitement la lampe.

Caleb Balderston entra donc tout doucement dans la chambre, ne se doutant guère que son dialogue avec Mysie avait été entendu. – Eh bien ! Caleb, mon vieil ami, y a-t-il quelque espoir de souper ? demanda le Maître de Ravenswood.

– Quelque espoir de souper, milord ? répéta Caleb vivement offensé du doute qu’exprimait cette question ; quelque espoir de souper ? Comment en douter, quand nous sommes dans la maison de Votre Seigneurie ?… Mais je suis sûr que vous n’aimerez pas de la viande de boucherie ? Non, non, il vous faut quelque chose de plus délicat. Nous avons, par exemple, des volailles en abondance, toutes prêtes à être mises à la broche… Un chapon gras, Mysie, cria-t-il avec autant d’assurance que si le garde-manger en eût été rempli.

– Cela n’est pas nécessaire, dit Bucklaw, qui crut par charité devoir soulager le pauvre intendant d’une partie de ses peines et de ses inquiétudes. Si vous avez seulement quelque viande froide et un morceau de pain…

– Les meilleurs petits pains d’avoine ! s’écria Caleb, qui se sentit déchargé d’un grand poids ; et quant à la viande froide, Dieu merci, nous n’en manquons pas. Il est vrai qu’après la cérémonie de l’enterrement, les viandes, les gâteaux, les friandises, tout cela fut donné aux pauvres, suivant l’usage ; mais cependant…

– Allons, Caleb, dit Edgar, il faut en finir ; servez-nous ce que vous avez, et trêve aux excuses. Mon ami, le jeune laird de Bucklaw ne sera pas difficile. Il est obligé de se cacher, et vous sentez…

– Oh ! j’entends très bien, très bien, répondit Caleb en inclinant la tête, tandis que sa figure s’épanouissait de plus en plus ; monsieur ne pourra pas alors trouver beaucoup à redire sur la manière dont notre maison est montée, car il paraît qu’il n’est guère dans de meilleurs draps que nous… Non pas que nous soyons dans de mauvais draps, Dieu merci, ajouta-t-il aussitôt, en rétractant l’aveu qu’il avait laissé échapper dans le premier élan de sa joie, – mais que sommes-nous auprès de ce que nous avons été, auprès de ce que nous devrions être ! Mais pour en revenir au souper… à quoi bon faire des mensonges ?… Il y a un reste d’épaule de mouton qui n’a encore figuré que trois fois sur la table, et plus on approche de l’os, plus la viande est tendre, comme Vos Honneurs le savent très bien ; et puis… et puis il y a un morceau de fromage qui a des yeux à faire envie ; puis du beurre tel qu’on n’en trouve pas à dix milles à la ronde… puis… puis… mais je crois que cela sera bien suffisant pour un simple ordinaire.

Il apporta ses petites provisions avec un empressement incroyable et les plaça avec beaucoup de symétrie sur une petite table ronde, entre les deux amis qui se mirent en devoir de faire honneur à ce repas modeste. Pendant ce temps Caleb se tenait debout derrière eux, avec une gravité solennelle, et cherchait par ses soins officieux à compenser ce qui manquait au festin. Mais, hélas ! il fallut bientôt que le pauvre Caleb appelât de nouveau son esprit inventif à son secours. Bucklaw, qui avait déjà dévoré une partie considérable du morceau de mouton servi pour la quatrième fois, commençait à demander de la bière.

– Je ne voudrais pas vous vanter précisément notre bière, dit Caleb ; le houblon était de mauvaise qualité, et elle est un peu tournée à l’aigre ; mais je ne crois pas, monsieur, que vous ayez souvent goûté de l’eau pareille à celle de la tour, c’est un vrai nectar.

– Mais si votre bière est mauvaise, ne pouvez-vous pas nous donner un peu de vin ? dit Bucklaw, faisant la grimace au seul nom du breuvage limpide que Caleb recommandait si vivement.

– Du vin ? répondit effrontément Caleb ; Dieu merci, il n’en manque pas. Il n’y a que deux jours… puisse pareille cérémonie ne jamais revenir !… il s’est bu dans cette maison plus de vin qu’il n’en faudrait pour mettre une chaloupe à flot. On n’a jamais manqué de vin chez lord Ravenswood.

– Apportes-nous-en donc, au lieu d’en parler, lui dit son maître ; et Caleb sortit hardiment.

Tous les tonneaux vides qui se trouvaient dans la cave furent tour à tour secoués et renversés dans l’attente désespérée de trouver assez de lie de vin pour remplir un grand pot qu’il avait à la main. Hélas ! ils n’avaient été vidés qu’avec trop de soin, et il eut beau lever tous les tonneaux et faire toutes les manœuvres que son expérience comme sommelier lui suggéra, il ne put en recueillir qu’environ une demi-pinte qui fût présentable.

Mais Caleb était trop bon général pour quitter le champ de bataille sans avoir un stratagème tout prêt pour couvrir sa retraite. Lorsqu’il fut à la porte de la chambre, il lança intrépidement à terre un flacon vide, comme s’il avait fait un faux pas au moment d’entrer, maudit sa maladresse, cria à Mysie de venir essuyer le vin qui n’avait jamais été répandu, et plaçant l’autre flacon sur la table, il témoigna l’espoir qu’il en restait encore assez pour Leurs Honneurs. Il en restait bien assez en effet, car Bucklaw lui-même, partisan outré de la grappe, ne se sentit pas le courage de renouveler sa première attaque sur le vin de Wolfcrag, et fut obligé, malgré toute sa répugnance, de se contenter d’un verre d’eau claire.

Il fallut alors songer aux arrangements à faire pour la nuit ; et comme la chambre secrète fut choisie pour le logement du nouvel hôte, Caleb se trouva muni d’une excellente excuse pour expliquer le mauvais état de l’ameublement, etc.

– En effet, dit-il, qui jamais eût pu s’imaginer qu’on aurait besoin de la chambre secrète ? On ne s’en est pas servi depuis le temps de la fameuse conspiration, et je n’ai jamais osé en laisser voir l’entrée à aucune femme, autrement Votre Honneur conviendra que ce n’eût pas été longtemps une chambre secrète.

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