HAMLET. – Ce gaillard-là n’a-t-il donc pas le sentiment de ce qu’il fait ! Il chante en creusant un tombeau.
HORATIO. – L’habitude lui a rendu cette occupation indifférente.
HAMLET. – Voilà ce que c’est : la main qui travaille peu a le tact plus délicat.
Hamlet, acte V, scène I.
Le sommeil de Ravenswood fut interrompu par des visions effrayantes, et le temps qu’il passa sans dormir fut troublé par de tristes réflexions sur le passé et agité par la crainte que lui inspirait l’avenir. Il fut peut-être le seul voyageur qui ait passé une nuit dans ce misérable chenil sans s’être plaint le lendemain de la manière dont il y avait été logé ; c’est lorsque l’esprit est tranquille que le corps est délicat. Il se leva de très bonne heure, dans l’espoir que la fraîcheur du matin lui accorderait le calme que la nuit lui avait refusé, et il se mit en marche vers le cimetière, qui était à environ un demi-mille de la Tanière du Renard.
Une fumée bleuâtre et légère qui commençait à s’élever au-dessus de la demeure du bedeau et distinguait le séjour des vivants de l’habitation des morts lui apprit que Mortsheugh était de retour et déjà levé. En passant devant la porte du cimetière, qui était ouverte, il y vit un vieillard occupé à creuser une fosse, occupation qui le porta à croire que c’était le personnage qu’il cherchait.
– Ma destinée, pensa Edgar, semble se plaire à me présenter des scènes de mort et de deuil ; mais c’est une faiblesse que de me livrer à de pareilles idées, je ne souffrirai pas qu’elles s’emparent de mon esprit et qu’elles égarent davantage mon imagination.
Le vieillard, en voyant Ravenswood s’avancer, cessa de travailler ; et, les bras appuyés sur sa bêche, il semblait attendre qu’il lui expliquât ce qu’il désirait de lui ; mais, voyant que l’étranger gardait le silence, il entama lui-même la conversation à sa manière.
– Vous êtes une pratique qui venez pour un mariage, monsieur, j’en réponds.
– Qui peut vous le faire croire, mon ami ? lui demanda Ravenswood.
– C’est que je mange à deux râteliers, monsieur ; je manie tour à tour l’archet et la pioche, et je préside alternativement aux préliminaires de la naissance et aux suites du trépas. Je n’ai besoin que d’un coup d’œil pour voir ce que désire de moi celui qui vient me trouver.
– Pour aujourd’hui cependant vous vous êtes trompé.
– Vraiment ? dit le sacristain en le regardant avec plus d’attention : cela se peut bien, tout homme est faible. Certainement je vois sur vos sourcils froncés un signe… quelque chose enfin qui peut annoncer la mort tout aussi bien que le mariage. Au surplus, monsieur, ma bêche et ma pioche sont à votre service, comme mon archet et mon violon.
– Je désire, dit Edgar, que vous prépariez un enterrement décent pour une pauvre vieille femme nommée Alix Gray, qui demeurait à Craigfoot, dans le parc de Ravenswood.
– Alix Gray ! l’aveugle Alix ! elle est donc morte à la fin ! Allons, c’est encore un coup de cloche qui m’avertit de me préparer à partir. Je me souviens encore du temps où Hobby Gray l’a amenée dans le pays. Elle était jolie fille alors, et, parce qu’elle était du sud, elle avait l’air de nous regarder tous du haut en bas. Qu’est devenu son orgueil aujourd’hui ? la voilà donc morte ?
– Hier à une heure. Elle a désiré être enterrée ici près de son mari. Vous savez sans doute dans quel endroit son corps a été placé ?
– Si je le sais ! Je pourrais nommer tous ceux qui ont été enterrés ici depuis trente ans et montrer la place où chacun d’eux a été déposé. Mais il faut lui creuser une fosse. Dieu me protège ! ce n’est pas une fosse ordinaire pour une pareille femme : il en faut une de six pieds de profondeur au moins, sans quoi, si tout ce qu’on a dit d’Alix dans sa vieillesse est vrai, ses commères les autres sorcières sauront bien l’en faire sortir pour la mener avec elles au sabbat. Mais que je fasse une fosse de trois pieds ou de six, qui est-ce qui me paiera, s’il vous plaît ?
– Je me charge de payer tous les frais raisonnables.
– Raisonnables ? Écoutez donc : il y a ma journée pour creuser la fosse, et puis la sonnerie (quoique la cloche soit cassée), ensuite le cercueil, enfin la bière et l’eau-de-vie pour arroser tout cela ; et je ne vois pas que vous puissiez la faire enterrer décemment, comme vous dites, à moins de seize livres d’Écosse.
– Les voici, et même quelque chose de plus. Veillez donc à ce que tout se passe convenablement.
– Vous êtes sans doute un de ses parents d’Angleterre ? J’ai entendu dire qu’elle s’était mariée au-dessous de sa condition. Si cela est, vous avez bien fait de la laisser ronger son frein pendant sa vie, et vous faites bien de la faire enterrer convenablement après sa mort ; car les honneurs qu’on rend aux défunts rejaillissent encore plus sur leur famille que sur eux-mêmes. On peut fort bien laisser ses parents se tirer d’affaire comme ils peuvent quand ils vivent, et porter la peine de leur folie ; mais il n’est pas naturel de les laisser enterrer comme des chiens quand ils sont morts, parce que ce serait un déshonneur pour toute la parenté. Quant au défunt, qu’est-ce que cela lui fait ?
– J’espère, dit Ravenswood, qui s’amusait des dissertations philosophiques du grave fossoyeur, que vous ne voudriez pas davantage qu’on négligeât les cérémonies des mariages ?
Le vieillard leva sur lui ses yeux gris encore pleins de vivacité, d’un air qui semblait dire qu’il comprenait fort bien cette plaisanterie ; mais reprenant sur-le-champ son ton de gravité : – Des mariages ! répéta-t-il, non vraiment. Négliger les solennités des mariages, ce serait manquer d’égards pour la population. On doit les célébrer avec toute la pompe possible, par la bonne chère, par la réunion des amis, par le son des instruments tels que la harpe, la saquebute et le psaltérion, ou, à défaut de ces instruments antiques, par la flûte et le violon.
– Et j’ose dire, ajouta Ravenswood, que le violon seul dédommagerait de l’absence de tous les autres.
Le bedeau le regarda encore d’un air malin. – Sans doute, sans doute, répondit-il, si l’on en jouait bien. Mais vous me parliez de la fosse d’Hobby Gray. La voilà là-bas, sous la sixième pierre à main gauche à partir de ce tombeau ruiné qui a été élevé à un Ravenswood ; car, quoique ce ne soit plus leur sépulture ordinaire, il y en a ici un grand nombre ; au diable soient-ils !
– Vous ne paraissez pas être grand ami de ces Ravenswood ? dit Edgar, médiocrement content de cette bénédiction donnée en passant à son nom et à sa famille.
– Leur ami ? Et qui pourrait l’être ? répondit Mortsheugh. Quand ils avaient des richesses et de la puissance, ils ne savaient pas s’en servir à propos, et aujourd’hui qu’ils ont la tête basse, on ne s’inquiète guère s’ils la relèveront jamais.
– Je ne savais pas que cette famille malheureuse inspirât si peu d’intérêt dans le pays. Je conviens qu’elle est pauvre ; mais est-ce une raison pour qu’elle soit méprisable ?
– Cela y fait bien quelque chose, vous pouvez m’en croire. Tel que vous me voyez, je ne vois rien qui doive me faire mépriser, et cependant on est bien loin de me respecter comme si je demeurais dans une maison à deux étages. Mais quant aux Ravenswood, j’en ai vu trois générations, et du diable si l’une vaut mieux que l’autre.
– Je croyais qu’ils jouissaient d’une bonne renommée dans ce pays, dit leur descendant.
– Quant au vieux lord, père du dernier défunt, continua le bedeau sans répondre à cette question, je vivais sur ses terres quand j’étais encore jeune et vigoureux, et je pouvais sonner la trompette au plus fort, car j’avais bon vent alors. Et quant à la trompette marine que j’ai entendue en présence des lords du Circuit, je n’en fais pas plus de cas que d’un enfant soufflant dans une flûte à l’ognon. Je le défierais de sonner comme moi le boute-selle ou la charge : il manque de goût.
– Mais en quoi tout cela a-t-il rapport au feu lord Ravenswood, mon cher ami ? dit Edgar, qui éprouvait le désir, assez naturel dans sa position, de faire parler davantage le vieux musicien sur ce qui concernait sa famille.
– Le voici, monsieur : c’est que j’ai perdu mon vent à son service. Il faut que vous sachiez que j’étais trompette au château. J’étais payé pour annoncer le point du jour, l’heure du dîner, le coucher du soleil, et pour amuser la compagnie dans d’autres instants. C’était fort bien. Mais quand il plut au lord de faire marcher sa milice vers le pont de Bothwell, pour livrer bataille aux whigs qui ravageaient nos terres, il voulut à tort ou à raison que je montasse à cheval et que je suivisse les autres.
– Il en avait le droit puisque vous étiez son vassal et son serviteur.
– Son serviteur ? oui, sans doute, mais c’était pour annoncer que le dîner était chaud ou qu’il arriverait de la compagnie, et non pour exciter des enragés à préparer de la pâture aux corbeaux. Mais patience ! vous allez voir ce qui en arriva, et vous me direz si je dois chanter les louanges des Ravenswood. Nous partîmes donc par une belle matinée d’été, le 24 juin 1679, car je m’en souviens comme si c’était hier ; les tambours battaient, les fusils brillaient au soleil, les chevaux marchaient en bon ordre, quand ceux qui les montaient savaient les conduire. Hackston de Rathillet gardait le pont de Bothwell avec l’infanterie armée de mousquets et de carabines, de piques et de faux, et l’on ordonna à la cavalerie de remonter la rivière pour la passer à gué. Jamais je n’avais aimé l’eau, mais je l’aimais encore bien moins quand je voyais sur l’autre rive des milliers de gens armés qui nous attendaient. Le vieux Ravenswood était à notre tête, brandissant son épée en criant d’une voix de tonnerre : – En avant ! en avant ! suivez-moi ! comme s’il nous eût menés à la foire. À l’arrière-garde il y avait Caleb Balderston, qui vit encore, et qui jurait par Gog et Magog qu’il passerait son épée au travers du corps du premier qui tournerait seulement la tête en arrière ; et à côté de moi le jeune Allan, qui était alors le Maître de Ravenswood, un pistolet armé à la main (et c’est un grand bonheur qu’il ne soit point parti), me criait aux oreilles, tandis qu’il restait à peine assez de vent pour entretenir l’air dans mes poumons : – Sonnez donc, poltron, sonnez donc, lâche, ou je vous brûle la cervelle ! Bien certainement alors je sonnai de la trompette ; mais le chant d’une poule qui vient de pondre est une meilleure musique que celle que je me trouvais en état de faire.
– Ne pourriez-vous abréger un peu ces détails ? dit Ravenswood.
– Les abréger ! peu s’en est fallu que je ne pusse jamais les raconter, et c’est justement ce dont je me plains. Enfin nous voilà tous dans l’eau, bêtes et gens, se poussant les uns les autres, et ayant tous à peu près même dose de bon sens. De l’autre côté de l’eau, tout était comme en flamme tant ces enragés de whigs faisaient feu contre nous ! Enfin mon cheval venait de mettre le pied sur la rive quand un grand coquin… Je vivrais deux cents ans que je me rappellerais encore sa figure, son œil comme celui d’un faucon, et sa barbe aussi large que ma bêche : tant il y a qu’à trois pas de distance il dirigea contre ma poitrine le bout de son long fusil ; je me croyais mort, quand, par un effet de la miséricorde divine, mon cheval se cabra et je tombai à gauche, tandis que la balle sifflait à droite ; et au même instant le vieux lord lui donna sur la tête un si fier coup d’épée qu’il la lui fendit en deux, et le misérable pensa m’écraser en tombant sur moi.
– Mais il me semble que vous devez savoir quelque gré de ce service au vieux lord.
– Vous croyez ? sans doute. D’abord pour m’avoir exposé, bon gré mal gré, à un pareil péril, ensuite pour m’avoir fait tomber sur le corps un damné de whig qui pesait au moins deux cents livres. Le fait est que c’est à cette aventure que j’ai perdu mon vent, et depuis ce temps je ne puis faire cent pas sans être essoufflé comme la vieille rosse d’un meunier.
– Et vous avez sans doute perdu la place de trompette au château ?
– Sans doute je l’ai perdue, puisque je n’avais plus de vent et que je n’aurais pu souffler dans un mirliton. Cependant j’avais une consolation, car je conservai mes gages, ma nourriture et mon logement au château, sans avoir autre chose à faire que de jouer de temps en temps du violon pour divertir la société ; et sans cet Allan Ravenswood, qui était encore pire que son père…
– Comment ! s’écria le Maître de Ravenswood, le feu Ravenswood vous priva-t-il de ce que la libéralité de mon aïeul… Je veux dire son père, vous avait accordé ?
– Oui, ma foi ! car il jeta aux chiens tout ce qu’il possédait, et il lâcha sur nous ce sir William Ashton. Celui-ci, ne donnant rien pour rien, me chassa du château ainsi que d’autres pauvres diables qui y trouvaient de quoi mettre un morceau sous la dent et un trou pour y fourrer la tête comme dans le bon vieux temps.
– Mais si lord Ravenswood fit du bien à ses vassaux tant qu’il en eut le pouvoir, il me semble qu’il avait droit d’espérer tout au moins qu’ils respecteraient sa mémoire.
– Vous pouvez en penser ce qu’il vous plaira, reprit l’obstiné bedeau ; mais vous ne me persuaderez pas qu’il ait rempli ses devoirs envers lui-même ni envers les autres en se conduisant comme il l’a fait. Est-ce qu’il ne pouvait nous donner à vie une petite cabane, un petit lopin de terre ! Faut-il qu’à mon âge et avec mes rhumatismes on me voie dans cette misérable hutte, qui serait un séjour plus convenable pour les morts que pour les vivants, et cela parce qu’Allan Ravenswood n’a pas su administrer ses biens raisonnablement !
– Cela est pourtant vrai, pensa Ravenswood ; le châtiment du dissipateur ne se borne pas à ses souffrances personnelles, les maux qui en résultent s’étendent encore bien plus loin.
– Au surplus, ajouta Mortsheugh, le jeune Edgar, le Maître de Ravenswood, va me venger de tout le mal que m’a fait sa race.
– Oui ? dit Edgar : et comment cela, s’il vous plaît ?
– On dit qu’il va épouser la fille de lady Ashton. Mais qu’il mette une fois sa tête sous l’aile de la femme du lord garde des sceaux, et vous verrez s’il peut jamais relever le cou ! Du diable si j’en ferais rien à sa place. Je ne voudrais pas m’abaisser devant son orgueil ni recevoir d’elle de quoi faire bouillir ma marmite ; et ce que je puis souhaiter de pire au jeune homme, pour son honneur et sa réputation, c’est qu’il s’allie aux ennemis de sa famille, à ceux qui ont usurpé ses domaines et qui m’ont chassé du château ainsi que les légitimes propriétaires.
Cervantes remarque avec raison que la flatterie plaît, même dans la bouche d’un fou ; et que nous sommes souvent sensibles aux louanges et à la censure, même quand nous méprisons les opinions qui en sont le motif et le fondement. Ravenswood réitéra brusquement au bedeau l’ordre de veiller aux funérailles d’Alix, et se retira, en faisant la réflexion pénible que le riche et le pauvre, le noble et le roturier auraient sur son mariage avec Lucie, en supposant qu’il pût avoir lieu, les mêmes idées que ce paysan égoïste et ignorant.
– Et me suis-je abaissé jusqu’à faire penser et parler ainsi sur mon compte pour me voir refuser ! Ô Lucie, votre foi doit être aussi pure, aussi parfaite que le plus beau diamant, pour compenser la honte dont la conduite de votre mère et l’opinion des hommes me menacent !
En levant les yeux, il aperçut le marquis d’Athol, qui, étant arrivé à la Tanière du Renard et ayant appris où était son parent, était venu à sa rencontre.
Après s’être salués de part et d’autre, le marquis fit quelques excuses à Edgar de n’être pas venu le rejoindre la veille. – J’en avais le projet, lui dit-il, mais une découverte que j’ai faite m’a déterminé à prolonger mon séjour au château. J’ai appris qu’il y avait une intrigue amoureuse sous jeu, et quoique je pusse vous blâmer jusqu’à un certain point, mon cher parent, de ne pas m’en avoir fait part, comme étant en quelque sorte le chef de la famille…
– Avec votre permission, milord, dit gravement Ravenswood, je suis très reconnaissant de l’intérêt que vous voulez bien prendre à moi, mais je dois vous faire observer que c’est moi qui suis le chef de ma famille.
– Je le sais, je le sais. Cela est vrai dans le sens strictement héraldique et généalogique. Tout ce que je veux dire, c’est que vous trouvant en quelque façon sous ma tutelle…
– Je dois prendre la liberté de vous dire, milord, répondit Edgar… et le ton avec lequel il interrompit le marquis aurait pu faire craindre que la concorde ne régnât pas longtemps entre les deux parents ; mais heureusement il fut interrompu à son tour par le bedeau, qui accourut en haletant pour leur demander si Leurs Honneurs ne voudraient pas avoir un peu de musique à l’auberge, pour les dédommager de la mauvaise chère qu’ils y feraient.
– Nous n’avons pas besoin de musique, répondit brusquement Ravenswood.
– Votre Honneur ne sait pas ce qu’il refuse, répliqua le ménétrier avec la liberté impertinente qui est un des attributs de cette profession : je puis vous jouer les plus jolis airs écossais mieux que ne le ferait aucun musicien à trente milles à la ronde ; je puis accorder mon violon en moins de temps qu’il n’en faudrait pour attacher une vis à un cercueil.
– Laissez-nous, monsieur, lui dit le marquis.
– Et si Votre Honneur est du nord de l’Écosse, lui dit le musicien fossoyeur, comme votre accent me porte à le croire, je puis vous jouer tous les airs des comtés de Sutherland, de Caithness et du pays d’Athol.
– Retirez-vous, mon cher ami, vous interrompez notre conversation.
– Et si vous êtes du nombre de ceux qui se nomment honnêtes gens, ajouta Mortsheugh en baissant la voix, je vous jouerai Vive notre roi légitime ; ou bien Rendons aux Stuarts leur couronne. Il n’y a nul danger : la maîtresse de l’auberge est prudente et discrète.
Pourvu qu’on fasse de la dépense chez elle, peu lui importe qu’on soit whig ou tory. Elle n’entend rien de ce qui se dit ou se chante ; elle n’a d’oreilles que pour le son des dollars.
Le marquis, qu’on avait quelquefois soupçonné d’être en secret partisan du roi Jacques, ne put s’empêcher de rire en jetant un dollar au ménétrier. Il lui dit aussi d’aller jouer du violon à ses gens, s’il lui fallait absolument des auditeurs, mais de se retirer sur-le-champ.
– Eh bien ! messieurs, dit le bedeau, je vous souhaite le bonjour ; j’aurai à m’applaudir d’avoir reçu un dollar, et vous aurez à regretter de n’avoir pas entendu ma musique, j’ose le dire. Je vais finir une fosse que j’ai commencée, après quoi je prendrai mon autre gagne-pain, et j’irai voir si vos domestiques ont de meilleures oreilles que leurs maîtres.