« Or pour bedeau l’église avait un drôle
» Grondeur, bourru, mais qui savait son rôle.
CRABBE.
Tandis que M. Staunton, c’est ainsi que se nommait ce digne ecclésiastique, était allé ôter son surplis dans la sacristie, Jeanie en venait à une rupture ouverte avec Madge.
– Il faut que nous retournions sur-le-champ à la grange des Fous, lui dit Madge ; il sera tard quand nous arriverons, et ma mère aura de l’humeur.
– Je ne retournerai pas avec vous, Madge, répondit Jeanie en lui offrant une guinée ; il faut que je continue mon voyage.
– Comment, ingrate ! s’écria Madge, quand je suis venue ici pour vous faire plaisir, vous m’exposerez à être grondée par ma mère ! Ah ! je vous réponds que vous me suivrez. Et en même temps elle la prit par le bras, et chercha à l’entraîner.
– Pour l’amour du ciel, secourez-moi, dit Jeanie à un homme qui était près d’elle, délivrez-moi de ses mains, elle est folle.
– Je le sais, répondit le rustre, et je crois bien que vous êtes deux oiseaux du même plumage. Mais n’importe. Allons ! Madge, laisse-la aller, si tu ne veux avoir une bonne taloche.
Toute la populace, tous les enfans, s’étaient assemblés autour d’elles. – Venez ! venez ! criaient-ils ; il va y avoir un combat entre Madge Wildfire et une autre folle de Bedlam ! On faisait cercle dans l’espoir de jouir de ce spectacle intéressant, quand on aperçut le chapeau galonné du bedeau, et chacun s’empressa de faire place à ce personnage important. Il s’adressa d’abord à Madge.
– Qu’est-ce qui te ramène ici, maudite coureuse ? As-tu encore quelque bâtard à porter à la porte d’un honnête homme ? T’imagines-tu que la paroisse se chargera de cette oie, qui est aussi folle que toi ? comme si nous ne payions pas déjà assez de taxes pour les pauvres ! Sors de la paroisse sur-le-champ, ou je t’en chasse avec le bâton ! Va retrouver ta voleuse de mère qui vient d’être mise en prison à Barkston.
Madge garda le silence un instant. Le bedeau lui avait fait trop souvent connaître sa puissance par des moyens peu aimables, pour qu’elle osât contester son autorité.
Enfin elle s’écria : – Quoi ! ma mère, ma pauvre vieille mère en prison à Barkston ! Tout cela à cause de vous, miss Jeanie Deans ; mais vous me le paierez, aussi sûr que je me nomme Madge Wildfire ; c’est-à-dire Murdockson. Bonté divine ! dans mon trouble, j’oublie jusqu’à mon nom.
À ces mots, elle tourna les talons, et s’enfuit aussi vite que ses jambes purent la porter, pour éviter la poursuite de tous les enfans du village qui couraient après elle en poussant de grands cris.
Jeanie la vit partir avec bien de la satisfaction, quoiqu’elle eût désiré pouvoir la récompenser de manière ou d’autre du service qu’elle lui avait rendu sans le vouloir.
S’adressant alors au bedeau, elle lui demanda s’il y avait dans le village une maison où elle pût être reçue en payant, et s’il lui serait permis de parler à l’ecclésiastique.
– Oui, oui, nous aurons soin de toi, répondit le fonctionnaire de l’église, et, si tu ne réponds pas comme il faut au recteur, nous épargnerons ton argent et nous te logerons aux dépens de la paroisse, jeune femme.
– Et où m’allez-vous conduire ? demanda Jeanie un peu alarmée.
– D’abord chez Sa Révérence, pour lui rendre compte de ce que tu es, et empêcher que tu ne tombes à la charge de la paroisse.
– Je ne veux être à la charge de personne ; je ne manque de rien, et je ne demande qu’à continuer ma route en sûreté.
– C’est une autre affaire, si cela est vrai ; au reste, j’avoue que vous n’avez pas un air aussi égaré que votre camarade. Vous seriez une assez belle fille, si vous étiez un peu plus requinquée. Mais, allons, venez voir le recteur, ne craignez rien, c’est un brave homme !
– Est-ce le ministre qui a prêché ? demanda Jeanie.
– Le ministre ! Dieu te bénisse ! Quelle presbytérienne es-tu donc ? Je te dis que c’est un recteur, le recteur lui-même, et qui n’a pas son pareil dans le comté, ni dans les quatre comtés voisins. Allons, partons, partons, je n’ai pas de temps à perdre.
– Je ne demande pas mieux que de voir le ministre, répondit Jeanie ; quoiqu’il ait lu son discours et porte le surplis, comme on l’appelle ici, je ne puis m’empêcher de reconnaître que ce doit être un bien digne homme, craignant Dieu, ayant prêché comme il vient de le faire.
La canaille, désappointée de ne pas trouver un sujet d’amusement dans cette rencontre, s’était dispersée pendant ce temps-là, et Jeanie, avec sa patience ordinaire, suivit son guide plus bourru et plus suffisant que brutal jusqu’au rectorat.
La maison cléricale était grande, belle et commode, car le bénéfice en était très lucratif. La présentation en appartenait à une famille riche du pays, dont le chef avait toujours soin de destiner un fils ou un neveu à l’Église, afin de pouvoir le lui donner, quand l’occasion s’en offrait. Le rectorat de Willingham était donc regardé comme un apanage direct et immédiat de Willingham-Hall, et les riches baronnets de ce domaine avaient ordinairement un fils, un frère ou un neveu, qui s’étaient occupés de rendre leur résidence non seulement commode, mais encore magnifique.
Elle était située à quatre cents toises environ du village, et sur une élévation dont la pente douce était couverte de petits enclos disposés irrégulièrement, de manière que les vieux chênes et les ormeaux qui étaient plantés en haie se confondaient ensemble dans la perspective avec une ravissante variété ; plus près de la maison, Jeanie et son guide entrèrent par une jolie grille dans une pelouse, peu large il est vrai, mais bien tenue, et où croissaient çà et là de beaux marronniers et des bouleaux. La façade de la maison était irrégulière : une partie semblait très ancienne, et avait été en effet la résidence du premier bénéficiaire dans le temps du catholicisme. Ses successeurs y avaient fait des additions considérables et des embellissemens, suivant le goût de chaque siècle, et sans trop respecter la symétrie ; mais ces irrégularités d’architecture étaient si bien graduées et si heureusement fondues, que loin d’être blessé de ce mélange de styles, l’œil ne pouvait qu’être charmé de la variété de l’ensemble ; des arbres fruitiers en espalier sur le mur du midi, des escaliers extérieurs, diverses entrées, les toits et les cheminées des différens siècles, contribuaient à rendre la façade, non pas précisément belle ni grande, mais bizarre ou, pour emprunter à M. Price le mot propre, – pittoresque. Les additions les plus considérables étaient celles du recteur actuel, homme à bouquins, comme le bedeau prit la peine d’en instruire Jeanie, sans doute pour lui inspirer plus de respect pour le personnage devant lequel elle allait paraître : – Il avait, lui dit-il, fait bâtir une bibliothèque, un salon et deux chambres à coucher. – Bien des gens auraient hésité à faire cette dépense, continua le fonctionnaire paroissial, attendu que ce bénéfice doit passer à qui sir Edmond voudra le donner ; mais Sa Révérence a du bien à lui et n’a pas besoin de regarder les deux faces d’un penny.
Jeanie ne put s’empêcher de comparer le bel et grand édifice qu’elle avait sous les yeux aux misérables manses d’Écosse, où une suite d’héritiers avares, professant le plus grand dévouement au presbytérianisme, s’étudient à découvrir ce qui peut être économisé sur un bâtiment qui n’est qu’une résidence incommode pour le ministre actuel, et méprisent l’avantage d’une construction solide en maçonnerie ; aussi, au bout de quarante ou cinquante ans, leurs descendans sont-ils forcés de refaire la même dépense, dont une honorable libéralité aurait affranchi le domaine pour plus d’un siècle.
Derrière la maison coulait une petite rivière avec une charmante bordure de saules et de peupliers ; le bedeau dit à Jeanie qu’on y péchait d’excellentes truites, car la patience de l’étrangère et l’assurance qu’elle ne serait pas à la charge de la paroisse l’avaient rendu plus communicatif. – Oui, répéta-t-il, c’est bien l’eau qui fournit les meilleures truites du Lincolnshire, car plus bas il n’y a plus moyen de pêcher à la ligne.
Au lieu de se présenter à l’entrée principale, il conduisit Jeanie à une petite porte communiquant à l’ancien bâtiment, qui était, en grande partie, occupé par les domestiques. Celui qui vint l’ouvrir portait une livrée écarlate, digne d’un riche fonctionnaire de l’Église.
– Bonjour, Thomas, dit le bedeau ; et comment va le jeune M. Staunton ?
– Tout doucement, M. Stubbs, tout doucement. Désirez-vous voir Sa Révérence ?
– Oui, Thomas, oui. Dites-lui que je lui amène la jeune femme qui est venue ce matin à l’office avec la folle Madge Murdockson. Elle paraît bien tranquille pourtant, mais je ne lui ai pas fait de questions. Vous pouvez pourtant dire à Sa Révérence qu’elle paraît Écossaise, autant que j’en puis juger, et aussi pauvre que les marais de Holland .
Thomas honora Jeanie de ce regard que les domestiques des grands, spirituels ou temporels, se croient toujours le droit de jeter sur le pauvre, et la fit entrer, ainsi que M. Stubbs, en leur disant d’attendre qu’il eût informé son maître de leur visite.
La pièce où il les introduisit était une espèce de salle d’intendant, tapissée de deux ou trois cartes de comtés, et de trois ou quatre gravures représentant des personnages tenant au pays, tels que sir William Monson , James Jork, le maréchal de Lincoln et le fameux Peregrine, lord Willoughby, armé de pied en cap, et comme s’il prononçait les vers de la légende inscrits sous son portrait :
Tenez ferme, braves piquiers ;
Archers, visez avec adresse :
Nous repousserons ces guerriers,
Je compte sur votre prouesse.
Et vous mes braves canonniers,
J’en appelle à votre constance ;
Imitez mes bons écuyers.
Lord Willoughbie et sa vaillance.
Lorsqu’ils furent entrés dans l’appartement, Thomas ne manqua pas d’offrir et M. Stubbs d’accepter un morceau à manger et un coup à boire : il servit en conséquence les restes encore respectables d’un jambon, et un whiskin entier, c’est-à-dire un pot d’ale double.
Le bedeau s’occupa activement de ces comestibles, et nous devons même ajouter, à son honneur, qu’il invita Jeanie à prendre sa part de ce repas. L’offre n’était pas hors de saison, car elle n’avait rien mangé de la journée ; mais elle avait l’esprit trop inquiet pour sentir le besoin de prendre quelque nourriture, et d’ailleurs sa timidité ne lui aurait pas permis de se mettre à table avec deux hommes qu’elle ne connaissait pas, car Thomas avait été trop honnête pour ne pas tenir compagnie au bedeau. Le repas dura une bonne demi-heure, et peut-être se serait-il prolongé plus longtemps, si la sonnette du révérend M. Staunton ne se fût fait entendre. Thomas se leva à ce signal, et ayant profité de cette occasion pour annoncer à son maître l’arrivée de M. Stubbs avec l’autre folle, comme il lui plut de désigner Jeanie, il reçut l’ordre de les faire entrer sur-le-champ.
Le bedeau se hâta d’avaler sa dernière bouchée de jambon, et se rinça la bouche avec ce qui restait encore du pot d’ale, après quoi il conduisit Jeanie par des passages qui communiquaient de l’ancien corps de logis aux bâtimens modernes, et la fit entrer dans une petite salle qui précédait la bibliothèque, et dont une porte vitrée s’ouvrait sur la pelouse.
– Restez ici, lui dit-il, jusqu’à ce que j’aie annoncé à Sa Révérence que vous attendez ses ordres.
À ces mots il entra dans la bibliothèque.
Jeanie ne cherchait pas à entendre leur conversation, mais elle n’en perdit pas un seul mot, car Stubbs avait laissé la porte entr’ouverte ; il était resté près du seuil par respect, et Sa Révérence étant à l’autre bout de la salle, ils parlaient nécessairement assez haut.
– Vous m’amenez donc enfin cette jeune femme, dit M. Staunton ; je croyais que vous seriez arrivé plus tôt. Vous savez que je n’aime pas faire attendre ceux que je crois devoir interroger.
– C’est que, n’en déplaise à Votre Révérence, la jeune femme n’avait encore rien pris de la journée, et M. Thomas lui a fait manger une bouchée et boire un coup.
– Thomas a bien fait. Et qu’est devenue l’autre, Madge Murdockson ?
– Oh ! elle a levé le pied. Elle est allée rejoindre sa mère, qui est dans l’embarras dans la paroisse voisine.
– Dans l’embarras ! c’est-à-dire en prison, je suppose ?
– Oui, s’il plaît à Votre Révérence ; oui, quelque chose comme cela.
– Malheureuse et incorrigible femme ! dit le recteur. Et quelle espèce de personne est celle que vous m’amenez ?
– Mais, Votre Révérence, elle a l’air assez tranquille, bien paisible, et puis elle dit qu’elle a assez d’argent pour sortir du comté !
– L’argent ! ah ! c’est toujours à quoi vous songez d’abord, Stubbs, mais il s’agit de savoir si elle a du bon sens, de l’intelligence ? est-elle capable de prendre soin d’elle-même ?
– Je ne saurais trop dire à Votre Révérence, répliqua Stubbs, je crois bien qu’elle n’est pas née à Witt-Ham , car Gaffer Gibbs, qui l’a regardée tout le temps du service, dit qu’elle ne pouvait prononcer une seule phrase comme un chrétien, quoique Madge Murdockson lui soufflât les mots ; mais quant à savoir prendre soin d’elle-même, elle est Écossaise, et, Votre Révérence, on dit que les plus bornés de ce pays savent se tirer d’affaire ; d’ailleurs elle est mise décemment, elle n’est pas couverte de fanfreluches comme l’autre.
– Allons, faites-la entrer, et restez en bas, M. Stubbs.
À l’instant où cette conversation finissait, on ouvrit la porte vitrée qui conduisait de la salle où se trouvait Jeanie dans le jardin. Un jeune homme pâle et paraissant malade, soutenu ou plutôt porté par deux domestiques, entra, et s’étendit sur un sopha qui était placé près de la porte de la bibliothèque. Dans le même moment Stubbs en sortait pour dire à Jeanie d’y entrer. Elle lui obéit en tremblant, car indépendamment de la situation nouvelle où elle se trouvait, il lui semblait que le succès de son voyage dépendait de l’entretien qu’elle allait avoir avec M. Staunton.
Il est vrai qu’il était difficile de concevoir sous quel prétexte on pourrait empêcher une personne qui voyageait à ses frais, qui ne demandait rien à personne, de continuer sa route. Mais sa dernière aventure ne lui avait que trop appris qu’il existait, à peu de distance, des gens qui désiraient mettre obstacle à son voyage, et qui avaient assez d’audace pour essayer une seconde fois d’y réussir. Elle sentait donc la nécessité d’avoir sur la route une protection qui pût la mettre à l’abri de leur scélératesse. Pendant que ces idées se présentaient à son esprit avec plus de rapidité que la plume ne peut les transmettre, et que l’œil du lecteur ne peut les suivre, elle était déjà dans la bibliothèque du recteur de Willingham, dont les rayons offraient à ses yeux plus de livres qu’elle croyait qu’il n’en existait dans tout l’univers ; car elle regardait comme une grande collection ceux qui se trouvaient sur deux tablettes dans la chambre de son père, et que Deans disait être la fleur de toute la théologie. Des globes, des sphères, des télescopes et d’autres instrumens de physique inconnus à Jeanie, lui inspirèrent une admiration mêlée de crainte, car ils lui paraissaient devoir servir à des opérations magiques plutôt qu’à toute autre chose ; enfin, quelques animaux empaillés ajoutaient encore à l’impression que faisait sur elle la vue de cet appartement.
– Jeune femme, lui dit M. Staunton avec douceur, vous vous êtes présentée ce matin dans l’église d’une manière bien étrange, propre à troubler le service divin, et dans une compagnie qui, je dois le dire, ne prévient pas en votre faveur ; j’ai voulu vous interroger, afin de voir quelles mesures mon devoir exige que je prenne à votre égard ; je dois vous dire que je suis juge de paix, en même temps que recteur de cette paroisse : mais ne vous troublez pas, je n’ai pas dessein de vous troubler.
– Votre Honneur a bien de la bonté, répondit Jeanie d’un air timide ; car ses principes de presbytérianisme ne lui permettaient pas de lui donner le titre de Révérence.
– Eh bien, qui êtes-vous ? que faites-vous dans ce comté ? ignorez-vous qu’on n’y souffre pas de vagabondage ?
Ce terme injurieux rendit à Jeanie toute son énergie.
– Je ne suis point une vagabonde, monsieur, répliqua-t-elle d’un ton ferme : je suis une honnête fille écossaise, voyageant pour mes affaires et à mes frais ; j’ai été assez malheureuse pour rencontrer hier soir mauvaise compagnie ; on m’a retenue toute la nuit, et cette pauvre créature, dont la tête est un peu légère, m’a fait sortir ce matin.
– Mauvaise compagnie ! oui sans doute, et je crains, jeune femme, que vous n’ayez pas pris assez de soin pour l’éviter.
– On m’a toujours appris à la fuir, monsieur ; mais les gens dont je vous parle étaient des voleurs, et m’ont retenue de force.
– Des voleurs ? dit M. Staunton ; et que vous ont-ils pris ?
– Pas la moindre chose, monsieur ; ils ne m’ont fait d’autre mal que de me forcer à rester avec eux contre mon gré.
Le recteur lui demanda alors un détail circonstancié de cette aventure, et elle la lui conta avec la plus grande exactitude.
– Voilà une histoire bien extraordinaire, bien peu vraisemblable, jeune femme, dit-il alors : d’après votre récit, on a commis contre vous un acte de violence sans aucun motif apparent ; au surplus, connaissez-vous les lois de ce pays ? savez-vous que si vous formez une plainte à ce sujet, vous serez obligée de faire des poursuites ?
Jeanie ne le comprenait point, et il fut obligé de lui expliquer qu’indépendamment de la perte soufferte par la personne qui a été volée ou injuriée de quelque manière que ce soit, les lois anglaises ont la bonté de la charger en outre de tout l’embarras et de tous les frais de la poursuite.
Elle lui répondit que l’affaire qui l’appelait à Londres ne lui permettait aucun délai, et que tout ce qu’elle pouvait désirer était que quelque âme compatissante voulût bien, par esprit de charité chrétienne, la faire conduire sans danger jusqu’à la première ville où elle pourrait louer des chevaux et un guide ; que, quant à la poursuite des brigands qui l’avaient arrêtée, elle y pensait d’autant moins, qu’elle savait que son père ne trouverait pas bon qu’elle parût devant une cour de justice anglaise pour y prêter serment, le pays n’étant pas favorisé de la vraie croyance évangélique.
– Votre père est-il donc quaker ? demanda M. Staunton.
– Non, Dieu merci, monsieur : il n’est ni hérétique ni schismatique ; et bien connu pour n’être pas tel.
– Et quel est son nom ?
– David Deans, monsieur, nourrisseur de bétail à Saint-Léonard Craigs près d’Édimbourg.
Un cri douloureux, qu’on entendit dans la pièce voisine, empêcha le recteur de lui répondre. – Bon Dieu ! malheureux enfant ! s’écria-t-il ; et, laissant Jeanie dans la bibliothèque, il en sortit précipitamment.