L’église de Saint-Jean à Perth étant celle du saint patron de la ville, avait été choisie par les magistrats comme la plus convenable et la mieux disposée pour la cérémonie. Les églises et couvens des dominicains, des chartreux, et autres du clergé régulier, avaient été richement dotées par le roi et les nobles ; aussi le conseil de ville fut-il unanimement d’avis que leur bon vieux saint Jean, dont ils étaient sûrs d’avoir les bonnes grâces et sur lequel ils pouvaient compter entièrement, devait être préféré aux nouveaux patrons pour lesquels les dominicains, les chartreux, les carmélites et autres avaient fondé de nouvelles demeures autour de la Belle Ville. La mésintelligence qui régnait entre le clergé régulier et le clergé séculier augmenta encore l’espèce de jalousie qui dicta le choix du lieu où le ciel devait opérer une sorte de miracle, en vertu de l’appel direct qui allait être fait à la décision divine dans un cas de meurtre douteux ; et le greffier de la ville désirait aussi vivement que l’église de Saint-Jean fût préférée, que s’il y avait eu dans le corps des saints un parti pour et un parti contre les intérêts de la noble cité.
Aussi ne saurait-on croire combien de petites intrigues se tramèrent au sujet du choix de l’église. Mais les magistrats considérant que c’était une affaire qui touchait de très près l’honneur de Perth, décidèrent par un sentiment judicieux de confiance en la justice et en l’impartialité de leur patron qu’ils en remettraient la décision à l’influence de saint Jean.
Ce fut donc après que la grand’messe eut été célébrée avec toute la solennité que les circonstances pouvaient donner à la cérémonie, et après que la nombreuse assemblée des fidèles eut adressé au ciel les plus ferventes prières, que les préparatifs furent faits pour en appeler au jugement direct du ciel, au sujet du meurtre mystérieux du pauvre bonnetier.
Le spectacle avait ce caractère imposant et solennel que les rites catholiques sont si propres à donner. La fenêtre de l’est dont les vitraux étaient richement peints répandait un jour tout à la fois vif et doux sur le maître-autel, devant lequel étaient étendus sur un cercueil les restes mortels de l’homme assassiné, les bras croisés sur la poitrine et les mains appliquées l’une contre l’autre avec les doigts levés en l’air, comme si l’argile insensible en appelait elle-même au ciel pour obtenir vengeance de ceux qui avaient séparé violemment l’âme immortelle de son enveloppe mutilée.
Près du cercueil s’élevait le trône où étaient assis Robert d’Écosse et son frère Albany. Le prince était sur un tabouret plus bas à côté de son père, arrangement qui occasionna quelques remarques, le siége d’Albany ne différant guère de celui du roi, tandis que l’héritier présomptif, quoique ayant atteint l’âge de majorité, semblait être ravalé au-dessous de son oncle en présence de tout le peuple assemblé. Le cercueil était placé de manière à ce qu’on pût voir de toutes les parties de l’église le corps qu’il contenait.
À la tête du cercueil se tenait debout le chevalier de Kinfauns, le poursuivant, et au pied était le jeune comte de Crawford, comme représentant le défendant. Le témoignage du duc de Rothsay, en purgeant, c’était l’expression, sir John Ramorny, l’avait exempté de la nécessite de comparaître comme partie soumise à l’épreuve, et sa maladie lui servit de motif pour ne point sortir de chez lui. Toute sa maison, en y comprenant ceux qui quoique au service immédiat de sir John étaient regardés comme les domestiques du prince, et qui n’avaient pas encore reçu leur congé, se composait de dix ou douze hommes ; la plupart connus pour être de mauvais sujets, et que par conséquent on pouvait très bien croire capables d’avoir à la suite de quelque débauche commis le meurtre en question. Ils étaient rangés sur une seule ligne le long du côté gauche de l’église, et portaient une espèce de casaque blanche, assez semblable au costume d’un pénitent. Tous les regards étant fixés sur eux, quelques-uns semblaient si déconcertés que les spectateurs pouvaient en tirer de fortes présomptions de leur culpabilité. Le véritable assassin faisait seul bonne contenance ; il avait une de ces figures sombres et graves que jamais l’influence du vin ni de la bonne chère n’avait déridée, et sur laquelle ni la crainte, ni la mort, ni le danger d’être dénoncé ne pouvaient faire impression.
Nous avons déjà indiqué la position du cadavre. La figure était découverte ainsi que les bras et la poitrine. Le reste du corps était enveloppé dans un linceul de toile de la plus grande finesse, afin que si le sang venait à couler de quelque endroit couvert, on ne pût manquer de s’en apercevoir à l’instant.
Après la célébration de la grand’messe, qui fut suivie d’une invocation solennelle à Dieu pour qu’il lui plût de protéger l’innocent et de faire connaître le coupable, Eviot, page de sir Ramorny, fut appelé pour subir l’épreuve. Il s’avança d’un pas mal assuré. Peut-être pensait-il que la conviction où il était intérieurement que Bonthron était l’assassin suffirait pour l’impliquer dans le crime sans qu’il y eût pris directement part. Il s’arrêta devant le cercueil, et sa voix trembla lorsqu’il jura par ce qui avait été créé en sept jours et en sept nuits, par le ciel, par l’enfer, par sa part du paradis, et par le Dieu et l’auteur de toutes choses, qu’il était innocent de l’attentat sanglant commis sur le corps devant lequel il était debout, et sur la poitrine duquel il fit le signe de la croix, comme pour attester qu’il disait la vérité. Le corps resta aussi raide qu’auparavant ; le sang ne sortit par aucune blessure.
Les bourgeois de Perth se regardèrent l’un l’autre d’un air de morne désappointement. Ils s’étaient persuadés qu’Eviot était coupable, et leurs soupçons avaient été confirmés par sa démarche incertaine et par sa voix tremblante ; aussi leur surprise de le voir échapper fut-elle extrême. Les autres domestiques de Ramorny prirent courage, et s’avancèrent pour prêter le serment avec une hardiesse qui augmenta à mesure qu’ils subissaient l’épreuve l’un après l’autre, et qu’ils étaient déclarés par la voix des juges lavés de tous les soupçons qui pouvaient planer sur eux relativement au meurtre d’Olivier Proudfute.
Mais il y eut un individu qui n’éprouva point ce redoublement de confiance. Trois fois le nom de Bonthron retentit sous la voûte de l’église sans que celui qui le portait répondit à l’appel autrement que par une sorte de mouvement convulsif avec son pied, comme s’il eût été tout à coup frappé de paralysie.
– Parle, chien, lui dit tout bas Eviot, ou prépare-toi à mourir comme un chien !
Mais le meurtrier était tellement troublé par le spectacle qu’il avait devant les yeux, que les juges voyant son embarras hésitaient s’ils le feraient traîner de force devant le cercueil, ou s’ils prononceraient un jugement par défaut ; et ce ne fut que, lorsqu’on lui demanda pour la dernière fois s’il voulait se soumettre à l’épreuve, qu’il répondit avec sa brièveté ordinaire :
– Non, je ne veux point. Sais-je, moi, à quelles jongleries on peut avoir recours pour perdre un pauvre homme ? J’offre le combat à quiconque prétend que j’ai fait le moindre mal à ce corps.
Et suivant l’usage il jeta son gant sur le pavé de l’église.
Henry Smith s’avança aussitôt au milieu d’un murmure général d’approbation que la présence même du roi ne put entièrement comprimer, et ramassant le gant du scélérat qu’il mit à sa toque, il jeta le sien selon la forme ordinaire, en signe qu’il acceptait le combat ; mais Bonthron ne le releva point.
– Il n’est pas mon égal, murmura le sauvage, et il n’a point qualité pour relever mon gant. Je suis attaché à la maison du prince d’Écosse en servant son grand-écuyer. Ce drôle est un misérable artisan.
Le prince l’interrompit : – Tu es attaché à ma maison, malheureux ! eh bien ! je te chasse à l’instant. Prends-le, Smith, et frappe sur lui comme tu n’as jamais frappé sur ton enclume ! – C’est un coquin et un lâche coquin, qui n’a pas même le courage de soutenir son crime. Je ne puis le regarder sans dégoût, et si mon auguste père veut bien m’en croire, il donnera à l’un et à l’autre une bonne hache écossaise, et nous verrons avant une demi-heure d’ici lequel des deux l’emportera.
Le comte de Crawford et sir Patrice Charteris, parrains des deux parties, y consentirent volontiers, et comme les champions étaient d’un rang inférieur, ils décidèrent qu’ils combattraient le casque en tête, vêtus du justaucorps de buffle, et avec des haches, dès qu’ils auraient pu se préparer au combat.
Il ne restait plus qu’à désigner la lice. On choisit la place des Fourreurs, grand emplacement voisin occupé par la corporation qui lui donnait son nom, et où l’on eut bientôt disposé pour les combattans un espace d’environ trente pieds de long sur vingt-cinq de large. Nobles, prêtres et vilains, tous s’y portèrent en foule, à l’exception du vieux roi qui, détestant ces scènes sanglantes, se retira dans son palais, et nomma pour présider au combat le comte d’Errol lord grand-connétable, à qui sa place en faisait un devoir particulier. Le duc d’Albany examinait attentivement tout ce qui se passait, mais en même temps avec beaucoup de circonspection ; son neveu regarda la scène avec l’irréflexion et l’imprudence qui caractérisaient toutes ses actions.
Lorsque les combattans parurent dans l’arène, rien n’eût pu offrir un contraste plus frappant que la physionomie mâle et ouverte de l’armurier dont l’œil étincelant semblait déjà briller de l’espoir de la victoire, et le regard morne et abattu de Bonthron qui avait l’air de quelque oiseau de nuit chassé de sa sombre retraite et forcé de paraître au grand jour, ne jurèrent l’un après l’autre que la cause qu’ils défendaient était juste, formalité que Henry Gow remplit avec une noble confiance, et Bonthron d’un air sombre mais résolu ; qui fit dire au duc de Rothsay qui était auprès du grand connétable :
– Examinez bien la figure de ce drôle ; avez-vous jamais vu, mon cher Errol, un pareil mélange de malignité, de cruauté et en même temps de crainte ?
– Il n’est pas beau, dit le comte, mais c’est un redoutable coquin, à ce que j’ai vu.
– Je gagerais un muid de vin contre vous, mon cher lord, qu’il aura le dessous. Henry l’armurier est aussi robuste que lui, et il est bien plus leste ; et puis regardez son air d’assurance. Il y a dans la figure de l’autre drôle quelque chose qui répugne et qui révolte. Donnez vite le signal, mon cher connétable, car en vérité il fait mal à voir.
Le grand-connétable s’adressa alors à la veuve, qui, en grand deuil et ayant toujours ses enfans à côté d’elle, occupait un siége dans l’enceinte de la lice. – Femme, acceptez-vous cet homme, Henry l’armurier, pour votre champion dans cette affaire ?
– Oui, je l’accepte, je l’accepte avec le plus grand plaisir, répondit Madeleine Proudfute ; et puisse la bénédiction du ciel et de saint Jean lui donner aide et protection, puisqu’il combat pour la veuve et pour les orphelins !
– Je déclare donc que ceci est un champ clos, dit le connétable à haute voix. Que personne, sous peine de mort, ne se permette d’interrompre ce combat par parole, par signal ou par regard. – Sonnez, trompettes ; champions, combattez !
Les trompettes retentirent, et les combattans s’avançant des deux extrémités de la carrière d’un pas ferme et égal, se regardèrent attentivement, habiles à juger d’après le mouvement de l’œil la direction dans laquelle le premier coup allait être porté. Ils s’arrêtèrent en face à portée l’un de l’autre, et ils firent tour à tour plus d’une feinte, chacun pour éprouver l’activité et la vigilance de son antagoniste. À la fin, soit qu’il fût las de ses manœuvres, où soit qu’il craignit qu’en continuant de la sorte il ne perdit l’avantage que lui donnait sa force gigantesque et qu’il ne fût harcelé avec succès par l’armurier plus agile, Bonthron leva sa hache redoutable, et pesant sur son arme de toute la force de ses bras vigoureux, il voulut en décharger un coup terrible sur la tête de son adversaire ; mais celui-ci l’esquiva en se jetant de côté ; car il eût fait de vains efforts pour chercher à le parer. Avant que Bonthron pût se remettre sur ses gardes, Henry lui asséna à travers son casque un coup qui l’étendit à terre.
– Avoue ton crime ou meurs, dit le vainqueur en posant le pied sur le corps de son adversaire, et en lui mettant sur la gorge la pointe de la hache qui formait une sorte de poignard.
– J’avouerai tout, dit l’assassin en jetant un regard sauvage vers le ciel ; laisse-moi relever.
– Quand tu te seras rendu, dit Henry Smith.
– Je me rends, murmura de nouveau Bonthron, et Henry proclama à haute voix que son antagoniste était vaincu.
Les ducs de Rothsay et d’Albany, le grand-connétable et le prieur du couvent des dominicains entrèrent alors dans la lice, et s’adressant à Bonthron, ils lui demandèrent s’il s’avouait vaincu.
– Oui, répondit le mécréant.
– Et coupable du meurtre d’Olivier Proudfute ?
– Je le suis, mais je l’ai pris pour un autre.
– Et qui donc croyais-tu frapper ? demanda le prieur. Parle, mon fils, et par un aveu sincère mérite un pardon dans un autre monde, car tu n’as pas grand chose à attendre de celui-ci.
– Je croyais, répondit Bonthron, frapper celui dont la main vient de me renverser, dont le pied presse à présent ma poitrine.
– Bénis soient les saints ! dit le prieur ; à présent tous ceux qui douteraient encore de la vertu de cette épreuve sacrée peuvent reconnaître leur erreur. Il est pris lui-même dans le piége qu’il avait tendu à l’innocent.
– C’est à peine si je connais cet homme, dit l’armurier ; jamais je ne lui fait aucun mal, ni à lui ni aux siens. Votre révérence voudrait-elle bien lui demander pourquoi il aurait eu l’idée de m’assassiner lâchement ?
– C’est une question convenable, répondit le prieur. Rendez gloire à qui elle est due, mon fils, quand même ce devrait être à votre honte. Pour quelle raison vouliez-vous tuer cet armurier, qui dit qu’il ne vous a jamais fait aucun mal ?
– Il en avait fait à celui que je servais, répondit Bonthron, et ce fut par son ordre que je méditai ce coup.
– Par l’ordre de qui ? demanda le prieur.
Bonthron garda un moment le silence, puis il dit : – Il est trop puissant pour que je puisse le nommer.
– Écoutez, mon fils, dit le prêtre : encore quelques instans, et les grands comme les petits de la terre ne seront pour vous que de vaines ombres. On prépare dans ce moment même la charrette qui doit vous conduire au lieu de l’exécution. Encore une fois, mon fils, je vous conjure d’avoir égard au salut de votre âme en glorifiant le ciel et en disant la vérité. Est-ce votre maître, sir John Ramorny, qui vous a poussé à une action aussi infâme ?
– Non, répondit l’assassin toujours étendu contre terre, c’était un plus puissant que lui ; et en même temps il montra du doigt le prince.
– Misérable ! dit le duc de Rothsay étonné, osez-vous faire entendre que je fus votre instigateur ?
– Vous-même, milord, répondit le traître sans se déconcerter.
– Meurs dans ton imposture, vil esclave ! s’écria le prince ; et tirant son épée, il en aurait percé le calomniateur, si le lord grand-connétable n’eût interposé son autorité.
– Votre Grâce voudra bien m’excuser si je remplis mon devoir. Il faut que ce malheureux soit remis entre les mains du bourreau. Il n’est pas digne de périr de la main d’un autre, encore moins de celle de Votre Altesse.
– Eh quoi ! noble comte, dit Albany à haute voix et avec une émotion véritable ou affectée, voulez-vous que ce scélérat aille remplir les oreilles du peuple de fausses accusations contre le prince d’Écosse ? Qu’il soit mis en mille pièces sur la place !
– Votre Altesse me pardonnera, dit, le comte d’Errol ; mais il faut que la sentence soit exécutée.
– Eh bien donc ! qu’il soit bâillonné à l’instant même, dit Albany. – Et vous, mon royal neveu, pourquoi rester ainsi pétrifié d’étonnement ?… Rappelez votre courage… Parlez au prisonnier… Jurez, protestez par tout ce qu’il y a de sacré, que vous n’aviez aucune connaissance de cet acte de félonie… Voyez comme on se regarde, comme on chuchote autour de nous… Je gagerais ma vie que cette imposture se répandra plus vite que si c’était une vérité de l’Évangile… Parlez-leur, mon royal parent ; peu importe ce que vous direz, pourvu que vous répondiez par un démenti formel.
– Comment, monsieur ! dit Rothsay en sortant tout à coup de sa stupeur, et en se retournant fièrement vers son oncle, voudriez-vous que j’engageasse ma parole royale contre celle de cet être abject ? Que ceux qui peuvent croire le fils de leur souverain, le descendant de Bruce, capable de dresser une embûche contre les jours d’un pauvre artisan, jouissent du plaisir de se figurer que ce scélérat dit la vérité.
– Ce ne sera pas moi du moins, dit l’armurier avec assurance. Je n’ai jamais rien fait à Sa Grâce le duc de Rothsay ; jamais il n’a manifesté aucune aigreur contre moi, ni en paroles, ni par regard, ni en actions ; et je ne puis croire qu’il eût autorisé une semblable trahison.
– N’était-ce rien que de jeter Son Altesse du haut d’une échelle dans Curew-Street, dans la nuit du lundi-gras, dit Bonthron ; et pensez-vous que ce soit une faveur dont on puisse savoir beaucoup de gré ?
Ces paroles furent prononcées d’un ton si décidé, et l’accusation semblait si plausible, que la conviction où avait été l’armurier de l’innocence du prince en fut ébranlée.
– Hélas milord, dit-il en regardant Rothsay d’un air douloureux, serait-il possible que Votre Altesse eût voulu attenter aux jours d’un innocent pour avoir défendu, comme c’était son devoir, une pauvre fille ? – Plût au ciel que j’eusse péri dans ce combat, plutôt que de vivre pour entendre parler ainsi de l’héritier du grand Bruce !
– Tu es un brave garçon, Smith, dit le prince ; mais je ne puis m’attendre à ce que tu juges plus sagement que les autres. – Qu’on mène ce scélérat à la potence ; qu’on l’y expose vivant, si cela vous fait plaisir, afin qu’il puisse mentir impudemment, et débiter ses calomnies contre nous jusqu’au dernier moment de son existence.
En disant ces mots le prince s’éloigna, dédaignant de remarquer les sombres regards qu’on jetait sur lui à mesure que la foule s’écartait lentement et avec répugnance pour le laisser passer, et n’exprimant ni surprise ni mécontentement d’un murmure ou plutôt d’une sorte de gémissement sourd et prolongé qui accompagna son départ. Il n’y eut qu’un petit nombre des personnes de sa suite qui se retirèrent avec lui, quoique plusieurs seigneurs eussent grossi son cortége à son arrivée. Les citoyens de la classe inférieure cessèrent même de suivre le malheureux prince, que sa réputation équivoque avait déjà exposé à tant de reproches d’inconséquence et de légèreté, et autour duquel semblaient planer alors les soupçons les plus odieux.
Il se dirigea lentement et d’un air pensif vers l’église des dominicains ; mais les nouvelles sinistres qui volent avec une vitesse passée en proverbe étaient arrivées jusqu’à la retraite de son père avant qu’il parût lui-même. Lorsqu’il entra dans le palais et qu’il demanda après le roi, le duc de Rothsay fut surpris d’apprendre qu’il était en grande consultation avec le duc d’Albany qui, montant à cheval au moment où le prince s’était éloigné du lieu du combat, était arrivé au couvent avant lui. Il allait user du privilége que lui donnaient son rang et sa naissance pour entrer dans l’appartement du roi, lorsque Mac Louis, le commandant des Brandanes, lui fit entendre dans les termes les plus respectueux qu’il avait l’ordre exprès de ne point l’introduire.
– Entrez du moins, Mac Louis, et qu’ils n’ignorent pas que j’attends leur bon plaisir, dit le prince. Si mon oncle désire qu’on apprenne qu’il a eu le pouvoir de faire refuser au fils la porte de son père, ce sera un plaisir pour lui de savoir que j’attends dans l’antichambre comme un laquais.
– Ne vous déplaise, dit Mac Louis avec quelque hésitation, si Votre Altesse voulait consentir à se retirer pour quelques instans et à attendre avec patience, je l’enverrais prévenir dès que le duc d’Albany serait parti ; et je ne doute point qu’alors Sa Majesté n’admette Votre Altesse en sa présence. À présent Votre Altesse me pardonnera, mais il m’est impossible de le laisser entrer.
– Je vous entends, Mac Louis ; mais allez néanmoins, et exécutez mes ordres.
L’officier obéit, et il revint dire que le roi était indisposé, et qu’il allait se retirer dans ses appartemens particuliers ; mais que le duc d’Albany allait se rendre auprès du prince d’Écosse.
Il s’écoula cependant une grande demi-heure avant que le duc d’Albany parût, espace de temps que Rothsay passa tantôt dans un morne silence, et tantôt en propos futiles avec Mac Louis et les Brandanes, suivant que la légèreté ou l’irritation de son caractère prenait le dessus.
Enfin le duc arriva ; il était accompagné du lord grand-connétable, qui avait un air triste et embarrassé.
– Beau neveu, dit le duc d’Albany, je suis fâché d’avoir à vous annoncer que mon auguste frère est d’avis qu’il sera bon, pour l’honneur de la famille royale, que vous vous astreigniez pendant quelque temps à ne point sortir de la maison du grand-connétable, et que vous consentiez à n’avoir, sinon pour seule, du moins pour principale compagnie, que le noble comte ici présent, jusqu’à ce que les propos affligeans qui se sont répandus aujourd’hui aient été réfutés ou oubliés.
– Qu’est-ce à dire, lord Errol ? dit le prince stupéfait ; votre maison doit-elle devenir ma prison, et Votre Seigneurie est-elle mon geôlier ?
– Les saints m’en préservent, milord ! dit le comte d’Errol ; mais mon devoir m’oblige malheureusement à exécuter les ordres de votre père, en regardant pendant quelque temps Votre Altesse royale comme placée sous ma tutelle.
– Le prince, l’héritier de l’Écosse sous la tutelle du grand-connétable ! Et quelle raison allègue-t-on pour cela ? la langue envenimée d’un indigne scélérat a-t-elle le pouvoir de ternir mon écusson royal ?
– Tant que de telles accusations ne sont ni réfutées ni contredites, mon neveu, dit le duc d’Albany, elles souilleraient celui d’un monarque.
– Contredites, milord ! s’écria le prince, par qui sont-elles avancées, si ce n’est par un misérable trop infâme, même de son propre aveu, pour mériter d’être cru un seul instant, quand même ce ne serait pas l’honneur d’un prince, mais celui du dernier mendiant, qu’il tenterait de flétrir ? Faites-le venir, qu’on lui montre des instrumens de torture, et vous l’entendrez bientôt rétracter les calomnies qu’il a eu le front d’inventer.
– Le gibet a trop bien fait son devoir pour laisser Bonthron sensible à la torture, dit le duc d’Albany ; il y a une heure qu’il a été exécuté.
– Et pourquoi cette hâte, milord ? dit le prince ; savez-vous bien qu’on pourrait dire qu’on ne l’a fait que pour flétrir mon nom ?
– La loi est positive. Le combattant qui succombe dans l’épreuve du combat doit être mené immédiatement du champ-clos à la potence ; et cependant, beau neveu, ajouta le duc d’Albany, si vous aviez repoussé fortement et hardiment l’imputation, j’aurais cru devoir laisser vivre ce misérable jusqu’à plus ample informé ; mais comme Votre Altesse a gardé le silence, j’ai cru que le mieux était d’étouffer le scandale dans la bouche de celui qui l’avait préparé.
– Par sainte Marie, milord, c’est par trop insultant ! Vous, mon oncle, me supposez-vous capable de conseiller un attentat aussi indigne que celui dont le vil esclave s’est avoué coupable ?
– Il ne m’appartient pas d’échanger des questions avec Son Altesse, autrement je lui demanderais à mon tour si elle compte nier aussi l’attaque à peine moins indigne, quoique moins sanglante, dont la maison de Curfew-Street fut l’objet ! Ne vous fâchez pas, mon neveu, mais en vérité il est absolument nécessaire que vous vous séquestriez pour quelque temps de la cour, ne fût-ce que pendant le séjour du roi dans cette ville, qui a eu tant de sujets de plaintes.
Rothsay s’arrêta lorsqu’il entendit cette exhortation, et jetant sur le duc un regard très expressif, il répondit :
– Mon oncle, vous êtes un excellent chasseur ; vous avez, tendu vos toiles avec beaucoup d’adresse : néanmoins tous vos efforts auraient été inutiles, si le cerf n’était venu se précipiter de lui-même au milieu de vos filets. Dieu vous exauce, et puissiez-vous retirer de cette affaire tout le fruit que vos mesures méritent ! Dites à mon père que j’obéis à ses volontés. Lord Errol, je suis à vos ordres, et prêt à vous suivre quand vous le voudrez. Puisque je dois avoir un tuteur, on ne pouvait du moins m’en donner un qui me fût plus agréable.
L’entrevue entre l’oncle et le neveu étant ainsi terminée, celui-ci se retira avec le comte d’Errol ; les citoyens qu’ils rencontraient dans les rues se détournaient dès qu’ils apercevaient le duc de Rothsay, pour ne pas être dans l’obligation de saluer un prince qu’ils avaient appris à regarder comme un libertin aussi cruel que licencieux. Le duc et son hôte entrèrent dans la maison du connétable, également charmés de quitter les rues, et cependant éprouvant tous deux un malaise évident de se trouver seuls, dans la position où ils étaient vis-à-vis l’un de l’autre.
Il faut maintenant que nous retournions sur la place où le combat s’était livré, et que nous nous reportions au moment où les nobles venaient de se retirer ; la foule se sépara alors en deux troupes distinctes. La moins nombreuse, qui était en même temps la mieux composée, offrait la réunion des habitans les plus respectables de Perth, qui félicitaient le vainqueur et se félicitaient les uns les autres de l’issue glorieuse qu’avaient eue leurs démêlés avec les courtisans. Les magistrats étaient si transportés de joie dans cette circonstance, qu’ils prièrent sir Patrice Charteris d’accepter une collation dans la grande salle de l’hôtel-de-ville. On pense bien que le héros de la journée, Henry, y fut invité, et avec des instances telles qu’elles équivalaient à un ordre. Il reçut l’invitation avec un grand embarras, car son cœur était déjà auprès de Catherine Glover. Mais les amis de Simon Glover le décidèrent. Ce vieux bourgeois avait une déférence naturelle et convenable pour la magistrature de la Belle Ville, et il attachait un grand prix à tous les honneurs qui découlaient de cette source.
– Tu ne dois pas songer à t’absenter dans une circonstance aussi solennelle, mon fils Henry, lui dit-il. Sir Patrice Charteris y sera lui-même, et ce sera, ce me semble, une excellente occasion pour toi de gagner ses bonnes grâces. Il est possible qu’il te commande une nouvelle armure ; et j’ai moi-même entendu dire au bailli Craigdallie qu’il était question de refourbir le magasin d’armes de la Cité. Il ne faut pas négliger tes intérêts à présent que tu vas avoir une nombreuse famille.
– Taisez-vous, mon père Glover, répondit le vainqueur incertain de ce qu’il devait faire, je ne manque point de pratiques, et vous savez que Catherine sera surprise de mon absence ; on va encore aller lui rabattre les oreilles de contes de filles de joie, et c’est ce que je ne veux pas.
– Ne t’inquiète pas de cela, dit le gantier, mais va, en bourgeois obéissant, où tes supérieurs t’appellent. Je n’en disconviens pas, tu auras quelque peine à faire ta paix avec Catherine au sujet de ce duel ; car elle croit en savoir plus long dans ces sortes d’affaires que le roi et son conseil, l’Église et ses canons, le prévôt et ses baillis. Mais je me charge d’arranger ta querelle avec elle, et je travaillerai si bien pour toi que, quoiqu’il se puisse qu’elle te reçoive demain matin avec quelque chose qui ressemble à des reproches, je te réponds que son humeur se fondra en larmes et en sourires, comme une matinée d’avril qui commence par une pluie douce. Ainsi donc, mon fils, adieu ; et viens nous voir demain matin aussitôt après la messe.
L’armurier fut obligé, quoique avec une extrême répugnance, de se rendre aux raisons de son futur beau-père, et une fois décidé à accepter l’honneur que lui faisaient les notables de la ville, il sortit de la foule, courut chez lui pour mettre ses plus beaux habits ; et bientôt après il se rendit à l’hôtel-de-ville, où la table de chêne massive semblait succomber sous le poids d’énormes plats de superbes saumons du Tay et de délicieux poissons de mer de Dundee, qui étaient les mets les plus délicats que permît le saint temps de carême, tandis que ni le vin, ni l’ale, ni l’hydromel ne manquaient pour les arroser. Les Waits ou musiciens du bourg jouèrent pendant le repas ; et dans les intervalles de la musique, l’un des ménestrels déclama avec beaucoup d’emphase une longue description poétique de la bataille de Blackearnside, livrée par sir William Wallace et son redoutable capitaine et ami Thomas de Longueville au général anglais Seward : récit que tous les hôtes savaient par cœur, mais que néanmoins, plus tolérans que leurs descendans, ils écoutaient avec le même intérêt que s’il avait eu tout le charme de la nouveauté. Plusieurs passages qui comme de raison faisaient allusion au courage déployé par l’aïeul du chevalier de Kinfauns et par les ancêtres d’autres familles de Perth furent couverts d’applaudissemens, tandis que les convives se versaient mutuellement de fortes rasades à la mémoire des héros qui combattaient à côté du champion d’Écosse. La santé de Henry Smith fut ensuite portée au milieu d’acclamations prolongées, et le prévôt annonça publiquement que les magistrats avisaient au moyen de lui accorder quelque privilége éclatant ou quelque récompense honorifique, pour montrer quel cas ses concitoyens faisaient de son noble courage.
– Allons donc, n’allez pas faire une chose semblable, n’en déplaise à Vos Honneurs, dit l’armurier avec la brusque franchise qui lui était ordinaire ; qu’on ne puisse pas dire que la valeur doit être rare dans la ville de Perth, puisqu’on récompense un homme parce qu’il a pris la défense d’une malheureuse veuve. Je suis sûr qu’il y a une foule de bourgeois à Perth qui auraient fait cette besogne aussi bien ou mieux que moi ; car en bonne conscience, j’aurais dû briser ce casque comme un pot de terre ; oui, et je n’y aurais pas manqué non plus si ce n’était pas moi-même qui en avais trempé l’acier pour sir John Ramorny. Mais si la Belle Ville pense que mes services vaillent quelque chose, je m’en croirai plus que payé si vous pouvez sur les fonds de la commune accorder quelques secours à la veuve Madeleine et à ses pauvres enfans.
– C’est ce qui pourra très bien se faire, dit sir Patrice Charteris, et la Belle Ville sera encore assez riche pour payer sa dette envers Henry Smith ; c’est d’ailleurs ce dont nous jugerons tous beaucoup mieux que lui, qui est aveuglé par une vaine délicatesse qu’on appelle modestie ; et si le bourg est trop pauvre pour cela, eh bien ! le prévôt en supportera sa part. Les angelots d’or du corsaire n’ont pas encore tous pris la fuite.
Les flacons circulèrent alors sous le nom de coup de consolation pour la veuve, et une autre rasade fut ensuite vidée à l’heureuse mémoire du défunt Olivier si bravement vengé. En un mot, ce fut un banquet si joyeux que tout le monde convint qu’il ne manquait pour le rendre parfait que la présence du bonnetier lui-même, dont le malheur avait occasionné cette réunion ; Proudfute était ordinairement le boute-en-train de ces sortes de fêtes, et le point de mire de toutes les plaisanteries. S’il eût pu se faire qu’il parût au milieu d’eux, suivant la malicieuse remarque du bailli Craigdallie, il n’aurait pas manqué de revendiquer l’honneur de la journée, et il aurait été prêt à jurer que c’était lui-même qui avait vengé sa mort.
Au son de la cloche qui appelait aux vêpres, la compagnie se sépara ; les uns, les plus graves de la société, se rendant pour les prières du soir à l’église où, les yeux à demi fermés et la figure animée, ils se joignirent en membres très orthodoxes et très édifians à une sainte congrégation ; d’autres prenant le chemin de leur maison pour raconter à leur famille tous les incidens du combat et du banquet ; et quelques-uns sans doute se dirigeant vers quelque taverne privilégiée dont le carême ne tenait pas les portes aussi rigoureusement fermées que l’exigeaient les réglemens de l’Église. Henry retourna chez lui la tête exaltée par le bon vin et les applaudissemens de ses concitoyens, et il s’endormit pour rêver de bonheur parfait et de Catherine Glover.
Nous avons dit qu’après le combat les spectateurs s’étaient divisés en deux troupes. Pendant que la portion la plus respectable des habitans formait un joyeux cortége pour accompagner le vainqueur, l’autre troupe beaucoup plus nombreuse, composée de ce qu’on pourrait appeler la canaille, suivait le vaincu qui se retirait dans une direction différente et pour un tout autre motif. Quelle que puisse être l’attraction relative d’une scène de deuil ou d’une scène de joie dans d’autres circonstances, il n’est pas difficile de juger laquelle attirera le plus grand nombre de spectateurs lorsqu’il s’agira d’être témoins de misères que nous ne devons point partager ou de plaisirs que nous ne devons point goûter. Aussi le tombereau qui conduisait le criminel au lieu de l’exécution fut-il accompagné de la plus grande partie de la population de Perth.
Sur la même charrette que le meurtrier était assis un moine auquel Bonthron n’hésita pas à répéter, sous le sceau de la confession, les calomnies qu’il avait déjà proférées sur le lieu du combat, et par lesquelles il accusait le duc de Rothsay d’avoir dirigé l’embuscade dont le malheureux bonnetier avait été victime. Sur la route il sema les mêmes impostures parmi la foule, assurant avec la plus grande effronterie à ceux qui étaient les plus près de la charrette, qu’il ne mourait que parce qu’il avait consenti à servir d’instrument au duc de Rothsay. Pendant quelque temps il répéta ces paroles d’un air morne et sur le même ton, comme quelqu’un qui récite une leçon ou comme un menteur qui s’efforce en revenant plusieurs fois à la charge d’obtenir pour ses paroles un crédit qu’il sent intérieurement qu’elles ne méritent point. Mais lorsqu’il leva les yeux et qu’il aperçut dans l’éloignement l’instrument de son supplice qui avait au moins quarante pieds de hauteur, lorsqu’il vit la potence avec son échelle et la corde fatale se dessiner sur l’horizon, il devint tout à coup silencieux, et le moine put remarquer qu’il tremblait beaucoup.
– Prenez courage, mon fils, dit le bon prêtre ; vous avez confessé la vérité et reçu l’absolution ; votre repentir sera accepté en raison de votre sincérité ; et quoique votre cœur ait conçu des pensées criminelles et que vos mains se soient couvertes de sang, vous n’en serez pas moins, grâce aux prières de l’Église, délivré en temps convenable des feux vengeurs du purgatoire.
Ces assurances étaient de nature à augmenter plutôt qu’à diminuer les terreurs du coupable, qui doutait si l’expédient projeté pour le soustraire à la mort serait efficace, et même s’il existait un désir sincère de l’employer en sa faveur ; car il connaissait assez bien son maître pour savoir qu’il ne se ferait aucun scrupule de sacrifier un être qui pourrait par la suite devenir un témoin dangereux contre lui.
Cependant son sort était irrévocable et il n’y avait nul moyen de s’y soustraire. La charrette approchait lentement de l’arbre fatal qui était dressé sur une éminence au bord de la rivière, à environ un demi-mille des murs de la ville ; emplacement choisi pour que le corps du misérable qui devait rester afin de servir de nourriture aux corbeaux pût être vu de loin dans toutes les directions. Le prêtre remit alors Bonthron entre les mains du bourreau, qui l’aida à monter à l’échelle et qui le dépêcha, suivant toutes les apparences, dans les formes ordinaires de la loi. Le malheureux parut lutter une minute contre la mort, mais bientôt après on vit pendre son corps raide et inanimé. L’exécuteur des hautes-œuvres, après être resté à son poste une demi-heure de plus comme pour attendre que la dernière étincelle de vie fût éteinte, annonça aux admirateurs de pareils spectacles, que les fers pour la suspension permanente du cadavre n’étant pas encore prêts, la cérémonie de vider le corps et de l’attacher au gibet serait différée jusqu’au lendemain matin après le lever du soleil.
Malgré l’heure peu commode qui avait été indiquée, maître Smotherwell vit un rassemblement assez nombreux se former sur le lieu de l’exécution pour y être témoin des dernières opérations de la justice par rapport à sa victime. Mais quelle fut la surprise et l’indignation de ces amateurs en voyant que le corps avait disparu ! Ils ne furent pas long-temps à en deviner la cause. Bonthron avait été au service d’un baron dont les domaines étaient situés dans le comté de Fife ; et qui était lui-même natif de cette province. Il était tout naturel que quelques habitans de Fife dont les barques traversaient continuellement la rivière, eussent enlevé clandestinement le corps de leur compatriote pour le soustraire à la honte d’une exposition publique. La populace exhala sa rage contre Smotherwell pour n’avoir, point achevé l’expédition la veille au soir, et s’il ne s’était pas jeté dans une barque avec son valet et qu’il ne se fût pas sauvé sur le Tay, ils couraient grand risque d’être assommés. Cependant cet événement était trop dans l’esprit du temps pour exciter une grande surprise. Nous verrons dans le chapitre suivant quelle en était la véritable cause.