On aperçut de loin un brillant attelage,
Quatre chevaux fringants conduisaient l’équipage.
Anonyme.
Craigengelt ne perdit pas de temps pour faire ses préparatifs de départ et partit dès qu’ils furent terminés. Il fit son voyage avec toute la diligence possible et s’acquitta de sa mission avec la dextérité que Bucklaw lui avait supposée. Comme il arrivait avec des lettres de crédit de M. Hayston de Bucklaw, il fut parfaitement accueilli par les deux dames, et l’on sait que ceux qui sont prévenus en faveur d’une nouvelle connaissance découvrent, pendant un certain temps, des perfections dans ses défauts, et même des vertus dans ses vices.
C’est ce qui arriva à lady Ashton et à lady Blenkensop à l’égard du digne capitaine. Quoiqu’elles fussent accoutumées à la bonne société, comme elles s’étaient persuadées qu’elles devaient trouver dans l’ami de M. Hayston un homme aimable et de bonne compagnie, elles réussirent parfaitement à se tromper elles-mêmes. Il est vrai que Craigengelt, grâce à la bourse de Bucklaw, était bien mis, et c’était un point qui n’était pas de peu d’importance. Son abord impudent passa pour une honnête fierté, convenable à la profession des armes, ses fanfaronnades pour du courage, son bavardage pour de l’esprit. Afin que personne ne puisse croire que ceci s’écarte des règles de la vraisemblance, nous ajouterons, pour rendre justice à ces deux dames, que leur discernement fut aveuglé, et qu’elles se trouvèrent disposées à voir le capitaine d’un œil favorable, parce qu’il arriva dans un moment où, fatiguées de plusieurs jours de tête à tête, elles désiraient un tiers pour en rompre l’ennui et faire dans la soirée une partie de trédrille, jeu qu’il possédait parfaitement, de même que tous les autres.
Dès qu’il se vit sûr de la faveur de ses deux hôtesses, il commença à dresser ses batteries pour exécuter les instructions qu’il avait reçues de son mandataire. Sa tâche ne fut pas très difficile, car lady Ashton avait elle-même le plus grand désir de voir se réaliser l’alliance que lady Blenkensop s’était empressée de lui proposer, tant parce qu’elle la croyait avantageuse pour la famille du lord garde des sceaux que par suite d’une manie qu’elle avait de faire des mariages. Bucklaw, héritier de lady Girnington et ayant renoncé à ses habitudes de prodigalité, était précisément l’époux qu’elle désirait pour sa bergère de Lammermoor. Ce mariage donnait à Lucie un époux d’une naissance distinguée et d’une fortune considérable, et c’était là son ambition pour elle.
Il arrivait aussi que, par suite de la succession qu’il venait de faire, Bucklaw jouissait de quelque crédit dans un comté voisin, où les Douglas avaient des possessions considérables. Or un des désirs les plus ardents de lady Ashton était que Sholto, son fils aîné, fût élu représentant de ce comté au parlement, et elle voyait dans l’alliance projetée avec Bucklaw une circonstance qui devait être utile à ses vues.
Craigengelt, qui ne manquait pas de sagacité à sa manière, n’eut pas plus tôt découvert quel était le but des désirs de lady Ashton qu’il dressa ses batteries et dirigea sa marche en conséquence. Rien n’empêcherait Bucklaw d’être représentant du comté s’il le voulait. Il n’aurait qu’à se déclarer candidat. Il avait parmi les électeurs deux cousins-germains, six parents plus éloignés et une foule d’amis qui tous voteraient comme il le leur prescrirait. Le crédit des Girningham avait toujours tout fait dans ce comté. Mais son ami n’avait pas l’ambition d’entrer au parlement. On ne savait encore qui il appuierait de son crédit. Il n’avait pris d’engagement avec qui que ce fût. C’était dommage qu’il n’eût pas quelque personne de poids pour le guider.
Tous ces propos, jetés en avant comme sans intention, ne furent pas perdus pour lady Ashton. Elle se promit bien d’être la personne qui guiderait l’influence politique de Bucklaw, et de la diriger d’une manière favorable à son fils aîné Sholto et aux autres parties intéressées.
Quand le capitaine la vit si heureusement disposée, il commença, pour nous servir des expressions de son patron, à lui donner de l’éperon, en hasardant quelque propos sur la situation où se trouvaient les affaires au château de Ravenswood. L’héritier de la famille qui portait ce nom y séjournait depuis longtemps, il paraissait au mieux avec le lord garde des sceaux, il ne quittait pas miss Lucie : cela faisait courir des bruits dans tous les environs, mais du diable s’il les croyait. Il n’entrait pas dans les vues du capitaine de montrer de l’inquiétude relativement à ces bruits : mais il vit aisément aux joues animées de lady Ashton, à ses yeux étincelants, à sa voix altérée, qu’elle avait pris l’alarme. Son mari depuis quelque temps ne lui avait pas écrit aussi souvent et avec autant de régularité que de coutume. Il ne lui avait parlé ni de la visite qu’il avait faite à Wolfcrag, ni du séjour du Maître de Ravenswood dans son château, ni de l’arrivée prochaine du marquis d’Athol. Il était bien singulier qu’elle n’apprît ces nouvelles étranges que par hasard et de la bouche d’un inconnu. Que signifiait ce mystère ? Projetait-il une rébellion contre l’autorité de sa femme ? Elle saurait bien déconcerter ses projets, le punir comme un sujet coupable de révolte contre son souverain légitime. Son indignation était d’autant plus amère qu’elle ne voulait pas la laisser éclater devant lady Blenkensop et le capitaine, l’un étant la parente et l’autre l’ami de Bucklaw, dont elle désirait alors doublement l’alliance, depuis qu’elle voyait qu’il était possible que son mari, par politique ou par timidité, lui préférât celle de Ravenswood.
Le capitaine était assez bon ingénieur pour voir que la mèche de la mine avait pris feu. En conséquence il entendit sans surprise lady Ashton déclarer, dès le même jour, qu’elle abrégerait le séjour qu’elle comptait faire chez lady Blenkensop, et qu’elle partirait le lendemain matin de bonne heure, en faisant toute la diligence que l’état des routes et la manière dont elle devait voyager pourraient le permettre.
Malheureux lord garde des sceaux ! Il ne songeait guère à l’orage grondant dans le lointain qui, poussé par un vent impétueux, s’avançait vers son château, et le souvenir de son aimable épouse ne se présentait pas à son esprit ; toutes ses pensées étaient absorbées par la visite qu’il attendait du marquis d’Athol. Le jour où ce personnage important devait honorer de sa présence le château de Ravenswood était enfin arrivé, et tout y était en mouvement pour le recevoir. Sir William courait d’appartement en appartement pour voir si tout y était en ordre ; il entrait en conférence avec le sommelier dans la cave, avec la femme de charge dans l’office, et se hasardait même à jeter un coup d’œil dans la cuisine, au risque d’essuyer une mercuriale de la part d’un cuisinier assez fier pour braver les avis de lady Ashton elle-même.
Après s’être convaincu par ses propres yeux que rien ne manquait pour la réception de son hôte, il monta sur la terrasse de son château afin d’épier l’arrivée du marquis et engagea Edgar et Lucie à l’y accompagner. Cette terrasse, flanquée d’un mur épais construit en grosses pierres, s’étendait en face du château, de niveau avec le premier étage ; et l’on entrait dans la cour par une grande porte cintrée, ouverte en dessous. On voyait que les lords de Ravenswood, en faisant construire cet édifice, avaient voulu lui donner quelques moyens de défense, mais que dans la confiance que leur inspirait leur puissance ils n’avaient pas songé à en faire précisément un château fort.
On y jouissait d’une vue aussi belle qu’étendue ; mais ce qui est le plus important pour notre histoire, c’est que de là on découvrait deux routes venant l’une de l’est, et l’autre de l’ouest. Elles se rapprochaient graduellement l’une de l’autre, et à la descente d’une colline située en face de l’éminence sur laquelle était situé le château, elles se joignaient à peu de distance de l’avenue qui y conduisait. C’était par la route venant de l’ouest que le marquis devait arriver, et c’était de ce côté que se dirigeaient tous les yeux, le lord garde des sceaux y fixant ses regards par une sorte d’impatience inquiète, sa fille par soumission aux désirs de son père et Ravenswood par complaisance, quoique non sans éprouver quelque mouvement de dépit intérieur.
Ils n’attendirent pas longtemps. Deux coureurs à pied vêtus en blanc, avec des chapeaux noirs de jockey, et de longues cannes à la main, précédaient le cortège, et telle était leur agilité qu’ils pouvaient sans peine marcher à la distance exigée par l’étiquette devant la voiture et les hommes à cheval. Ils arrivaient donc d’un trot léger, et fournissant leur longue carrière sans perdre haleine. On trouve dans les anciennes comédies de fréquentes allusions à ces coureurs, par exemple le Mad world, my masters (le monde est fou, mes maîtres) de Middleton, et quelques vieillards écossais peuvent se souvenir encore d’en avoir vu dans le cortège qui accompagnait les anciens seigneurs quand ils voyageaient en cérémonie. Derrière ces brillants météores qui couraient comme si l’ange des vengeances eût été à leur poursuite, on voyait un nuage de poussière que faisaient lever les cavaliers qui précédaient ou accompagnaient et suivaient la voiture du marquis.
Le privilège de la noblesse, à cette époque, avait quelque chose qui faisait impression sur l’imagination. Le costume, la livrée et le nombre des laquais, la manière de voyager, l’air imposant et presque belliqueux des hommes armés qui entouraient l’équipage mettaient le grand seigneur bien au-dessus du simple laird suivi seulement de deux domestiques ; et quant aux négociants, ils n’auraient pas plus songé à imiter le train des grands seigneurs qu’à se donner un équipage semblable à la voiture d’apparat du souverain. À présent c’est tout différent, la noblesse voyage comme la roture, et moi-même, moi, Pierre Pattieson, dans le dernier voyage que j’ai fait à Édimbourg, j’ai eu l’honneur de changer une jambe (phrase de diligence) avec un pair du royaume. Mais il n’en était pas de même dans le temps dont je parle, et ce marquis, attendu depuis si longtemps, arriva entouré de toute la pompe de l’ancienne aristocratie. Sir William était si occupé à réfléchir s’il n’avait rien oublié de tout ce qui devait avoir lieu pour le cérémonial de la réception qu’il n’entendit pas la question que lui fit le jeune Henry, qui avait suivi le reste de la famille.
– Voilà une autre voiture qui vient par la route de l’est, papa, s’écria-t-il : appartient-elle aussi au marquis d’Athol ?
Enfin le jeune homme ayant forcé son père à lui accorder quelque attention en le tirant par la manche de l’habit, « il détourne la tête et soudain aperçoit une autre vision ». La chose n’était que trop sûre. Une autre voiture attelée de six chevaux et accompagnée de quatre laquais à cheval, venait au grand galop, et il aurait été difficile de décider lequel des deux équipages arriverait le premier à la porte de l’avenue. L’un était bleu, l’autre vert, et jamais les factions verte et bleue n’excitèrent autant de trouble dans les cirques de Rome ou de Constantinople que cette double apparition en fit naître dans l’esprit du lord garde des sceaux. Chacun se rappelle la terrible exclamation d’un homme qui, sur le point de terminer une vie coupable, croyait voir près de son lit un spectre épouvantable dont il faisait la description. Un de ses amis, pour essayer de guérir son imagination, y fit placer un homme costumé de la même manière : – « Mon Dieu », s’écria le moribond voyant en même temps l’apparition véritable et celle qui n’était qu’imaginaire, « il y en a deux ! »
La surprise que cette double arrivée fit éprouver au lord garde des sceaux ne fut guère moins désagréable. Il n’avait aucun voisin qui pût ainsi venir chez lui sans plus de cérémonie, c’est-à-dire sans y être ni invité ni attendu. Ce ne pouvait donc être que lady Ashton. Un pressentiment secret le lui disait et l’avertissait en même temps du motif de ce retour subit qui n’avait pas été annoncé. Il sentit qu’il était pris comme en flagrant délit. Il ne pouvait avoir le moindre doute qu’elle ne vît du plus mauvais œil la société dans laquelle elle venait le surprendre si inopinément ; et le seul espoir qui lui restât, c’était que l’importance que lady Ashton attachait à maintenir, en tout état de choses, le décorum de la dignité préviendrait l’explosion publique de sa colère. Néanmoins il était tellement tourmenté de doutes, de craintes et d’inquiétudes qu’il en oubliait jusqu’au cérémonial projeté pour la réception du marquis.
Mais il n’était pas le seul qui eût conçu ce sentiment d’appréhension. Lucie, le visage couvert d’une pâleur mortelle et joignant les mains, se tourna vers le Maître de Ravenswood. – C’est ma mère ! lui dit-elle, c’est ma mère !
– Et quand ce serait lady Ashton, lui dit-il à voix basse, quel motif avez-vous pour en concevoir tant d’alarmes ? Le retour d’une mère dans le sein de la famille qu’elle a quittée depuis si longtemps doit-il donc faire naître l’effroi et la consternation ?
– Vous ne connaissez pas ma mère, répondit miss Ashton d’une voix que la terreur rendait presque inintelligible : que dira-t-elle quand elle vous verra ici ?
– J’y suis resté trop longtemps, dit Ravenswood avec un peu de hauteur, si ma présence doit lui être si désagréable. Ma chère Lucie, ajouta-t-il avec douceur, votre crainte de lady Ashton est puérile. C’est une dame de haute naissance, d’un rang distingué, qui sans doute connaît le monde et sait ce qu’elle doit à son mari et aux hôtes de son mari.
Lucie secoua la tête, et, comme si elle eût craint que sa mère, qui était encore à plus d’un demi-mille de distance, ne pût la voir et suivre tous ses mouvements, elle s’éloigna de Ravenswood, prit le bras de son frère Henry, et l’entraîna d’un autre côté de la terrasse. Le lord garde des sceaux descendit sans l’inviter à le suivre, et ainsi Edgar se trouva seul, abandonné en quelque sorte par tous les habitants du château.
Ce n’était pas ce qui convenait au caractère d’un homme non moins fier que pauvre, et qui croyait qu’en oubliant des ressentiments profondément enracinés, au point de consentir à recevoir l’hospitalité de sir William Ashton, il accordait une grâce au lieu d’en recevoir une.
– Je puis pardonner à Lucie, pensa-t-il ; elle est jeune, timide, et elle sait qu’elle s’est permis de contracter, sans l’aveu de sa mère, un engagement important. Elle devrait pourtant songer quel est celui avec qui elle l’a contracté, et ne pas me donner lieu de croire qu’elle a honte de son choix. Quant au lord garde des sceaux, dès le premier instant qu’il a entrevu la voiture de lady Ashton, sa physionomie s’est décomposée, et il n’y est pas resté le moindre indice de bon sens et d’énergie. Il faut voir comment tout ceci finira, et si l’on me donne quelque raison de croire que ma présence ici n’est pas agréable, j’en aurai bientôt disparu.
L’esprit occupé de ces réflexions, il quitta la terrasse, et, se rendant aux écuries du château, il donna ordre qu’on sellât son cheval afin de le trouver prêt dans le cas où il voudrait partir.
Cependant les cochers des deux voitures qui, en s’approchant, avaient jeté tant de confusion dans le château reconnurent bientôt qu’ils se dirigeaient par des routes différentes vers un même point central, l’avenue de Ravenswood. Lady Ashton donna ordre à ses postillons de redoubler de vitesse, désirant avoir un moment d’entretien avec son mari avant l’arrivée des hôtes qui se rendaient chez lui, quels qu’ils pussent être. D’un autre côté, le cocher du marquis, jaloux de soutenir sa dignité et celle de son maître, et voyant son rival doubler le pas, commença à presser ses chevaux pour se maintenir dans son droit de préséance ; de sorte que, pour compléter la confusion qui régnait dans la tête du lord garde des sceaux, il vit le peu de temps qui lui restait pour se faire un plan de conduite, considérablement abrégé par suite de la rivalité des deux cochers, qui, se regardant l’un l’autre d’un air d’animosité, fouettaient leurs chevaux à tour de bras et descendaient la colline avec la rapidité de la foudre, tandis que les cavaliers qui les suivaient furent obligés de prendre le galop pour ne pas rester en arrière.
La seule chance qui restât alors à sir William était la possibilité que l’une des deux voitures fût renversée dans cette lutte, et que sa femme ou le marquis se cassât le cou. Nous ne pouvons assurer qu’il forma des vœux bien positifs à ce sujet, mais nous avons de bonnes raisons pour croire que dans aucun de ces deux cas il n’aurait été inconsolable. Cette chance lui fut bientôt enlevée. Lady Ashton, quoique insensible à la crainte, sentit le ridicule de jouter de vitesse avec un homme de haut rang dans une course dont le but était la porte de son propre château, et, en approchant de l’avenue, elle ordonna à son cocher de ralentir le pas et de laisser passer l’autre équipage. Il obéit avec grand plaisir à cet ordre qui venait à propos pour sauver son honneur, car les chevaux du marquis étaient meilleurs que les siens, ou moins fatigués. Le cocher se réduisit donc au petit trot et laissa la voiture verte enfiler l’avenue qu’elle parcourut avec la vitesse d’un tourbillon, le cocher du marquis se faisant un point d’honneur de prouver que, quoiqu’on lui eût cédé le pas, il n’aurait pas eu besoin de cet avantage pour gagner le prix de la course. Le marquis arriva donc au château avec tout son cortège, tandis que lady Ashton n’était encore qu’au commencement de l’avenue.
Sous le vestibule du château, sir William Ashton était debout, attendant l’arrivée du marquis d’Athol. À ses côtés étaient son fils et sa fille, et par derrière une troupe nombreuse de domestiques en grande livrée. Les nobles d’Écosse à cette époque portaient jusqu’à l’extravagance le nombre de leurs domestiques, dont les services ne coûtaient pas cher dans un pays où il se trouvait plus de bras que de moyens de les employer.
Un homme qui avait autant d’usage du monde que le lord garde des sceaux avait trop d’empire sur soi-même pour se laisser longtemps déconcerter par les circonstances les plus contrariantes. Lorsque le marquis fut descendu de voiture, il lui adressa les compliments d’usage, et en le faisant entrer dans le salon il lui exprima le plaisir qu’il éprouvait en le recevant chez lui. Le marquis d’Athol était un homme de grande taille, bien fait, à l’air pénétrant, et dans les yeux de qui le feu de l’ambition avait depuis quelques années remplacé la vivacité de la jeunesse. Sa physionomie avait une expression fière et hardie, mais adoucie par l’habitude de la circonspection et par le désir qu’il avait, comme chef d’un parti, d’acquérir de la popularité. Il répondit avec politesse aux avances de sir William, qui le présenta formellement à sa fille, mais en remplissant ce cérémonial une distraction un peu forte fit voir quel était l’objet qui occupait en ce moment toutes ses pensées. – Voici mon épouse, lady Ashton, dit-il au marquis en lui présentant Lucie.
Lucie rougit, le marquis parut surpris, et sir William, reconnaissant sa méprise, s’écria, non sans un nouveau trouble : – C’est ma fille, c’est miss Lucie Ashton que je voulais dire, milord ; mais le fait est que je viens de voir la voiture de lady Ashton entrer dans l’avenue, et… et…
– Ne faites point d’excuses, milord, et permettez-moi de vous prier d’aller au-devant de lady Ashton. Pendant ce temps je ferai connaissance avec votre charmante fille. Je suis honteux que mes gens aient pris le pas sur mon hôtesse à sa propre porte, mais Votre Seigneurie doit savoir que je croyais que lady Ashton était encore dans le sud. De grâce, milord, point de cérémonie ; allez recevoir votre épouse.
C’était précisément ce que désirait sir William, et il profita sur-le-champ de la permission obligeante du marquis. Il espérait qu’en voyant lady Ashton un moment en particulier, il essuierait la première bordée de sa colère, et qu’elle serait alors plus disposée à accueillir ses hôtes avec le décorum convenable. Lorsque la voiture s’arrêta, il s’avança pour l’aider à descendre, mais elle le repoussa et demanda la main du capitaine Craigengelt, qui était à la portière, le chapeau sous le bras, et qui avait, pendant tout le voyage, joué le rôle de cavaliere servente. S’appuyant sur le bras de cet homme respectable, lady Ashton traversa le vestibule, donnant quelques ordres à ses domestiques, mais sans adresser un seul mot à sir William, qui la suivit plutôt qu’il ne l’accompagna dans le salon. Elle y trouva le marquis d’Athol causant avec le Maître de Ravenswood, Lucie ayant saisi quelque prétexte pour s’échapper. Un air d’embarras régnait sur toutes les figures, à l’exception de celle du marquis, car toute l’impudence de Craigengelt ne suffisait pas pour bannir de son visage l’expression de la crainte que lui inspirait la vue d’Edgar, et toutes les personnes formant le reste de la compagnie sentaient qu’elles se trouvaient dans une situation embarrassante.
Le marquis, après avoir attendu un instant que sir William le présentât à sa femme, vit qu’il fallait bien qu’il se chargeât lui-même de ce soin. – Sir William, dit-il à lady Ashton en la saluant, m’a présenté tout à l’heure sa fille sous le titre de son épouse ; il aurait pu également me présenter son épouse comme sa fille, car lady Ashton est toujours comme je l’ai vue il y a quelques années. Me permettra-t-elle de réclamer les droits d’une ancienne connaissance ?
À ces mots, il s’avança vers elle pour l’embrasser, avec une grâce qui n’admettait pas de refus. – Je viens chez vous, milady, continua-t-il en qualité de pacificateur. Permettez-moi donc de vous présenter mon jeune parent, le Maître de Ravenswood, et de vous demander vos bontés pour lui.
Lady Ashton ne put se dispenser de se tourner vers Edgar et de lui faire une révérence, mais elle y mit un air de hauteur et de dédain qui annonçait très clairement qu’elle ne le voyait pas chez elle avec plaisir, et le salut qu’il lui rendit fut accompagné d’une froideur et d’une fierté qui prouvaient qu’Edgar lui vouait en ce moment les mêmes sentiments qu’elle avait pour lui.
– Permettez-moi, milord, dit-elle alors au marquis, de présenter à Votre Seigneurie un de mes amis. Craigengelt fit un pas en avant avec cette impudence effrontée que les gens de son espèce prennent pour de l’aisance, et salua le marquis d’Athol, qui fit à peine attention à lui. – Vous et moi, sir William, continua-t-elle, et ce furent les premiers mots qu’elle adressa à son mari, nous avons fait chacun de notre côté de nouvelles connaissances : je vous présente donc le capitaine Craigengelt.
Le capitaine salua de nouveau, et le lord garde des sceaux lui rendit son salut sans paraître se souvenir qu’il l’eût déjà vu, et de l’air d’un homme qui ne désire que la paix et une amnistie générale entre toutes les parties, en y comprenant les auxiliaires. D’après ce système de conciliation, – Permettez-moi, dit-il au capitaine, de vous présenter le Maître de Ravenswood. Mais le Maître de Ravenswood, se redressant d’un air de hauteur, répondit d’un ton méprisant, et sans daigner regarder l’émissaire de Bucklaw : – Le capitaine Craigengelt et moi nous nous connaissons déjà parfaitement.
– Parfaitement, répéta le capitaine comme un écho, mais d’un ton qui annonçait qu’il n’était pas trop à l’aise, et il s’inclina pour le saluer, mais moins profondément qu’il ne l’avait fait à l’égard du marquis et du lord garde des sceaux.
Lockard, suivi de trois domestiques, entra en ce moment pour apporter le vin et les rafraîchissements qu’il était alors d’usage d’offrir avant qu’on se mît à table, et lady Ashton demanda la permission de se retirer un instant avec son mari, à qui elle avait à communiquer une affaire importante. Le marquis la pria de ne faire aucune cérémonie, et Craigengelt, ayant bu à la hâte un second verre de vin des Canaries, s’empressa de sortir du salon, quoique lady Ashton eût recommandé à Lockard de prendre de lui un soin tout particulier. Mais il ne se souciait pas de rester en tiers avec le marquis et le Maître de Ravenswood, la présence du premier le tenant dans un état de gêne et de contrainte, et celle du second le frappant de terreur. Quelques arrangements à faire relativement à son cheval et à son bagage lui servirent de prétexte pour se retirer.
Le marquis et son jeune parent restèrent donc tête à tête, libres de se communiquer leurs réflexions sur l’accueil qu’ils avaient reçu de lady Ashton, tandis qu’elle sortait du salon, suivie de son mari, qui ressemblait à un coupable à qui l’on va prononcer sa condamnation.
Elle le conduisit dans son cabinet de toilette, et dès qu’ils y furent entrés elle s’abandonna à la violence de son caractère, que jusque-là elle avait réprimée par égard pour les apparences. Tirant par le bras son mari alarmé pour le faire entrer plus vite, elle ferma la porte, en mit la clef dans sa poche, et, levant avec fierté une tête que les années n’avaient pas encore dépouillée de tous ses charmes, elle lui adressa ces paroles en fixant sur lui des yeux qui annonçaient autant de résolution que de ressentiment : – Je ne suis pas très surprise, milord, des liaisons qu’il vous a plu de former pendant mon absence, elles sont dignes de votre naissance et de votre éducation. J’avais tort d’attendre de vous une autre conduite ; je reconnais ma faute, et je mérite le châtiment que j’en reçois.
– Lady Ashton, ma chère Éléonore, écoutez la raison un instant, et vous verrez que j’ai agi avec tous les égards qui sont dus à la dignité et aux intérêts de notre famille.
– Je vous crois très en état, répliqua-t-elle d’un ton de mépris, de veiller aux intérêts et à la dignité de votre famille, mais comme l’honneur de la mienne s’y trouve inséparablement lié, vous m’excuserez si je me charge de veiller moi-même à tout ce qui peut lui porter atteinte.
– Mais que voulez-vous dire, lady Ashton ? Qu’est-ce qui vous déplaît ? Comment se fait-il qu’après une si longue absence votre premier soin, en arrivant au château, soit de porter une accusation contre moi ?
– Demandez-le à votre propre conscience, sir William ; cherchez-y ce qui vous a rendu un renégat au parti et aux principes politiques que vous aviez suivis jusqu’ici, ce qui vous a mis sur le point de marier votre fille à un misérable mendiant jacobite, à l’ennemi le plus invétéré de votre famille.
– Mais, au nom du bon sens et de la politesse, que vouliez-vous que je fisse, madame ? M’était-il possible décemment de fermer ma porte à un homme bien né qui venait de sauver la vie de ma fille et la mienne ?
– Sauver votre vie ! j’ai entendu parler de cette histoire. Le lord garde des sceaux s’est laissé effrayer par une vache, et il prend pour un Guy de Warwick le jeune homme qui l’a tuée. Le premier boucher d’Haddington pourrait avoir les mêmes droits à recevoir chez vous l’hospitalité.
– Lady Ashton ! Éléonore ! cela n’est pas supportable ! quand je suis prêt à faire pour vous tous les sacrifices ! Dites-moi seulement ce que vous désirez que je fasse.
– Allez retrouver vos hôtes, répondit la dame impérieuse, et faites vos excuses à Ravenswood de ne pouvoir lui offrir plus longtemps un logement au château. Dites-lui que l’arrivée du capitaine Craigengelt et de quelques autres amis, de M. Hayston de Bucklaw entre autres, que j’attends incessamment, vous empêche de…
– Juste ciel ! madame, s’écria le lord garde des sceaux, y pensez-vous ! Ravenswood céder la place à un Craigengelt ! Savez-vous que c’est un chevalier d’industrie, un joueur reconnu, un vil délateur ? Peu s’en est fallu que je ne le prisse par les épaules et que je ne le misse à la porte, et j’ai été fort surpris de le voir à votre suite.
– Puisque vous l’y avez vu, répondit sa douce moitié, vous devez être sûr que sa société ne peut que vous faire honneur : mais je sais à qui il doit l’estime que vous avez pour lui. Quant à ce Ravenswood, il ne recevra que le traitement qu’il a fait subir lui-même à un homme estimable, à un de mes amis qui a eu le malheur de loger quelque temps dans sa tour ruinée ; en un mot, prenez votre parti : si Ravenswood ne sort pas du château à l’instant, ce sera moi qui en sortirai.
Sir William se promenait à grands pas en long et en large d’un air fort agité. La crainte, la honte, la colère disputaient le terrain à la soumission avec laquelle il pliait ordinairement sous les moindres volontés de sa femme ; il finit, suivant l’usage des esprits faibles et timides, par adopter un mezzo termine, un moyen terme.
– Je vous dirai franchement, madame, que je ne veux ni ne puis me rendre coupable envers le Maître de Ravenswood de l’incivilité que vous me proposez ; il n’a pas mérité de moi ce traitement ; si vous êtes assez peu raisonnable pour insulter un homme de qualité sous votre propre toit, je ne puis vous en empêcher ; mais je ne vous servirai pas d’agent pour un procédé si monstrueux.
– Bien décidément ?
– Très décidément. Demandez-moi quelque chose qui soit d’accord avec les convenances, d’éloigner peu à peu les occasions de le voir, de nous dire absents quand il se présentera ici ; mais lui dire de quitter ma maison à l’instant, c’est ce que je ne ferai point ; je n’y puis consentir.
– C’est donc sur moi que tombera la tâche de soutenir l’honneur de la famille, comme je l’ai déjà fait plus d’une fois.
Elle s’assit, écrivit à la hâte quelques lignes, et elle ouvrait une porte pour appeler une femme de chambre qui était dans la pièce suivante, quand le lord garde des sceaux résolut de faire encore un effort pour l’empêcher de hasarder un pas si décisif.
– Pensez bien à ce que vous faites, lady Ashton, songez que vous allez nous faire un ennemi mortel d’un jeune homme ardent qui trouvera vraisemblablement les moyens de nous nuire…
– Avez-vous jamais connu un Douglas qui ait redouté un ennemi ? lui demanda-t-elle d’un air de mépris.
– Cela est fort bien, mais il est aussi fier et aussi vindicatif que cinq cents Douglas et cinq cents diables. Prenez seulement une nuit pour y réfléchir.
– Pas un seul instant… Mistress Patullo ! tenez, portez ce billet au jeune Ravenswood.
– Au Maître de Ravenswood, madame.
– À celui à qui l’on donne ce nom.
– Je m’en lave les mains, dit le lord garde des sceaux, et je vais au jardin voir si le jardinier a préparé les fruits pour le dessert.
– Allez, allez, lui dit-elle en le regardant d’un air méprisant ; et remerciez le ciel de vous avoir donné une femme aussi capable de songer à l’honneur de la famille que vous l’êtes de vous occuper de poires et de raisins.
Le lord garde des sceaux resta dans le jardin le temps nécessaire pour que l’explosion pût avoir lieu en son absence, et pour laisser se refroidir la première chaleur du ressentiment de Ravenswood.
Quand il rentra au château, il trouva le marquis d’Athol dans le salon, donnant des ordres à quelques-uns de ses domestiques, et le mécontentement peint sur le visage. Il commençait à balbutier quelques excuses pour l’avoir laissé seul si longtemps, mais le marquis l’interrompit.
– Je présume, sir William, que vous connaissez ce billet véritablement étrange dont votre épouse a jugé à propos de favoriser mon jeune parent (prononçant avec emphase le mot mon), et par conséquent vous êtes préparé à recevoir mes adieux. Mon parent a cru pouvoir partir sans vous en faire, les politesses qu’il a reçues de vous se trouvent effacées par cet affront inattendu.
– Je vous proteste, milord, dit sir William en tenant à la main le billet de lady Ashton, que je suis étranger, complètement étranger au contenu de cette lettre. Je sais que lady Ashton a des préventions, qu’elle écoute trop un premier mouvement, et je suis sincèrement désespéré de ce qui vient de se passer ; mais j’espère que vous considérerez, milord, qu’une femme…
– Sait du moins ce qu’elle doit aux gens d’un certain rang, quand elle-même est bien née, dit le marquis en finissant la phrase.
– Cela est vrai, milord, dit l’infortuné lord garde des sceaux, mais vous voudrez bien considérer que lady Ashton est une femme…
– Qui a besoin qu’on lui apprenne quels sont les devoirs d’une femme, dit le marquis en l’interrompant encore. Mais la voici, et je veux apprendre d’elle-même quel est le motif d’une insulte si extraordinaire faite à mon parent, tandis que lui et moi nous nous trouvons sous votre toit.
Lady Ashton entrait en ce moment. Sa discussion avec son mari, un entretien qu’elle avait eu ensuite avec sa fille ne l’avaient pas empêchée de songer aux soins de sa toilette. Elle était en grande parure et brillait de toute la splendeur dont les dames de qualité avaient coutume alors de s’entourer en pareille occasion.
Le marquis d’Athol la salua d’un air de hauteur, et elle lui paya sa politesse en même monnaie. Reprenant des mains passives de sir William le billet qu’il venait de lui donner, il s’avança vers elle, mais, avant qu’il eût le temps de lui parler, elle le prévint en lui disant : – Je vois, milord, que vous êtes sur le point d’entamer un sujet de conversation fort désagréable ; je suis fâchée qu’il se soit passe quelque chose qui ait pu déranger le moins du monde l’accueil respectueux dû à Votre Seigneurie. Mais j’ai été forcée d’agir comme je l’ai fait. M. Edgar Ravenswood a abusé de l’hospitalité qu’il avait reçue dans cette famille, et du caractère trop facile de sir William Ashton, pour s’emparer du cœur d’une jeune personne sans le consentement de ses parents, consentement qu’il n’obtiendra jamais.
Tous deux se récrièrent en même temps :
– Mon parent est incapable,… dit le marquis.
– Il est impossible que ma fille,… dit le lord garde des sceaux. Lady Ashton les interrompit tous deux.
– Votre parent, milord, si M. Ravenswood a l’honneur de l’être, a fait des efforts clandestins pour séduire l’inexpérience d’une jeune fille. Votre fille, sir William, a oublié ses devoirs en encourageant les soins d’un amant qui était le dernier des hommes auquel elle dût penser.
– Je crois, madame, s’écria le lord garde des sceaux, perdant sa patience ordinaire, que si vous n’avez rien de mieux à nous dire, vous auriez mieux fait de garder pour vous ce secret de famille.
– Pardonnez-moi, sir William, répondit-elle avec calme : milord a droit de connaître quelle a été la cause qui m’a obligé d’agir comme je l’ai fait à l’égard d’un homme qu’il appelle son parent.
– C’est une cause, pensa le lord garde des sceaux, qui n’est arrivée qu’après l’effet. Car, si elle existe, je suis sûr qu’elle l’ignorait quand elle a écrit à Ravenswood.
– C’est la première fois que j’en entends parler, dit le marquis ; mais, puisque vous avez entamé un sujet si délicat, milady, vous me permettrez de vous dire que la naissance et les relations de mon parent lui donnaient le droit d’être écouté sans colère, d’être du moins refusé avec honnêteté, en supposant qu’il ait été assez ambitieux pour oser lever les yeux jusque sur la fille de sir William Ashton.
– J’espère, milord, dit la mère, que vous n’oubliez pas quel sang coule dans les veines de ma fille du côté maternel ?
– Je connais parfaitement votre généalogie, milady. Je sais que vous descendez d’une branche cadette de la famille Douglas. Mais vous devez savoir aussi que les Ravenswood se sont alliés trois fois avec la branche aînée. Venons au fait, milady. Je sais qu’il est difficile de vaincre tout à coup d’anciennes préventions. Je sais qu’il faut les excuser jusqu’à un certain point. Bien certainement je n’aurais pas laissé partir mon parent seul, après l’insulte qu’il a reçue, si je n’avais espéré de pouvoir servir de médiateur, et dans cette espérance je ne partirai que ce soir, ayant donné rendez-vous au Maître de Ravenswood à quelques milles d’ici. Parlons donc de cette affaire avec plus de sang-froid.
– C’est tout ce que je désire, milord, s’écria vivement sir William. Lady Ashton, joignez-vous à moi pour tâcher de faire à Sa Seigneurie les honneurs de notre maison.
– Le château, comme tout ce qu’il contient, dit lady Ashton, est aux ordres de milord, aussi longtemps qu’il voudra l’honorer de sa présence. Mais quant à la discussion d’un sujet si désagréable, j’espère…
– Pardonnez-moi, madame, dit le marquis ; mais je ne veux pas vous laisser prendre à la hâte un parti définitif sur un objet si important. Oublions-le quelques instants pour nous occuper de choses plus agréables, et nous y reviendrons avec un esprit moins prévenu et moins aigri. Mais je vois qu’il vous est arrivé de la compagnie ; permettez-moi de me prévaloir du renouvellement de notre connaissance pour vous offrir la main.
Lady Ashton sourit, et offrit la main au marquis, qui la conduisit dans la salle à manger avec toute la grâce et la galanterie de l’ancienne cour, qui ne permettait pas encore à un homme bien élevé de se comporter envers une femme bien née avec aussi peu de cérémonie qu’un paysan en met pour danser avec sa maîtresse dans une noce de village.
Ils y trouvèrent Craigengelt, Bucklaw, et quelques voisins que le lord garde des sceaux avait invités pour tenir compagnie au marquis. Miss Ashton prétexta une indisposition pour se dispenser de descendre, et sa place resta vacante à table. Le repas fut splendide jusqu’à la profusion, et les convives ne se séparèrent que bien avant dans la nuit.