CHAPITRE XXV.

« – Pour conserver ses jours quels sont donc mes moyens ?
– Vous pourrez en trouver. »

SHAKSPEARE. Mesure pour mesure.

Quand mistress Saddletree entra dans l’appartement où ses hôtes étaient venus cacher leur douleur, elle en trouva les fenêtres à demi fermées. La faiblesse qui avait succédé à l’évanouissement du vieillard avait rendu nécessaire de le mettre au lit. Les rideaux en étaient tirés, et Jeanie assise restait immobile à côté de son père. Mistress Saddletree était une excellente femme, compatissante, mais ne sachant ce que c’était que la délicatesse des procédés. Elle ouvrit la fenêtre, tira les rideaux du lit, et, prenant son parent par la main, elle l’exhorta à s’armer de courage, à se lever, et à supporter ses chagrins en homme et en chrétien. Mais quand elle abandonna la main, Deans la laissa retomber sans force, et il n’essaya pas de faire la moindre réponse.

– Tout est-il fini ? lui demanda Jeanie en tremblant, ne reste-t-il plus d’espérance pour elle ?

– Aucune, répondit mistress Saddletree, pas la moindre. J’ai entendu de mes propres oreilles ce vilain juge l’annoncer. N’est-il pas honteux de voir tant d’hommes en robes rouges et en robes noires s’assembler pour faire périr une pauvre jeune insensée ? Je n’ai jamais trop aimé tout le rabâchage de mon mari sur les lois, mais je l’aimerai encore moins à l’avenir. Je n’ai entendu dire qu’une seule chose raisonnable, c’est quand ce bravé M. Kirk a dit qu’il fallait la recommander à la clémence du roi. Mais il parlait à des gens sans raison, – il aurait mieux fait de garder son souffle pour souffler sur sa soupe.

– Est-ce que le roi peut lui faire grâce ? s’écria vivement Jeanie : j’avais entendu dire que le roi ne pouvait en accorder dans les cas de meur… dans les cas semblables au sien.

– S’il peut faire grâce, mon enfant ? sans doute il le peut quand il le veut ! N’a-t-il pas fait grâce au jeune Singlesword, qui avait tué le laird de Ballencleugh ; au capitaine anglais Hackum, qui avait tué le fermier de lady Colgrain, et au Maître de Saint-Clair qui avait assassiné les deux Shaw, et à bien d’autres encore, et tout cela de mon temps ? c’étaient, il est vrai, des gens comme il faut, et ils avaient du monde pour parler pour eux. Et tout récemment encore, n’avait-on pas accordé la grâce à Jean Porteous ? Ah ! je vous réponds que ce n’est pas le pouvoir de faire grâce qui manque, c’est le moyen de l’obtenir.

– Porteous ! dit Jeanie. Mais cela est vrai ! Comment est-il possible que j’oublie ce dont je devrais si bien me souvenir ? Adieu, mistress Saddletree, puissiez-vous ne jamais connaître le besoin d’avoir des amis !

– Quoi, Jeanie, vous ne demeurez pas avec votre père ? vous feriez mieux de rester ici, mon enfant.

– J’ai besoin là-bas, répondit-elle en indiquant la prison du geste, et il faut que je profite de ce moment pour quitter mon père, ou je n’en aurai jamais la force ; je ne crains pas pour sa vie, je sais qu’il a du courage, je le sais, et, ajouta-t-elle en plaçant sa main sur son cœur, – je le sens en ce moment à mon propre cœur.

– Eh bien, ma chère, si vous croyez que cela vaut mieux, il restera ici plutôt que de retourner à Saint-Léonard.

– Oh oui ! bien mieux, bien mieux ; Dieu vous bénisse ! – Dieu vous bénisse ! – Ne le laissez pas en aller avant que je vous donne de mes nouvelles.

– Mais vous reviendrez ? lui dit mistress Saddletree ; on ne vous laissera pas rester là-bas ?

– Mais il faut que j’aille à Saint-Léonard. J’ai peu de temps et beaucoup d’ouvrage ; il faut que je parle à quelques amis. Adieu, que Dieu vous bénisse ! Ayez bien soin de mon père.

Quand elle fut à la porte de l’appartement, elle retourna tout-à-coup, et s’agenouillant près du lit : – Ô mon père, s’écria-t-elle, donnez-moi votre bénédiction ! je ne puis partir sans que vous m’ayez bénie ; dites-moi seulement : Que Dieu vous bénisse, Jeanie ! je ne vous demande que cela.

Le vieillard, par instinct plutôt que par une volonté intelligente murmura une prière pour que la bénédiction du ciel se multipliât sur elle.

– Il a béni mon voyage, dit-elle en se relevant, et je sens dans mon cœur un pressentiment que je réussirai.

À ces mots elle sortit.

Mistress Saddletree secoua la tête en la voyant partir.

– Fasse le ciel, dit-elle, que la pauvre fille n’ait pas le cerveau dérangé ! Au surplus, tous ces Deans ont une tournure d’esprit singulière. Je n’aime pas les gens qui valent mieux que les autres. Il n’en résulte souvent rien de bon. Mais si elle va visiter les étables à Saint-Léonard, c’est une autre affaire. À coup sûr, il faut en avoir soin. Grizie, venez ici ! Montez près de ce brave homme, et ayez soin qu’il ne lui manque rien. Allons, allons, qu’avez-vous besoin de vous friser si bien les cheveux ? j’espère que vous avez un bel exemple aujourd’hui ! qu’il vous serve de leçon ! ne songez pas tant à vos rubans et à vos falbalas !

Laissons la bonne dame déclamer contre les vanités du monde, et transportons-nous dans la nouvelle chambre où Effie venait d’être enfermée ; car les prisonniers condamnés sont toujours resserrés plus étroitement que lorsqu’ils n’étaient qu’accusés.

Elle était plongée depuis une heure dans cet état de stupeur et d’anéantissement si naturel à sa situation, quand elle en fut retirée par le bruit des verrous de sa porte qui s’ouvraient.

Ratcliffe entra. – C’est votre sœur qui vient vous voir, lui dit-il.

– Je ne veux voir personne, s’écria Effie avec aigreur, et ma sœur moins que personne. Dites-lui qu’elle prenne soin de son père. Je ne suis rien pour eux maintenant, et ils ne sont rien pour moi.

– Elle dit pourtant qu’il faut qu’elle vous voie, répondit Ratcliffe.

Et au même instant Jeanie, se précipitant dans la chambre, courut embrasser sa sœur en fondant en larmes, tandis que celle-ci cherchait à se soustraire à ses embrassemens.

– À quoi bon ces pleurs ? dit Effie. N’est-ce pas vous qui êtes cause de ma mort, puisqu’un seul mot de votre bouche pouvait me sauver ? moi qui suis innocente ! innocente du crime dont on m’accuse au moins ! moi qui aurais donné ma vie pour vous sauver un doigt de la main !

– Vous ne mourrez point ! s’écria Jeanie avec enthousiasme. Dites de moi, pensez de moi ce qu’il vous plaira, mais promettez-moi que vous n’attenterez pas à vos jours, car je connais votre cœur fier, et je crains votre désespoir. Non ! vous ne mourrez point de cette mort honteuse !

– Non, Jeanie, je ne mourrai pas de cette mort honteuse. Je l’ai bien résolu. Je n’attendrai pas qu’on me conduise sur un échafaud. J’ai mangé ma dernière bouchée de pain.

– Oh ! c’est là ce que je craignais ! s’écria Jeanie.

– Laissez donc ! laissez donc ! dit Ratcliffe à Jeanie : vous ne connaissez rien à tout cela. Il n’y a personne qui, après avoir été condamné à mort, ne forme une pareille résolution, et il n’y a personne qui l’exécute. On y songe à deux fois. Je sais cela par expérience. J’ai entendu lire trois fois ma sentence de mort, et cependant vous me voyez ici, moi, James Ratcliffe. Si, dès la première fois, et il ne s’agissait que d’une vache rousse qui ne valait pas dix livres sterling, j’avais serré trop fort le nœud de ma cravate comme j’en avais envie, où en serais-je à présent ?

– Et comment vous êtes-vous échappé ? lui demanda Jeanie ; le destin de cet homme, qui lui était d’abord si odieux, prenant un nouvel intérêt à ses yeux, depuis qu’elle y trouvait quelque conformité avec celui de sa sœur.

– Comment je me suis échappé ? répondit-il en clignant l’œil d’un air malin : – ah ! d’une manière qui ne réussira jamais à personne dans cette prison tant que j’en aurai les clefs.

– Ma sœur en sortira à la face du soleil, dit Jeanie. Je vais aller à Londres. Je vais demander son pardon au roi et à la reine. Puisqu’ils avaient fait grâce à Porteous, ils peuvent bien l’accorder à Effie. Quand une sœur leur demandera à genoux la vie de sa sœur, ils ne la lui refuseront pas ; ils ne pourront la lui refuser, et ils gagneront mille cœurs par cet acte de clémence.

Effie l’écoutait avec surprise. Elle voyait tant d’assurance dans l’enthousiasme de Jeanie, qu’un rayon d’espoir se glissa malgré elle dans son cœur, mais la réflexion le fit bientôt évanouir.

– Le roi et la reine demeurent à Londres, Jeanie, bien loin d’ici, bien loin au-delà de la mer ! – Je serai morte avant que vous y soyez seulement arrivée.

– Non, non, ma sœur, ce n’est pas si loin que vous le croyez, et je sais qu’on y va par terre. Reuben Butler m’en a parlé plusieurs fois.

– Ah ! Jeanie, vous êtes bien heureuse ! vous n’avez jamais eu que des amis qui vous ont donné de bons conseils, tandis que moi… et elle se couvrit le visage des deux mains en pleurant amèrement.

– Ne pensez point à cela maintenant, ma sœur : vous en aurez le temps, si la vie vous est accordée. Adieu ; à moins que je ne meure en route, je verrai celui qui peut pardonner. – Ô monsieur, dit-elle à Ratcliffe, ayez de l’humanité pour elle, protégez-la ! hélas ! c’est la première fois qu’elle a besoin de la protection d’un étranger ! Adieu, Effie, adieu, ne me dites rien ! Il ne faut pas que je pleure maintenant, déjà la tête me tourne.

S’arrachant des bras de sa sœur, elle sortit de la chambre. Ratcliffe la suivit, et lui fit signe d’entrer avec lui dans une petite pièce, d’un air qui semblait annoncer qu’il avait quelque chose d’important à lui communiquer. Elle le suivit, non sans un tremblement involontaire.

– Pourquoi tremblez-vous ? lui dit-il : diable ! vous n’avez rien à craindre. Je ne vous veux que du bien ; je vous respecte : je ne puis m’en empêcher. Écoutez-moi. Vous voulez aller à Londres ? vous avez raison. Vous avez tant de courage, Dieu me damne ! qu’il est possible que vous réussissiez. Mais diable ! il ne faut pas aller trouver le roi de but en blanc ! il faut vous faire quelque ami. Essayez de voir le duc ; oui, voyez Mac-Callumore, c’est l’ami des Écossais. Je sais que les grands ne l’aiment point, mais ils le craignent, c’est la même chose. Connaissez-vous quelqu’un qui puisse vous donner une lettre pour lui ?

– Le duc d’Argyle ! s’écria Jeanie : est-il parent du seigneur du même nom qui a souffert la persécution du temps de mon père ?

– C’est son fils ou son petit-fils, je crois. Mais qu’importe ?

– Que Dieu soit loué ! s’écria Jeanie.

– Oui, oui, vous autres Whigs, vous louez Dieu à chaque instant du jour : c’est fort bien, mais diable !… écoutez-moi, j’ai un secret à vous dire. Sur les confins de l’Écosse et de l’Angleterre, et surtout dans le comté d’York, il est possible que vous rencontriez des gens qui ne sont pas les plus polis du monde. Mais du diable si l’un d’eux touche une connaissance de Daddy Rat ! Quoique je sois retiré des affaires publiques, ils savent que je puis encore leur faire du bien ou du mal ; et il n’y en a pas un qui exerce le métier seulement depuis un an, soit sur les côtes, soit sur un grand chemin, qui ne respecte ma passe et ma signature plus que celles de tous les juges de paix des deux royaumes. Mais c’est le latin des voleurs pour vous.

Il se servait en effet d’un argot à peu près inintelligible pour Jeanie. La pauvre fille était impatiente de lui échapper, mais il la força d’attendre, et griffonnant quelques lignes sur un morceau de papier sale, il le plia en quatre, et le présenta à Jeanie. Comme elle semblait hésiter à le prendre : – Prenez donc ! s’écria-t-il, prenez ! craignez-vous qu’il ne vous morde ? que diable ! s’il ne vous fait pas de bien, il ne vous fera pas de mal. N’oubliez pas de le montrer, si vous rencontrez quelqu’un des clercs de Saint-Nicolas.

– Hélas, je ne vous comprends pas, lui dit-elle.

– Je veux dire, si vous tombez aux mains des voleurs, ma précieuse, voilà une phrase de l’Écriture, si vous en voulez une ; le plus audacieux d’entre eux respectera le griffonnage de ma plume d’oie. Maintenant partez, et tâchez de voir le duc d’Argyle. Si quelqu’un peut vous servir dans l’affaire, c’est lui.

Après avoir jeté un dernier regard d’inquiétude sur les murs noircis et les fenêtres grillées de la vieille Tolbooth, et un autre sur la maison hospitalière de mistress Saddletree, Jeanie quitta Édimbourg, et ne tarda point à arriver à Saint-Léonard. Elle ne rencontra personne de sa connaissance, et elle s’en félicita. – J’ai besoin de tout mon courage, pensa-t-elle, et je dois éviter tout ce qui pourrait tendre à l’affaiblir.

Elle envoya chercher une femme qui avait servi long-temps chez son père, et qui, ayant amassé quelque peu d’argent, vivait alors tranquillement dans une cabane voisine. Elle lui dit que des affaires l’obligeaient à faire un voyage qui durerait quelques semaines ; elle l’engagea à venir passer le temps de son absence à Saint-Léonard, et à s’y charger de tous les détails domestiques.

May Hettly ayant consenti à cette proposition, elle lui détailla avec une précision dont elle fut elle-même surprise, dans la situation d’esprit où elle se trouvait, tous les soins dont elle aurait à s’occuper, principalement ceux dont son père devait être l’objet. Elle lui dit qu’il reviendrait probablement à Saint-Léonard le lendemain, ou du moins très incessamment ; qu’il fallait que tout fût bien en ordre à son arrivée, attendu que son esprit était déjà assez fatigué de ses chagrins, sans avoir encore à s’occuper de ses affaires.

Elle-même aida May Hettly dans les travaux de la journée, et la soirée était déjà bien avancée quand tout fut terminé. La bonne femme lui demanda alors si elle ne désirait pas qu’elle restât près d’elle cette nuit. – Vous avez eu une terrible journée, lui dit-elle, et le chagrin est un mauvais compagnon quand on se trouve seul avec lui.

– Vous avez raison, lui dit Jeanie, mais c’est un compagnon à la présence duquel il faut que je m’habitue, et autant vaut commencer ici que pendant mon voyage.

Elle renvoya donc la vieille femme, qui lui promit de revenir le lendemain de bonne heure, et de ne plus quitter la maison jusqu’à son retour ; Jeanie fit ses préparatifs de départ.

La simplicité de son éducation et des mœurs de son pays rendit ces apprêts aussi courts que faciles. Son plaid pouvait lui servir en même temps d’habit de voyage et de parapluie, et un petit paquet à porter sous le bras contenait le peu de linge qui lui était indispensable. Elle était arrivée nu-pieds dans ce monde, comme dit Sancho, et elle se proposait de faire nu-pieds son pèlerinage, réservant ses souliers et ses bas blancs pour les occasions d’apparat. Elle ne savait pas qu’en Angleterre on attache à l’usage de marcher pieds nus une idée de la plus extrême misère, car si l’on lui avait fait contre cette coutume une objection tirée de la propreté, elle y aurait répondu en citant l’habitude où sont les Écossaise d’une certaine aisance de faire des ablutions aussi fréquentes que les sectateurs de Mahomet.

Jusque là tout allait bien.

Dans une espèce d’armoire en bois de chêne, où le vieux Deans serrait quelques livres et tous ses papiers, elle chercha, et parvint à trouver, dans deux ou trois liasses qui contenaient des extraits de sermon, des comptes avec les ouvriers, des copies des dernières paroles prononcées par des martyrs lors des persécutions, etc., deux ou trois pièces qui lui parurent devoir être utiles pour ses projets, et qu’elle plaça soigneusement dans un petit porte-feuille. Mais il restait une difficulté, la plus importante de toutes, à laquelle elle n’avait pas encore songé, le manque d’argent ; et il était impossible sans cela qu’elle entreprît un voyage tel que celui qu’elle avait dessein de faire.

David Deans était dans l’aisance, comme nous l’avons déjà dit ; on pourrait même dire qu’il jouissait, dans son état, d’une certaine opulence ; mais sa richesse, comme celle des anciens patriarches, consistait en ses troupeaux, sauf de petites sommes qu’il avait prêtées à quelques voisins, qui, loin d’être en état de rendre le capital, n’en pouvaient payer les intérêts qu’avec peine. Il était donc inutile que Jeanie pensât à s’adresser à ces débiteurs, même avec le consentement de son père ; elle ne pouvait d’ailleurs espérer d’obtenir ce consentement qu’après des explications, des observations, des réflexions qui lui feraient perdre un temps qui était si précieux pour l’exécution de son projet ; et, quelque hardi et quelque hasardeux qu’il fût, elle était déterminée à faire cette dernière tentative pour sauver la vie de sa sœur.

Sans manquer au respect filial, Jeanie avait une conviction intime que les sentimens de son père, tout honorables, tout religieux qu’ils étaient, avaient trop peu de rapport avec l’esprit du siècle, pour qu’il fût un bon juge des mesures à adopter en cette crise. Plus flexible dans ses opinions, quoique non moins sévère dans ses principes, elle sentait qu’en lui demandant la permission d’entreprendre ce voyage, elle courait le risque d’être refusée, et elle aurait craint, en le faisant malgré sa défense, d’être privée des bénédictions du ciel. Elle avait donc résolu de ne lui faire connaître son projet, et les motifs qui le lui avaient fait concevoir, qu’après son départ. Mais il était impossible de lui demander de l’argent sans lui exposer le motif de cette demande ; et venait alors la discussion qu’elle voulait éviter sur l’utilité de ce voyage. Enfin elle savait qu’il n’avait pas d’argent comptant ; il aurait fallu qu’il en cherchât lui-même, et de là eussent résulté des délais qui pouvaient faire manquer sa courageuse entreprise. C’était donc ailleurs qu’elle devait chercher les secours pécuniaires dont elle avait besoin.

Elle pensa alors qu’elle aurait dû consulter mistress Saddletree à ce sujet. Mais, outre le temps qu’il fallait encore perdre maintenant pour cela, elle sentait une répugnance presque invincible à s’adresser à elle en cette occasion. Elle savait que mistress Saddletree avait un bon cœur, qu’elle prenait un intérêt véritable aux malheurs de sa famille ; mais elle n’ignorait pas que son esprit était d’une trempe ordinaire et mondaine ; que son caractère la rendait incapable de voir la résolution qu’elle avait formée avec l’enthousiasme qui l’avait inspirée. Il aurait fallu discuter longuement avec elle pour lui en démontrer l’utilité, la convenance, la nécessité, et peut-être encore n’aurait-elle pu parvenir à l’en convaincre.

Elle aurait pu compter sur le secours de Butler, s’il n’eût été plus pauvre encore qu’elle-même. Enfin, pour surmonter cette difficulté, elle forma une résolution extraordinaire, dont nous rendrons compte dans le chapitre suivant.

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