CHAPITRE V INSTITUTIONS POLITIQUES

Tout ce que l’on peut essayer de faire ici, c’est d’esquisser à grands traits les institutions politiques diverses qui marquèrent les grandes époques de la race. – Tout en reconnaissant que chaque sous-race, de même que chaque race racine, est destinée à atteindre, sous certains rapports, un niveau plus élevé que la race qui l’a précédée, il faut observer que la nature cyclique qui préside à tout développement conduit chaque race, de même que chaque homme, à travers les phases diverses de l’enfance, de la jeunesse et de l’âge mûr pour la ramener à l’enfance de la vieillesse. On entend nécessairement par évolution le progrès final ; cependant le retour en arrière de la spirale ascendante semble présenter la marche de l’histoire politique et religieuse des peuples, non seulement comme orientée vers le développement et le progrès, mais aussi vers le retour en arrière et la décadence.

C’est pourquoi, en constatant que la première sous-race se développa sous les auspices du gouvernement le plus parfait que l’on puisse concevoir, on doit comprendre que cela lui fut donné à cause des besoins de son enfance, et que ce ne fut pas là le résultat des expériences de l’âge mûr. Car les Rmoahals étaient incapables de développer aucun plan de gouvernement stable ; ils n’atteignirent jamais non plus un point de développement aussi élevé que la sixième et la septième sous-race des Lémuriens. Mais le Manou qui avait effectué la sélection, et qui s’était incarné dans la race, la dirigeait comme un roi ; et, lorsqu’il ne prenait plus une part visible dans le gouvernement de la race, des Adeptes ou Instructeurs divins étaient envoyés vers la communauté naissante, lorsque cela était nécessaire.

Ainsi que les étudiants en théosophie le savent, notre humanité n’avait pas alors atteint le degré de développement auquel correspond l’apparition des Adeptes complètement initiés. Aussi les instructeurs mentionnés plus haut, y compris le Manou lui-même, étaient-ils nécessairement le produit de l’évolution d’autres systèmes planétaires. – Les Tlavatlis manifestèrent quelques signes de progrès dans l’art de gouverner.

Leurs différentes tribus ou nations furent généralement gouvernées par des chefs ou des rois qui étaient élus par la voix du peuple. De cette manière naturellement, les individus les plus puissants et les plus grands guerriers furent élus. Un empire considérable fut établi éventuellement parmi eux ; un roi en devint le chef nominal, mais sa souveraineté était plutôt une autorité titulaire qu’une autorité effective.

Ce fut la race toltèque qui développa la plus haute civilisation et qui organisa le plus puissant de tous les empires parmi les peuples de l’Atlantide ; c’est alors que fut établi pour la première fois le principe de la succession héréditaire.

Cette race était tout d’abord divisée en un grand nombre de petits royaumes indépendants, constamment en guerre les uns contre les autres et s’unissant seulement dans leurs luttes contre les Lémurio-Rmoahals du Sud. Ceux-ci furent graduellement conquis et plusieurs de leurs tribus furent réduites en esclavage. Cependant, il y a un million d’années environ, ces royaumes séparés se réunirent en une seule grande fédération à la tête de laquelle se trouvait un empereur. Cela ne fut amené sans doute qu’à la suite de longues guerres ; mais il s’ensuivit une ère de paix et de prospérité pour la race.

Il faut rappeler qu’à cette époque la plupart des hommes possédaient encore des facultés psychiques, et que les plus avancés d’entre eux avaient été soumis à l’entraînement et à l’enseignement des écoles occultes ; ils avaient atteint des degrés divers d’initiation ; quelques-uns même étaient parvenus à l’Adeptat. C’est ainsi que le second empereur était un Adepte, et que pendant plusieurs milliers d’années la dynastie divine dirigea non seulement tous les royaumes de l’Atlantide, mais encore ceux des îles situées à l’ouest, de même que ceux qui s’étaient formés dans la partie méridionale du pays voisin situé vers l’Orient. Lorsque cela était reconnu nécessaire, la dynastie se recrutait dans la loge des Initiés, mais généralement le pouvoir se transmettait de père en fils ; car tous étaient plus ou moins qualifiés pour le recevoir ; le fils recevait quelquefois même un degré supérieur des mains de son père.

Pendant toute cette époque, les instructeurs initiés entretenaient des relations avec la Hiérarchie occulte qui gouverne le monde, se soumettaient à ses lois et agissaient conformément à ses plans. Ce temps fut l’âge d’or de la race toltèque. Le gouvernement était juste et bienfaisant ; les arts et les sciences étaient cultivés ; – et ceux qui travaillaient dans ces voies, guidés comme ils l’étaient par la connaissance occulte, atteignirent, à la vérité, des résultats prodigieux. La croyance religieuse et les rites étaient relativement purs ; en somme la civilisation de l’Atlantide avait atteint en ce temps-là son point culminant.

Après environ cent mille ans de cet âge d’or, la dégénérescence et la décadence de la race se manifestèrent. Plusieurs des rois tributaires et une grande partie des prêtres et du peuple cessèrent d’employer leurs facultés et leurs pouvoirs selon les lois instituées par leurs divins Instructeurs, dont ils négligèrent les conseils et les enseignements. Leurs relations avec la Hiérarchie occulte furent brisées. Les intérêts personnels, la soif des richesses et de l’autorité, l’humiliation et la ruine de leurs ennemis devinrent de plus en plus le but vers lequel furent dirigés leurs pouvoirs occultes ; ceux-ci, détournés de leur adaptation légitime, et pratiqués dans des vues égoïstes et malveillantes, devinrent inévitablement ce que nous appelons la sorcellerie.

Considérons un instant la signification réelle de ce mot de sorcellerie qui, durant des siècles de superstition et d’ignorance, a été accueilli, d’une part, avec crédulité, de l’autre, avec dédain ; voyons aussi de quels terribles effets la pratique de la sorcellerie est suivie.

Grâce en partie à leurs facultés psychiques qui n’étaient pas encore étouffées par le matérialisme vers lequel la race s’achemina plus tard, et en partie à l’acquisition de notions scientifiques dont le développement marqua l’apogée de la civilisation atlantéenne, les membres les plus intelligents et les plus énergiques de la race obtinrent graduellement la connaissance des lois de la nature et ils acquirent un contrôle de plus en plus parfait sur ses forces cachées.

La profanation de cette connaissance et son emploi dans un but égoïste constituent ce qu’on appelle la sorcellerie. Les effets terribles d’une pareille profanation se montrèrent dans les catastrophes épouvantables qui atteignirent cette race. Car, dès que les pratiques de la magie noire eurent pris naissance, elles s’étendirent tout alentour. La direction spirituelle supérieure ayant ainsi été retirée, le principe kamique, qui, étant le quatrième, atteignit naturellement son zénith pendant la durée de la quatrième race, s’affirma de plus en plus dans l’humanité. La luxure, la brutalité, la férocité allaient en augmentant et la nature animale de l’homme se manifestait de la manière la plus dégradante. Depuis les temps les plus reculés, une question de morale divisait la race atlantéenne en deux camps hostiles ; ce qui avait commencé à l’époque rmoahal s’accentuait de plus en plus dans l’ère toltèque. La bataille d’Armageddon fut livrée plusieurs fois à chaque époque de l’histoire.

Ne voulant plus se soumettre au sage gouvernement des empereurs initiés, les partisans de la « magie noire » se révoltèrent et élevèrent au pouvoir un empereur rival ; celui-ci, après de grandes luttes et de grandes batailles, chassa l’empereur blanc hors de sa capitale appelée « la ville aux Portes d’Or » et le remplaça sur le trône.

L’empereur blanc chassé vers le nord s’installa de nouveau dans une ville fondée par les Tlavatlis ; cette ville, située dans la partie méridionale du district montagneux, était alors le siège d’une des royautés tributaires toltèques.

Le roi accueillit joyeusement l’empereur blanc et mit la ville à sa disposition.

Plusieurs autres rois tributaires lui demeurèrent également fidèles ; mais la plupart firent acte de soumission au nouvel empereur qui régnait dans l’ancienne capitale. Ceux-ci, cependant, ne demeurèrent pas longtemps fidèles.

Ils manifestèrent constamment des velléités d’indépendance ; des batailles continuelles étaient livrées dans différentes parties de l’empire, et pour augmenter les pouvoirs de destruction que possédaient les armées, on eut largement recours à la pratique de la sorcellerie.

Ces événements se passèrent cinquante mille ans environ avant la première grande catastrophe.

À partir de cette époque, les choses allèrent toujours plus mal. Les sorciers usaient de leur pouvoir avec témérité et le nombre des personnes capables d’acquérir et de pratiquer cette terrible magie noire allait toujours en augmentant.

C’est alors que survint le terrible châtiment qui fit périr des millions et des millions d’hommes. La grande « Cité aux Portes d’Or » était devenue à cette époque un repaire d’iniquités. Elle fut balayée par les vagues, ses habitants furent engloutis, tandis que l’empereur noir et sa dynastie furent renversés pour ne plus jamais se relever.

L’empereur du nord de même que les prêtres initiés dans tout le continent avaient été prévenus du désastre qui menaçait le pays ; on verra dans les pages suivantes l’exposé des nombreuses émigrations qui précédèrent cette catastrophe ainsi que celles qui survinrent plus tard ; ces émigrations étaient conduites par les prêtres.

Le continent fut donc affreusement dévasté. Mais la totalité du territoire submergé ne représenta pas tout le dommage occasionné, car des marées périodiques balayèrent de grands espaces, laissant après elles de vastes marécages désolés. Des contrées entières devinrent stériles et demeurèrent incultes et désertes pendant plusieurs générations.

La population qui survécut reçut encore de sévères avertissements. On les respecta et pendant quelque temps la sorcellerie fut beaucoup moins pratiquée. Une période assez longue s’écoula avant qu’un gouvernement puissant soit établi. Une dynastie sémite de sorciers s’empara un instant du trône dans la « Cité aux Portes d’Or ».

Aucune puissance toltèque ne dirigea les peuples à l’époque indiquée par la seconde carte. Il y avait encore de nombreuses populations toltèques, mais la race pure avait disparu du continent primitif.

Cependant, sur l’île de Routa, à l’époque qui correspond à la troisième carte, une dynastie toltèque s’éleva au pouvoir et gouverna – à l’aide de ses rois tributaires – une grande partie de l’île. Cette dynastie s’adonnait à la magie noire, qui se développa de plus en plus pendant les quatre périodes, jusqu’à ce que, enfin, elle amenât une catastrophe inévitable, qui, dans une grande mesure, purifia le monde de ce mal monstrueux. Il importe de bien comprendre que, jusqu’à la fin, jusqu’à la disparition de Poséïdonis, un empereur ou roi initié – ou tout au moins l’un de ceux qui suivaient la « bonne loi » – garda le pouvoir dans quelque partie du continent, agissant sous la direction de la Hiérarchie occulte, réprimant, lorsque cela était possible, l’action des mauvais sorciers et guidant et instruisant la petite minorité disposée encore à mener une vie pure et salutaire. Plus tard, cet empereur « blanc » fut généralement élu par les prêtres, c’est-à-dire par la poignée d’hommes qui suivaient la « bonne loi ».

Il ne reste que peu à dire sur les Toltèques. Dans l’île de Poséïdonis, la population était plus ou moins mélangée. Deux royaumes et une petite république située à l’ouest se partageaient l’île. La partie septentrionale était gouvernée par un roi initié, tandis que dans le sud le principe héréditaire avait fait place à l’élection par le peuple. Les races dynastiques disparaissaient, mais des rois d’origine toltèque s’emparaient parfois du pouvoir dans le nord, aussi bien qu’au midi ; le royaume du nord étant constamment amoindri au bénéfice de son rival du sud, et son territoire insensiblement annexé.

Après avoir traité assez longuement de l’état des choses sous la race toltèque, nous ne nous arrêterons pas longtemps aux principales caractéristiques politiques des quatre sous-races qui suivirent ; car aucune d’elles n’atteignit le degré de civilisation auquel parvinrent les Toltèques : la dégénérescence de la race commençait en effet à apparaître. Il semble que les tendances de la race touranienne l’aient portée à développer une sorte de système féodal. Chaque chef exerçait le pouvoir suprême sur son propre territoire et le roi n’était que le primus inter pares. Les chefs qui formaient le conseil massacrèrent parfois leur roi pour mettre à sa place un des leurs. C’était une race turbulente et indisciplinée, en même temps que brutale et cruelle ; le fait que des régiments de femmes prirent part à la guerre à certaines périodes de leur histoire caractérise leur état de barbarie.

Mais l’expérience la plus intéressante faite par cette race au point de vue social, expérience qui, en dépit de son origine politique, trouverait plus naturellement sa place sous la rubrique « mœurs et coutumes », est le fait le plus curieux qui se rencontre dans leurs annales. Étant toujours battus dans leurs guerres avec les Toltèques, leurs voisins, qui les surpassaient en nombre, et désireux, avant tout, de voir augmenter leur population, les Touraniens édictèrent une loi, d’après laquelle tout homme était délivré de l’obligation d’entretenir sa famille. L’État prenait les enfants à sa charge et ceux-ci étaient regardés comme lui appartenant. Cette loi eut pour résultat d’augmenter le nombre des naissances parmi les Touraniens et l’on commença à s’écarter du mariage ; puis les liens de famille disparurent naturellement, de même que l’affection des parents. Enfin, ayant reconnu que ce système était une erreur, on l’abandonna. D’autres recherches vers des solutions sociales aux problèmes économiques qui nous préoccupent encore aujourd’hui furent tentées et abandonnées par cette race. Les Sémites primitifs, race querelleuse, maraudeuse et énergique, tendirent toujours vers une forme de gouvernement patriarcale. Leurs colons, qui généralement gardaient un genre de vie nomade, formèrent un empire considérable et possédèrent la grande « ville aux Portes d’Or », vers l’époque indiquée par la seconde carte. Cependant, ainsi que nous l’avons vu, ils durent à la fin reculer devant le pouvoir croissant des Akkadiens.

À l’époque qui correspond à la troisième carte, il y a environ cent mille ans, les Akkadiens renversèrent définitivement le pouvoir des Sémites. Cette sixième sous-race fut beaucoup plus policée que celles qui l’avaient précédée. Commerçants et marins, ces peuples formèrent des communautés stables et adoptèrent naturellement une forme de gouvernement oligarchique.

Un trait particulier, dont Sparte offre seul un exemple dans les temps modernes, est le système de gouvernement qu’ils adoptèrent parfois où deux rois régnaient dans une seule ville. L’observation des étoiles – provenant sans doute de leur goût pour les expéditions maritimes – devint leur occupation favorite. Aussi cette race fit-elle de grands progrès en astronomie et en astrologie.

Le peuple mongol fut supérieur à ses prédécesseurs immédiats, les Touraniens brutaux. Nés dans les vastes steppes de la Sibérie orientale, ils n’eurent jamais aucune relation avec le continent primitif ; sous l’influence du milieu, ils devinrent nomades. Plus développés, sous le rapport psychique et religieux, que les Touraniens dont ils descendaient, la forme de gouvernement à laquelle ils aspirèrent exigeait comme base un chef suprême, qui soit tout à la fois le maître du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel.

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