« Libres de tout danger, libres de toute crainte,
» De la cour avec joie ils traversent l’enceinte. »
CHRISTABELLE.
Madge et Jeanie suivaient toujours le même sentier, et celle-ci ne vit pas sans un vrai contentement, derrière un bouquet d’arbres, un assez grand nombre de maisons qui probablement faisaient partie d’un village. Le chemin sur lequel elles étaient paraissait y conduire. Jeanie résolut donc de ne plus faire de questions à Madge tant qu’elle le suivrait, ayant observé qu’en lui parlant elle courait risque d’irriter son guide, ou de réveiller des soupçons auxquels les personnes dans la situation de Madge sont très disposées.
Madge, n’étant point interrompue, poursuivit le babil sans suite que lui suggérait son imagination vagabonde. C’était dans cette disposition d’esprit qu’elle était plus communicative sur son histoire et celle des autres, que lorsqu’on cherchait à la faire parler par des interrogations directes ou d’adroites insinuations.
– Il est bien singulier, dit-elle, qu’il y ait des momens où je puis parler de mon enfant aussi tranquillement que si c’était celui d’un autre, et qu’il y en ait où mon cœur soit prêt à se fendre, seulement d’y penser. Avez-vous jamais eu un enfant, Jeanie ?
– Non, répondit celle-ci.
– Ah ! mais votre sœur en a eu un du moins, et je sais ce qu’il est devenu.
– Vous le savez ! s’écria Jeanie, oubliant qu’elle avait résolu de ne lui faire aucune question : au nom du ciel, au nom de ce que vous avez de plus cher, apprenez-moi ce qu’il est devenu !
Madge s’arrêta, la regarda fixement d’un air sérieux, puis partant d’un éclat de rire : – Ah ! ah ! ah ! s’écria-t-elle ? attrapez-moi, si vous le pouvez. On peut donc vous faire croire tout ce qu’on veut ! Comment saurais-je ce qu’est devenu l’enfant de votre sœur ? Les jeunes filles ne devraient jamais faire d’enfans jusqu’à leur mariage. Et puis toutes les commères arrivent et se mettent à table comme si c’était le plus beau jour du monde. Elles vous disent que les enfans des jeunes filles sont heureux ; je sais que ce n’est pas vrai de celui de votre sœur et du mien. Mais il y aurait de tristes histoires à faire ; j’ai besoin de chanter un peu pour me remettre le cœur. Je veux chanter la chanson que le gentil Geordy fit pour moi dans le temps, lorsque j’allais avec lui à la fête de Lockington pour le voir jouer la comédie avec les autres acteurs. Il aurait bien mieux fait de m’épouser cette nuit-là, comme il l’avait promis. Mieux vaut se marier sur le fumier que sur la bruyère , dit le proverbe de l’Yorkshire : il peut aller loin et trouver pire. Mais chantons :
Je suis Madge du hameau,
Je suis Madge de la ville ;
Malgré tous ses bijoux, la dame du château
N’a pas un cœur aussi tranquille.
Je suis la reine de mai,
C’est moi qui conduis la danse ;
Le feu follet n’est pas plus brillant et plus gai,
Je vis d’amour et d’espérance.
– C’est de toutes mes chansons celle que j’aime le mieux, continua la folle, parce que c’est lui qui l’a faite, et je la chante souvent. C’est peut-être pour cela que les gens m’appellent Madge Wildfire. Je réponds à ce nom, quoique ce ne soit pas le mien, car à quoi bon se fâcher ?
– Mais vous ne devriez pas du moins chanter le jour du sabbat, dit Jeanie, qui, au milieu de son anxiété, ne pouvait s’empêcher d’être scandalisée de la conduite de sa compagne, surtout à l’approche du hameau.
– Ah ! c’est dimanche, dit Madge. Ma mère mène une telle vie, et fait si souvent de la nuit le jour, que, perdant le compte des jours de la semaine, on ne distingue plus le dimanche du samedi. D’ailleurs c’est votre Whigerie qui se scandalise ; en Angleterre, les gens chantent quand il leur plaît. Et puis, vous savez, vous êtes Christiana et je suis Merci ; elles s’en allaient en chantant. À ces mots, elle chanta une des stances de John Bunyan.
Ah ! plaignez moins le cœur humble et timide,
Il ne craint plus les chutes de l’orgueil ;
Le dieu du ciel lui servira de guide !
Et du péché lui montrera l’écueil.
…
L’abondance est un vrai fardeau
Dans ce triste pèlerinage ;
Peu de chose ici-bas, dans un monde nouveau
Si le bonheur nous dédommage.
– Et savez-vous, Jeanie, qu’il y a beaucoup de vérité dans ce livre du Voyage du Pèlerin ? L’enfant qui chante ainsi gardait les moutons de son père dans la vallée de l’Humiliation, et Grand-Cœur dit qu’il vivait plus heureux, qu’il avait dans son sein de l’herbe appelée Calme du cœur en plus grande abondance que ceux qui portent comme moi la soie et le velours, et sont parés comme moi.
Jeanie Deans n’avait jamais lu l’allégorie pleine de charmes et d’imagination à laquelle Madge faisait allusion. Bunyan était, il est vrai, un rigide calviniste, mais il était aussi membre d’une congrégation d’Anabaptistes, de sorte que ses ouvrages ne trouvaient point place parmi les livres théologiques de Deans. Madge, dans une époque de sa vie, avait connu apparemment cette production populaire, qui manque rarement de faire une impression profonde sur l’enfance et les gens du peuple.
– Je puis bien dire, continua-t-elle, que je sors de la ville de la destruction, car ma mère est mistress Œil-de-Chauve-souris, qui vit au coin de la rue du Mort ; Frank Levitt et Tyburn Tom peuvent se comparer à Mauvaise Foi et à Crime, qui arrivèrent au grand-galop, terrassèrent le pèlerin avec une grosse massue, et lui volèrent une bourse d’argent qui était presque tout son avoir. C’est ce que Frank et Tom ont fait à plus d’un voyageur, et ils continueront. Mais allons à la maison de l’interprète, car je connais un homme qui en jouera le rôle parfaitement. Il a les yeux levés au ciel, le meilleur des livres à la main, et la loi de vérité gravée sur ses lèvres. Oh ! si j’avais écouté ce qu’il me disait, je n’aurais jamais été la créature errante que je suis. Mais tout est fini. Allons ; nous frapperons à la porte ; le portier recevra Christiana, Merci restera dehors. Je me tiendrai sur la porte tremblante et pleurant. Alors, Christiana (c’est vous, Jeanie), Christiana intercédera pour moi ; alors Merci (c’est moi), Merci s’évanouira ; alors l’interprète (c’est M. Staunton lui-même) viendra me prendre par la main, moi la pauvre et coupable folle ; il me donnera une grenade, un rayon de miel et une fiole de liqueur pour me rappeler à la vie ; alors les bons temps reviendront, et nous serons les plus heureuses filles du monde .
Au milieu de cette confusion d’idées, Jeanie crut entrevoir dans Madge une intention d’aller chercher le pardon de quelqu’un qu’elle avait offensé, ce qui lui faisait espérer de pouvoir bientôt se trouver à même d’implorer pour elle la sauvegarde des lois. Jeanie résolut donc de se laisser guider par Madge, et d’agir selon les circonstances.
Elles étaient alors à peu de distance des maisons. C’était un de ces jolis villages si communs en Angleterre, où les maisons, au lieu d’être rangées à la suite les unes des autres, des deux côtés d’une route couverte de boue ou de poussière, se trouvent dispersées en groupes, entourées d’ormes, de chênes et d’arbres fruitiers, qui étant alors en pleine fleur, faisaient de cet endroit comme un bosquet enchanté. Au centre, on voyait l’église de la paroisse avec une tour gothique, et l’on entendait le son des cloches qui appelait les fidèles.
– Restons ici jusqu’à ce que tout le monde soit entré dans l’église, dit Madge, car tous les enfans courraient après moi en criant, et le bedeau serait assez brutal pour s’en prendre à nous. Ce n’est pas que j’aime les cris des enfans plus que lui, mais comment les empêcher ?
Jeanie consentit d’autant plus aisément à s’arrêter, que Madge lui avait dit que ce n’était pas dans ce village que les constables avaient conduit sa mère, et que les deux écuyers de grand chemin étaient allés d’un autre côté. Elle voyait que ses vêtemens avaient beaucoup souffert des évènemens de la veille, d’une nuit passée sur la paille, et de la course qu’elle venait de faire à travers des buissons et des taillis fourrés ; aussi elle eût bien voulu donner un air de propreté à ses ajustemens, afin de pouvoir intéresser davantage ceux à qui elle s’adresserait pour implorer leur protection.
Elles s’assirent donc au pied d’un chêne, au bord d’une fontaine, miroir ordinaire des jeunes Écossaises de la condition de Jeanie ; et celle-ci, profitant de ce secours, s’occupa de mettre un peu d’ordre dans sa toilette ; mais, quelque nécessaire que ce soin lui eût paru d’abord, elle ne tarda pas à regretter d’y avoir songé.
Madge avait une grande opinion de ses charmes, auxquels elle devait tous ses malheurs. Son esprit, semblable à une barque abandonnée sur un lac, se livrait toujours à la première impulsion qui l’agitait. Dès qu’elle vit Jeanie renouer ses cheveux, replacer son chapeau, secouer la poussière de ses souliers et de ses vêtemens, mettre un fichu blanc, et se laver les mains et la figure, le génie de l’imitation et de la coquetterie s’empara d’elle, et d’un petit paquet dont elle s’était aussi chargée elle tira les restes flétris de son ancienne élégance, commençant une toilette qui la rendit vingt fois plus ridicule qu’elle ne l’était auparavant.
Jeanie en gémissait tout bas, mais elle n’osa faire aucune observation : sur un chapeau de voyage qui lui couvrait la tête, Madge plaça une plume de paon et une vieille plume blanche cassée que le temps avait noircie. Elle attacha au bas de sa robe en forme de redingote une sorte de falbala de fleurs artificielles passées ; un morceau de soie jaune, garni de clinquant, reste d’une robe qui avait rendu de longs services d’abord à une dame et ensuite à sa femme de chambre, fut jeté sur une de ses épaules, et ramené en avant, en forme de baudrier ; une paire d’escarpins de satin, brodés, sales, à talons hauts, remplacèrent ses gros souliers d’usage. Elle avait coupé une branche de saule le matin, presque aussi longue qu’une canne à ligne. Elle se mit à la peler sérieusement, et la transforma en une baguette semblable à celle que le trésorier ou le grand intendant de la couronne porte dans les cérémonies publiques. Elle dit alors à Jeanie que, puisqu’elles avaient maintenant une mise aussi décente que pouvait l’avoir une jeune fille le dimanche matin, elle voulait la conduire à la maison de l’interprète.
Jeanie trouvait bien pénible d’être obligée de paraître en public avec une compagne si grotesquement affublée ; mais nécessité n’a point de loi. Elle ne pouvait se séparer d’elle sans risquer d’avoir une querelle sérieuse, et la prudence le lui défendait.
Madge, au contraire, était enchantée d’elle-même, et sa vanité lui persuadait que personne au monde ne pouvait lui disputer de charmes et de parure. Elles entrèrent dans le village, et n’y rencontrèrent qu’une vieille femme presque aveugle, qui, voyant briller quelque chose sur les vêtemens de Madge, la salua avec autant de respect qu’elle en aurait montré à une duchesse. Cette marque de déférence mit le comble au ravissement de la pauvre insensée. Elle releva la tête encore plus haut, chercha à se donner des grâces, et regarda Jeanie avec l’air de protection et d’importance d’une vieille dame qui va conduire une jeune provinciale dans le monde pour la première fois.
Jeanie la suivait patiemment, baissant les yeux, qu’elle levait seulement de temps à autre pour chercher quelqu’un dont elle pût implorer le secours ; mais tous les habitans étaient alors au service divin, ou enfermés dans leurs maisons. Elle tressaillit quand, après avoir monté deux ou trois marches, elle se trouva dans le cimetière, et qu’elle vît sa compagne s’avancer directement vers la porte de l’église. Jeanie n’avait nulle envie d’y entrer dans une telle compagnie, et, s’asseyant sur une pierre funéraire, elle lui dit d’un ton décidé : – Vous pouvez entrer dans l’église si vous le désirez, Madge ; mais je ne vous y suivrai pas : je vais vous attendre ici.
– M’attendre ici ! s’écria Madge en la saisissant par le bras ; croyez-vous donc, ingrate que vous êtes, que je souffrirai que vous restiez assise sur le tombeau de mon père ? Si vous ne me suivez pas, si vous ne venez pas avec moi écouter le ministre dans la maison de Dieu, je vous arracherai tous les haillons qui vous couvrent.
L’effet suivit de près la menace. Elle saisit le chapeau de Jeanie, le lui arracha de la tête, et le jeta sur un vieux saule aux branches duquel il s’accrocha à une hauteur trop considérable pour que celle-ci put l’y reprendre. La première pensée de Jeanie fut de crier ; mais réfléchissant que Madge, dans sa folie, pouvait lui donner quelque coup dangereux avant qu’on fût venu à son secours, quoiqu’elles fussent très près de l’église, elle jugea plus prudent de l’y suivre, étant bien sûre que là elle trouverait le moyen de lui échapper, et qu’elle n’aurait plus rien à craindre de sa violence. Elle lui dit donc qu’elle consentait à l’accompagner. Madge la tenait toujours par le bras, mais ses idées avaient déjà pris un autre cours. Elle fit retourner Jeanie vers la pierre qu’elle venait de quitter, et lui montrant une inscription : – Lisez cela, lui disait-elle, lisez tout haut.
Jeanie obéit, et lut ce qui suit :
« CE MONUMENT FUT ÉRIGÉ À LA MÉMOIRE DE DONALD MURDOCKSON, SOLDAT DU XXVI DU ROI, OU RÉGIMENT CAMERONIEN, CHRÉTIEN SINCÈRE, BRAVE MILITAIRE ET FIDÈLE SERVITEUR, PAR SON MAÎTRE RECONNAISSANT, ROBERT STAUNTON. »
– Vous lisez bien, Jeanie ; c’est bien cela, dit Madge, dont la colère avait fait place à une profonde mélancolie ; et d’un air grave et tranquille qui ne lui était pas ordinaire, elle la conduisit à la porte de l’église.
Le bâtiment dans lequel Jeanie allait être introduite était une de ces églises gothiques dont on trouve un si grand nombre en Angleterre, et qui, de tous les édifices consacrés au culte chrétien, sont peut-être les plus propres à produire sur l’âme une impression de piété respectueuse. Cependant Jeanie, fidèle à ses principes presbytériens, ne serait pas entrée, en toute autre occasion, dans une église de la religion anglicane. Elle aurait cru voir à la porte la figure vénérable de son père étendre le bras pour l’arrêter, et lui défendre d’écouter des instructions qui ne partaient pas de la bonne source. Mais, dans la situation alarmante où elle se trouvait, elle regardait ce lieu comme un asile pour elle, de même que l’animal poursuivi par les chasseurs se réfugie quelquefois dans la demeure des hommes, ou dans les endroits les plus contraires à ses habitudes naturelles. Les sons profanes de l’orgue n’eurent même pas le pouvoir de l’arrêter.
Madge n’eut pas plus tôt mis le pied dans l’église, que, se voyant l’objet de l’attention générale, elle se livra de nouveau à toute l’extravagance qu’un accès momentané de mélancolie avait interrompue. Elle s’avança d’un pas léger vers le centre de l’église, la tête haute, traînant après elle Jeanie qu’elle tenait toujours par le bras. Celle-ci aurait bien désiré entrer dans un des bancs les plus voisins de la porte, et laisser Madge s’approcher seule des places d’honneur ; mais elle ne pouvait le faire sans une résistance qui aurait causé du scandale et du tumulte dans la congrégation. Elle se laissa donc mener comme en triomphe par sa conductrice, qui marchait le sourire sur les lèvres, d’un pas délibéré, paraissant enchantée de voir tous les yeux fixés sur elle, distribuant à droite et à gauche des révérences ridicules et affectées, et traînant sa compagne, qui, rouge de honte, les yeux baissés, les cheveux épars, formait avec elle le contraste le plus frappant.
Enfin elle entra dans un banc, donnant en même temps un coup de pied sur les jambes de Jeanie, pour l’avertir de la suivre, et appuya sa tête sur ses mains pendant environ une minute comme pour se livrer au recueillement. Jeanie, pour qui cette dévotion mentale était toute nouvelle, au lieu de l’imiter, jeta autour d’elle des regards inquiets que ceux qui pouvaient la voir attribuaient assez naturellement à la folie. Chacun chercha à s’éloigner de ce couple extraordinaire ; mais un vieillard qui se trouvait près de Madge ne fut point assez leste. Elle lui arracha des mains son rituel, et se mit à répondre aux prières d’un ton de voix qu’on distinguait au-dessus de toutes celles de la congrégation.
Jeanie, accablée de honte, n’osait plus lever les yeux pour chercher un protecteur. Elle pensa d’abord naturellement à l’ecclésiastique. C’était un homme d’un âge déjà avancé, dont l’air inspirait la confiance et le respect, et qui avait déjà rappelé à une attention décente les plus jeunes membres de la congrégation que l’extravagance de Madge Wildfire avait distraits du service divin. Jeanie résolut donc de s’adresser à lui quand l’office serait terminé.
Il est bien vrai que ses yeux étaient choqués de voir un prédicateur revêtu d’un surplis, abomination contre laquelle elle avait entendu son père déclamer tant de fois, mais dont elle n’avait jamais été témoin. Elle n’était pas moins contrariée du changement d’attitude qu’exigeaient certaines parties du rituel ; et Madge, qui paraissait en bien connaître le cérémonial, prenait soin de l’en avertir avec un bruit et des gestes qui attiraient encore davantage sur elles l’attention générale. Elle crut pourtant que Dieu, voyant dans le fond des cœurs, lui pardonnerait de l’adorer avec des formes qui n’étaient pas celles de sa croyance. S’écartant donc de Madge autant qu’il lui était possible de le faire, elle donna toute son attention au service divin, et goûta un peu de calme, sa persécutrice ayant fini par s’endormir.
Quoique involontairement sa pensée se reportât quelquefois sur sa propre situation, elle fut comme forcée d’écouter attentivement un discours plein de sens, énergique et bien fait sur les doctrines pratiques du christianisme ; elle ne put même s’empêcher de l’approuver, quoique ce fût un discours écrit d’avance par le prédicateur, et débité avec un accent et des gestes bien différens de ceux de Boanerges Stormheaven, prédicateur favori de son père. L’air sérieux et attentif avec lequel Jeanie l’écoutait n’échappa point à l’ecclésiastique. L’entrée de Madge lui avait fait craindre quelque scandale ; pour y mettre ordre, il tournait souvent les yeux vers le banc où les deux jeunes filles étaient placées, et il reconnut bientôt que, malgré ses cheveux épars et ses regards inquiets, elle n’était pas dans une situation d’esprit semblable à celle de sa compagne. Quand le service fut terminé, il la vit jeter les yeux autour d’elle d’un air égaré, s’approcher de deux ou trois hommes âgés, comme pour leur parler, et reculer ensuite par timidité en voyant qu’ils semblaient la fuir. Il jugea qu’il y avait dans sa conduite quelque chose d’extraordinaire, et en homme bienfaisant, en digne ministre des autels, il résolut d’approfondir cette affaire.