CHAPITRE XXII.

« Reconnaissez des Grecs les nombreux bataillons,

« Hé bien, autant de chefs, autant de factions ! »

SHAKSPEARE, Troïlus et Cressida.

Au pied de la montagne, à un quart de mille environ du champ de bataille, était la hutte d’un berger, misérable refuge, mais seul abri qu’on pût trouver à cette distance. Tel était le lieu choisi par les chefs presbytériens pour y tenir leur conseil de guerre, et c’est là que Burley conduisit Morton.

Celui-ci, en s’en approchant, ne fut pas peu surpris du tumulte et des cris qui frappèrent ses oreilles. Le calme et la gravité qu’il aurait voulu voir présider à un conseil destiné à délibérer sur des sujets si importans, et dans un moment si critique, semblaient avoir fait place à la discorde et à la confusion. Morton en tira un augure peu favorable à la réussite de l’entreprise. La porte était ouverte, et assiégée d’une foule de curieux, qui, sans prendre part à la délibération, croyaient avoir au moins le droit de l’entendre. À force de prières, de menaces, et en employant quelque violence, Burley, à qui l’on accordait une sorte de supériorité dans l’armée, parvint à entrer, et à introduire son compagnon. S’il se fût agi d’une affaire moins importante, Morton aurait été amusé par le spectacle singulier qui s’offrit alors à ses yeux, et par les discours qu’il entendit.

Cette chaumière obscure et à demi ruinée était éclairée en partie par un feu de genêts épineux, coupés dans le voisinage, et dont la fumée, ne trouvant pas une issue suffisante par la cheminée, se répandait dans toute la chambre, et formait en s’élevant une espèce de dôme ténébreux au-dessus de la tête des chefs assemblés, – symbole de leur théologie métaphysique. Quelques chandelles, attachées le long des murs avec de la terre glaise, semblaient des étoiles qu’on aperçoit à travers un brouillard.

À la lueur de ce crépuscule on lisait sur les figures des chefs que les uns étaient gonflés par l’orgueil du succès, et les autres animés d’un enthousiasme féroce. Quelques uns, irrésolus et inquiets, auraient voulu ne pas se trouver engagés dans une cause qu’ils ne se sentaient pas les moyens de soutenir, et ils n’y persistaient que parce qu’ils n’osaient faire un pas en arrière. Dans le fait c’était un corps composé d’élémens disparates, et qui ne pouvaient se combiner ensemble. Les plus ardens étaient ceux qui, comme Burley, avaient pris part au meurtre du primat, et qui, sachant que leur tête était mise à prix, ne pouvaient se sauver qu’à la faveur d’un incendie général ; mais leur zèle ne l’emportait pas sur celui des prédicateurs, qui, refusant de se soumettre au gouvernement, préféraient prêcher leurs sectateurs dans le désert, plutôt que de les assembler dans des temples, de peur d’avoir l’air de reconnaître à l’autorité mondaine le droit de demander des comptes à la suprématie ecclésiastique. La classe des modérés se composait de gentilshommes mécontens et de fermiers poussés à bout par une oppression intolérable ; ils avaient avec eux leurs prêtres, qui, ayant la plupart profité de la tolérance légale, se préparaient à résister à la déclaration que les plus fanatiques se proposaient d’exiger d’eux pour leur faire porter témoignage contre le péché de la soumission aux actes du gouvernement. Cette question délicate avait été écartée dans le premier moment où il s’était agi de rédiger un manifeste ; mais on l’avait remise sur le tapis en l’absence de Burley, qui, à sa grande vexation, trouva qu’elle occupait toute l’éloquence de Macbriar, de Kettledrummle et des autres prédicateurs du désert. La polémique était engagée entre eux et Pierre Poundtext, le pasteur toléré de la paroisse de Milnwood, qui avait ceint l’épée, mais qui, avant d’être appelé à combattre en plaine campagne pour la bonne cause, défendait vaillamment ses dogmes particuliers au conseil. Poundtext et Kettledrummle étaient directement aux prises. On eût dit, à l’action des deux adversaires, qu’ils joignaient les coups aux paroles.

Il s’agissait en ce moment de rédiger un manifeste pour expliquer les motifs de l’insurrection. Macbriar, Kettledrummle et plusieurs autres, voulaient y insérer un anathème contre ceux qui avaient eu la faiblesse de faire au gouvernement quelques concessions, et d’exercer leur ministère avec les restrictions qu’il avait cru devoir y apporter. Poundtext et ses adhérens soutenaient avec opiniâtreté la légitimité de leurs opinions ; et, comme la vigueur des poumons était égale de chaque côté, qu’ils citaient avec une égale promptitude les textes à l’appui de leurs doctrines, c’était le bruit qu’ils faisaient et les clameurs de leurs adhérens qui avaient frappé les oreilles de Morton à son approche de la chaumière.

Burley, scandalisé de cette scène, employa tout le crédit dont il jouissait pour obtenir du silence ; il leur remontra fortement les inconvéniens qui résulteraient de leur désunion, dans un moment où il s’agissait de rallier tous les efforts contre l’ennemi commun, et il obtint enfin que toute discussion cesserait sur le point contesté. Mais quoique Kettledrummle et Poundtext se trouvassent ainsi réduits au silence, ils jetaient l’un sur l’autre des regards de colère, comme deux chiens qui, séparés au milieu de leur combat, se retirent chacun sous la chaise de son maître, surveillent tous leurs mouvemens respectifs, et font voir, par leurs yeux étincelans, leurs murmures grondeurs, leurs poils hérissés, qu’ils n’attendent que l’occasion de se livrer à leur rancune, et de s’élancer de nouveau l’un contre l’autre.

Burley profita du moment de silence qu’il avait obtenu pour présenter au conseil M. Henry Morton de Milnwood. Il en parla comme d’un homme profondément touché des malheurs du temps, et prêt à sacrifier ses biens et sa vie pour une cause à laquelle son père, le colonel Silas Morton, avait rendu des services signalés. Henry fut accueilli avec distinction par son ancien pasteur Pierre Poundtext, qui lui serra la main avec amitié, et par tous ceux qui professaient quelques principes de modération. Les autres murmurèrent les mots d’érastianisme, et quelques uns rappelèrent tout bas que Silas Morton avait fini par apostasier et reconnaître l’autorité du tyran Charles Stuart, ouvrant ainsi la porte à l’oppression sous laquelle gémissait l’église presbytérienne de l’Écosse. Cependant comme l’intérêt général exigeait, de leur aveu, qu’on ne refusât les services d’aucun de ceux qui voulaient mettre la main à l’œuvre, Morton fut reconnu pour un des chefs de l’armée, sinon avec l’approbation universelle, au moins sans que personne dît un seul mot pour s’y opposer.

Burley alors engagea les chefs à diviser en compagnies tous les hommes qui composaient l’armée, et dont le nombre croissait à chaque instant. Dans cette répartition, les insurgés de la paroisse et de la congrégation de Poundtext se rangèrent naturellement sous le commandement d’Henry Morton, qui était né au milieu d’eux.

Cette affaire terminée, il devint nécessaire de déterminer la marche des opérations militaires. Le cœur de Morton battit vivement quand il entendit proposer de s’emparer d’abord du château de Tillietudlem, comme d’une position des plus importantes. Poundtext insistait plus que tout autre sur la nécessité de cette mesure, et les habitans des environs appuyaient son avis, parce que ce château pouvait offrir une retraite aux troupes royalistes qui brûleraient leurs maisons et persécuteraient leurs familles lorsque l’armée ne s’y trouverait plus pour les défendre.

– J’opine, dit Poundtext (car les théologiens de cette époque n’hésitaient pas à donner leur opinion sur les opérations militaires, malgré leur ignorance profonde sur cet objet), j’opine pour qu’on s’empare de la forteresse de cette femme nommée lady Margaret Bellenden ; sa race rebelle et sanguinaire a toujours fait peser sa main sur les enfans du Covenant ; leur crampon a déchiré nos visages, et leur bride a contenu nos mâchoires.

– La place est forte, dit Burley ; mais quels sont ses moyens de défense ? Deux femmes peuvent-elles essayer de nous résister ?

– Il s’y trouve aussi, dit Poundtext, John Gudyil, sommelier de la vieille dame, qui se vante d’avoir été soldat dès son enfance, et d’avoir porté les armes sous James Grahamme de Montrose, ce fils de Bélial.

– Allons donc ! dit Burley d’un air de mépris, un sommelier !

– Il s’y trouve encore, continua Poundtext, ce vieux royaliste, Miles Bellenden de Charnwood, dont les mains ont souvent été trempées dans le sang des saints.

– Si ce Miles Bellenden, dit Burley, est le frère de sir Arthur, c’est un homme qui ne remettra pas son épée dans le fourreau quand il l’en aura tirée ; mais il doit être fort âgé.

– Le bruit courait dans le pays tout à l’heure, dit un autre qui ne faisait que d’arriver, que depuis la nouvelle de la déroute du régiment, on a fait entrer dans le château des vivres et des soldats, et qu’on en a fermé la porte : cette famille fut toujours une famille fière et opiniâtre dans le mal.

– Jamais ce ne sera de mon consentement, dit Burley, que nous perdrons notre temps à faire le siège d’un château. Il faut marcher en avant, et profiter de notre avantage pour nous emparer de Glascow. Je ne crois pas que les débris du régiment que nous avons battu aujourd’hui, ni même celui de lord Ross, s’avisent de nous y attendre.

– Du moins, reprit Poundtext, nous pouvons déployer notre bannière devant Tillietudlem, et faire une sommation au château. Quoique ce soit une race de rebelles, peut-être se rendront-ils. Nous donnerons un sauf-conduit pour Édimbourg à lady Marguerite Bellenden, à sa petite-fille, à Jenny Dennison, vierge assez attrayante, et aux autres femmes ; mais nous mettrons aux fers John Gudyil, Hugues Harrison et Miles Bellenden, comme ils ont fait eux-mêmes aux saints martyrs dans le temps passé.

– Qui parle de paix et de sauf-conduits ? s’écria une voix aigre et glapissante sortant du milieu de la foule.

– Silence, frère Habacuc, silence ! dit Macbriar d’un ton de mansuétude.

– Je ne me tairai pas, continua la même voix. Est-ce le temps du parler de paix et de sauf-conduits quand les entrailles de la terre sont ébranlées ? quand les rivières deviennent des fleuves de sang ? quand le glaive à deux tranchans est sorti du fourreau, altéré de carnage, et prêt à dévorer la chair comme le feu dévore le chaume ?

En parlant ainsi, le nouvel orateur parvint à s’avancer dans l’intérieur du cercle, et montra aux yeux étonnés de Morton une figure analogue à la voix et aux discours qu’il venait d’entendre. Cet homme avait un habit en haillons qui avait jadis été noir, et par-dessus il portait les lambeaux du plaid d’un berger. Ce vêtement était à coup sûr insuffisant pour le préserver du froid, et à peine suffisait-il au besoin de la décence. Une longue barbe, blanche comme la neige, flottait sur sa poitrine, et ses cheveux de même couleur, auxquels le peigne était inconnu, tombaient de tous côtes en désordre. Son visage, maigri par la famine, offrait à peine les traits d’un homme. Son regard était farouche, et ses yeux perçans et égarés annonçaient une imagination déréglée. Il tenait en main un sabre rouillé, teint de sang, et ses ongles ressemblaient aux serres d’un aigle.

– Au nom du ciel, quel est cet homme ? dit tout bas, à Poundtext, Morton, choqué de la vue d’un être qui semblait un prêtre cannibale ou un druide venant de sacrifier des victimes humaines.

– C’est Habacuc Mucklewrath, répondit Poundtext sur le même ton. Il a beaucoup souffert dans les dernières guerres ; il a été long-temps en prison, son esprit était égaré quand il en est sorti, et je crains véritablement qu’il ne soit possédé du démon. Cependant nos frères exagérés se figurent que l’Esprit l’inspire ; et que ses paroles fructifient en eux.

La voix de Poundtext fut couverte par celle de Mucklewrath, qui répéta d’un ton à faire trembler les soliveaux de la chaumière : – Qui parle ici de paix et de sauf-conduits ? qui ose parler de merci pour la maison sanguinaire des méchans ? N’est-il pas écrit : – « Vous écraserez contre la pierre la tête de leurs enfans ? Précipitez du haut de leur tour la mère et la fille ; que les chiens s’engraissent de leur sang, comme de celui de Jézabel, l’épouse d’Achab, et que leurs cadavres pourrissent dans le champ de leurs pères ! »

– C’est bien parler, s’écrièrent plusieurs voix farouches derrière lui ; nous ne rendrons pas grand service à la bonne cause, si nous épargnons déjà les ennemis du ciel.

– C’est une abomination, une impiété révoltante, s’écria Morton, ne pouvant plus contenir son indignation. – Croyez-vous mériter la protection du ciel en écoutant les propos horribles de la folie et de l’atrocité ?

– Paix, jeune homme, paix ! dit Kettledrummle, tu censures ce que tu ne connais pas. Est-ce à toi de juger du vase dans lequel le ciel verse ses inspirations ?

– Nous jugeons de l’arbre par ses fruits, dit Poundtext, et nous ne croyons pas qu’une contravention aux lois divines puisse être une inspiration céleste.

– Vous oubliez, frère Poundtext, dit Macbriar, que nous sommes arrivés aux derniers jours où les signes et les miracles seront multipliés. Poundtext s’apprêtait à répondre ; mais la voix criarde d’Habacuc se fit encore entendre.

– Qui parle de signes et de miracles ? ne suis-je pas Habacuc Mucklewrath, dont le nom est changé en celui de Magor-Misabid, parce que je suis devenu un épouvantail pour moi-même et pour tous ceux qui me regardent. – Je l’ai entendu ! – Où l’ai-je entendu ? N’est-ce pas dans la tour de Bass, qui domine la vaste mer ?

– Je l’ai entendu au milieu des mugissemens du vent, du murmure des vagues et des cris des oiseaux qui nageaient, volaient et retombaient dans le sein des ondes.

– Je l’ai vu ! – Où l’ai-je vu ? N’est-ce pas sur les hauteurs de Dumbarton, d’où l’œil se repose sur des plaines fertiles à l’ouest, et au nord sur les sauvages montagnes d’Écosse : je l’ai vu au milieu des nuages de la tempête et des éclairs du ciel qui étincelaient en longues flammes, comme les bannières flottantes d’une armée. – Qu’ai-je vu ? des cadavres, des chevaux blessés, le tumulte de la bataille et des vêtemens ensanglantés. – Qu’ai-je entendu ? une voix qui criait : Frappez, tuez, soyez sans pitié, immolez jeunes gens et vieillards, la vierge, l’enfant et la mère en cheveux blancs ; portez la destruction dans la maison et remplissez la cour de cadavres.

– C’est l’ordre d’en-haut ! s’écrièrent plusieurs voix, Il y a six jours qu’il n’a ni mangé ni parlé. Nous obéirons à l’inspiration.

Étonné, dégoûté, saisi d’horreur de ce qu’il venait de voir et d’entendre, Morton se retira du cercle, et sortit de la chaumière. Burley, qui ne le perdait pas de vue, le suivit aussitôt, et, le prenant par le bras :

– Où allez-vous ? lui dit-il.

– Je l’ignore. Peu m’importe. Mais je ne puis rester ici plus long-temps.

– Es-tu sitôt fatigué, jeune homme ? à peine as-tu la main à la charrue, et tu veux déjà l’abandonner ! Est-ce là ton dévouement à la cause qu’avait embrassée ton père ?

– La cause la plus juste, dit Morton avec feu, ne peut réussir sous de pareils auspices. Un parti veut obéir aux rêves d’un fou altéré de sang ; un de vos chefs est un pédant scolastique ; un autre…

Il s’arrêta, et Burley acheva la phrase.

– Un autre, veux-tu dire, est un assassin, un Balfour de Burley. Mais tu ne réfléchis pas, jeune homme, que, dans ces jours de vengeance, ce ne sont pas des hommes égoïstes et de sang-froid qui se lèvent pour exécuter les jugemens du ciel, et accomplir la délivrance du peuple. Si tu avais vu les armées d’Angleterre pendant son parlement de 1642, lorsque leurs rangs étaient remplis de sectaires et d’enthousiastes plus farouches que les anabaptistes de Munster, tu aurais eu bien d’autres sujets d’étonnement. Et cependant ces hommes étaient invincibles, et leurs mains firent des miracles pour la liberté de leur pays.

– Mais leurs conseils étaient tenus avec sagesse ; et, malgré la violence de leur zèle et l’extravagance de leurs opinions, ils exécutaient les ordres de leurs chefs et ne se portaient pas à des actes de cruauté inutiles. Je l’ai entendu dire vingt fois à mon père. Vos conseils, au contraire, semblent un véritable chaos.

– Patience, Henry Morton, tu ne dois pas abandonner la cause de la religion et de la patrie pour un discours extravagant ou pour une action qui te semble blâmable. Écoute-moi. J’ai déjà fait sentir aux plus sages de nos amis que notre conseil est trop nombreux. On paraît d’accord de le réduire à six des principaux chefs. Tu en seras un ; tu y auras ta voix ; tu pourras y favoriser le parti de la modération, quand tu le jugeras convenable. Es-tu satisfait ?

– Sans doute je serai charmé de contribuer à adoucir les horreurs de la guerre civile, et je n’abandonnerai le poste que j’ai accepté que lorsque je verrai adopter des mesures contre lesquelles ma conscience se révoltera. Jamais je ne pourrai, de sang-froid, massacrer un ennemi qui demande quartier après la bataille : jamais je ne consentirai à une exécution sans jugement. Vous pouvez compter que je m’y opposerai constamment et de tout mon pouvoir.

Balfour fit un geste d’impatience.

– Tu verras, dit-il, que la génération opiniâtre et au cœur dur à laquelle nous avons affaire doit être châtiée avec des scorpions, jusqu’à ce qu’elle soit humiliée et quelle reçoive la punition de son iniquité. Voici ce qui a été dit contre elle : – « Je susciterai contre vous un glaive vengeur de mon Covenant. » – Mais nous consulterons en tout la prudence et la sagesse, comme le fit James Melvyn, qui frappa le tyran et l’oppresseur, le cardinal Beaton.

– Je vous avoue, dit Morton, qu’une cruauté préméditée me cause plus d’horreur que celle qui est l’effet de la chaleur du fanatisme et de la vengeance.

– Tu es encore jeune, dit Burley ; tu ne sais pas que quelques gouttes de sang ne sont rien quand il s’agit d’éteindre un incendie. Mais ne t’effraie pas, tu auras voix au conseil dans tous les cas, et il est possible que nous soyons souvent du même avis, ou à peu près.

Morton n’était qu’à demi satisfait ; mais il ne jugea pas à propos de pousser l’entretien plus loin. Burley le quitta en lui conseillant de prendre quelque repos, attendu que l’armée se mettrait probablement en marche le lendemain de grand matin.

– N’allez-vous pas en faire autant ? lui dit Henry.

– Non, dit Burley ; mes yeux ne peuvent pas encore se fermer. Il faut que le choix du nouveau conseil soit fait cette nuit, et demain je vous appellerai pour prendre part à ses délibérations.

Lorsque Burley fut parti, Morton, en examinant l’endroit où il se trouvait, crut ne pouvoir en rencontrer un plus convenable pour y passer la nuit. La terre était garnie de mousse, et une pointe de rocher le mettait à l’abri du vent. Il s’enveloppa dans le manteau de dragon qu’il avait conservé, et avant qu’il eut le temps de réfléchir sur l’état fâcheux de son pays, et sur la situation critique où il se trouvait lui-même, un sommeil profond vint le délasser des fatigues de corps et d’esprit qu’il avait essuyées pendant cette journée.

L’armée dormit sur le champ de bataille. Les principaux chefs eurent une longue conférence avec Burley sur l’état de leurs affaires, et l’on plaça autour du camp des sentinelles qui se tinrent éveillées en chantant des cantiques, ou en écoutant les exhortations de ceux qui avaient reçu le don de prêcher.

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