8 L’invasion du continent

Il fallut d’abord faire comprendre aux militaires que la mobilisation générale n’était pas l’occupation de la ligne Maginot. Cela prit un certain temps, mais enfin, sous l’impulsion de Magne, devenu adjoint technique auprès du Conseil supérieur de la guerre, la région comprise entre les Pyrénées et la Garonne fut spécialement organisée en profondeur.

Parallèlement, les fabrications de guerre furent adaptées aux nouvelles nécessités de la lutte, et un plan de conversion de la mobilisation industrielle fut rapidement conçu. Les marchands de canons se mirent à construire des pulvérisateurs ; les fabricants de masques à gaz furent chargés de la confection de scaphandres antimouches ; les tréfileries spécialistes du fil de fer barbelé produisirent sur un rythme de guerre les quantités de toile métallique nécessaires pour obturer toutes les ouvertures des villes et villages de France. Tout le pétrole fut réquisitionné, une carte d’essence instituée. Les laboratoires d’entomologie furent nationalisés comme de vulgaires usines. Une École supérieure de guerre contre les mouches s’installa au Champ-de-Mars. Enfin, l’infanterie fut équipée de lance-flammes, et les obus des artilleurs furent chargés de substances fumigènes toxiques.

Pendant ce temps, la péninsule Ibérique était aux prises avec l’invasion. La malheureuse Espagne, qui sortait à peine de la guerre civile, n’offrait qu’un tas de détritus et de décombres sur lesquels les mouches se jetèrent avec ardeur, trouvant au reste dans la vieille carcasse méditerranéenne un terrain particulièrement favorable.

L’odeur de la fleur d’oranger, agrémentée de certains relents de Portugal, n’était pas non plus pour leur déplaire. Sans compter que, les inimitiés soulevées entre humains par la guerre intestine n’étant pas encore complètement apaisées, chaque fois qu’un nationaliste mourait sous l’aiguillon de l’envahisseur, la moitié de l’Espagne disait : « Nous sommes débarrassés d’un fasciste », tandis que s’il disparaissait un communiste, l’autre moitié s’écriait : « Encore un moscoutaire de moins. » Tant et si bien que, chaque cadavre fournissant l’occasion de se féliciter plutôt que de s’indigner, il ne resta bientôt plus un seul Espagnol debout, et, un mois après avoir touché Gibraltar, les essaims victorieux battaient les contreforts de la chaîne pyrénéenne.

En France, des âmes généreuses n’avaient pas été sans demander qu’on secourût la sœur latine, et le cri : « Des lance-flammes pour l’Espagne ! » avait souvent retenti. Mais les exigences de la Défense nationale ne permettaient pas de se démunir d’un matériel qui n’allait pas tarder à être indispensable. Les Pyrénées n’étaient qu’une faible barrière contre un ennemi qui devait à ses ailes de compter autant d’avions que de soldats. Bientôt, en effet, les premières infiltrations se produisirent à l’Ouest.

Franchissant la Bidassoa, les essaims s’abattirent sur Hendaye. Trois charges de chasseurs alpins armés de lampes à souder, à pression renforcée, qui projetaient la flamme à trois mètres, grillèrent fort proprement les envahisseurs, ainsi, il faut bien le dire, que la peinture des portes et des volets de la coquette cité basque. Mais ce dommage était négligeable, et les moyens de défense employés au cours de cette première escarmouche parurent efficaces. Changeant alors de tactique, les mouches attendirent trois jours avant de descendre de nuit et par surprise sur Bayonne.

Les édifices publics avaient reçu la protection de grillages, mais bien des maisons particulières en étaient encore démunies. Plus de la moitié de la population n’avait pas de scaphandres. Le désordre fut bientôt indescriptible. Assaillis par les mouches, les malheureux au visage découvert n’avaient que la ressource de se jeter dans l’Adour, sur laquelle on vit flotter bientôt une multitude de petits bérets basques, comme ces poignées de confettis que charrie un ruisseau au lendemain de la mi-carême. À midi, la plupart des magasins étaient envahis, et il n’était plus un jambon de Bayonne qui ne fût couvert de larves.

Cerné dans la sous-préfecture, le général Lamon, commandant la Défense, téléphona en hâte à Pau pour obtenir des renforts. On envoya deux divisions de nettoyeurs armés de lance-flammes à grande puissance. Elles se mirent à l’œuvre dans la Grand-Rue et aboutirent rapidement à l’incendie de la cathédrale et du musée Bonnat, suivi de l’explosion de la poudrerie qui embrasa tout le quartier sud de la ville. Les militaires manquaient encore d’expérience dans le maniement des nouvelles armes, et s’ils tuaient des mouches, ils flanquaient aussi le feu partout. Ce fut un horrible désastre. L’ordre d’évacuation dut être donné le soir même. À l’aube suivante, six escadrilles de bombardement vinrent noyer la ville sous une pluie de bombes asphyxiantes au cyanogène. Cette fois, les mouches en crevèrent, mais aussi les deux mille habitants qu’on n’avait pu évacuer.

Il était clair qu’il fallait un certain temps avant que la population et la force armée se fissent aux conditions étranges de lutte qu’imposait le nouvel adversaire. Cependant, Port-Vendres était envahi, la grotte et la basilique de Lourdes se remplissaient d’essaims qui donnaient le choléra au dernier pèlerinage arrivé l’avant-veille, et deux cents habitants de Perpignan étaient trouvés morts dans leur lit, sans traces de blessures, si ce n’est la mince piqûre des aiguillons empoisonnés, utilisés maintenant par les mouches estafettes qui précédaient les armées.

Ordre fut immédiatement donné à chacun de dormir sous une moustiquaire, et les usines de Tulle furent réquisitionnées. Mais huit jours après l’apparition des premières mouches sur le sol de la République, on comptait déjà trois cent mille morts de tout âge et des deux sexes, soit plus que le total des pertes pour une année entière de la Grande Guerre. On commença à comprendre que les luttes de jadis entre hommes n’étaient que de petites bagarres à côté de ce qui se préparait. Le Béarn et le Roussillon faisaient peine à voir. Les lignes de défense étaient contraintes de se replier d’un côté sur l’Adour, de l’autre sur l’Aude.

Magne fixa la tactique à adopter contre l’adversaire. Des barrages de fumées asphyxiantes et de vapeurs de pétrole, à condition d’être constamment entretenus, permettaient de ralentir l’invasion au sol, avec moins de risques que les flammes qui détruisaient tout indistinctement. Mais ces mesures devaient être complétées par l’attaque en vol des essaims qui essayaient de franchir les barrages.

Aussi, dès qu’il était signalé un cumulus de mouches, les escadrilles étaient alertées et, pénétrant à pleins gaz dans la purée de mouches, comme on l’appelait, allumaient des comprimés fumigènes dégageant des vapeurs asphyxiantes. Les mouches tombaient alors par millions. Dans le sillage des avions qui tournaient, virevoltaient, descendaient en vrille, en tonneau, en feuille morte au milieu du nuage, on voyait se creuser de grands vides transformant peu à peu l’essaim de mouches en écumoire. Les aviateurs baptisèrent cette opération de l’expression imagée « passer la gomme à effacer ». Les mouches survivantes cherchaient-elles leur salut en atterrissant ? les avions ouvraient les pommes d’arrosoirs placées sous leurs ailes et inondaient de pétrole et d’ypérite les champs où les insectes s’étaient posés. Cette seconde opération était dite « du pipi d’oiseau ». Tout ce nouveau vocabulaire s’imposa en peu de temps aux armées, car les hommes ont besoin de noms pour savoir ce qu’ils doivent faire.

Comprenant leur vulnérabilité en vol, les mouches, pour progresser, attendirent alors la nuit. On dut répartir sur tout le front des sections de projecteurs qui s’allumaient chaque soir et fouillaient les cieux sans arrêt. Quand on surprenait dans les nuages le nuage plus noir des mouches, ponctué du million de points brillants que faisait luire la laine blanche de leurs petits tricots, l’aviation était alertée et se mettait en devoir de « passer la gomme ». Il advint que les mouches choisirent de voler au-dessus de la mer de nuages qui les dissimulait. Il fallut alors transformer l’artillerie anti-aérienne en sortes de canons para-grêle qui lançaient à trois ou quatre mille mètres au-dessus du plafond nuageux des fusées éclairantes. Les commandants de batterie désignaient ce genre de tir par l’expression « allumer l’infini ». C’était alors aux avions patrouilleurs qui volaient très haut de signaler les essaims que révélait au-dessus du plafond la lueur du magnésium. « Allumer l’infini pour passer la gomme à effacer ! » Étranges procédés de combat, étranges assauts d’ingéniosité entre espèces rivales !

Cette fois, les mouches avaient affaire à un adversaire sérieux. Elles avaient pour lutter les microbes et les venins, mais l’homme avait pour lui le feu et les gaz asphyxiants, le plus ancien et le plus récent produit de son activité inventive. Les armes semblaient égales.

Un matin, aux environs de Montauban, où six divisions montaient la garde coude à coude, il advint qu’un immense nuage de mouches, du genre dit ciel entièrement couvert, essaya de forcer les lignes en volant bas, à dix mètres au-dessus du sol, pour éviter d’être passé à la gomme par les avions de chasse. Aussitôt, l’allumage des rideaux fumigènes fut déclenché en profondeur, mais, à la stupéfaction générale, les mouches passèrent comme un seul homme à travers la première nappe asphyxiante, puis à travers la seconde. Le front était percé. Sur quelques individus isolés que l’on captura, on constata que les mouches portaient, de part et d’autre du thorax, à hauteur des orifices par lesquels elles respirent, de petites brassières de protection en substance filtrante : les mouches avaient inventé le masque à gaz !

Désormais, ce fut en vain que les avions essayèrent de semer la mort par asphyxie dans les bataillons ailés, en vain que les vapeurs les plus délétères de la chimie humaine emplirent les vallons de la douce France, les mouches se rirent des poisons. Il ne restait plus à l’homme que la vieille arme de Prométhée : le feu. L’Europe comprit le danger.

Un embryon de collaboration internationale s’esquissa. Un grand quartier général des armées européennes fut institué à Berne. Deux divisions cuirassées allemandes, équipées de scaphandres en tôle d’acier souple et mithridatisées contre les poisons végétaux, eurent l’autorisation de traverser la France et vinrent renforcer la défense de la vallée du Rhône. Une division anglaise débarquée à Bordeaux tendit dans la plaine, entre Arcachon et Agen, des bandes enduites de glu et de marmelade d’orange dans l’espoir que les mouches s’y colleraient les pattes. Cependant, douze superescadrilles soviétiques gagnaient à étapes forcées à travers l’Europe les camps d’aviation fébrilement aménagés dans la vallée de la Loire.

On ne se contenta pas de lutter sur le front. Les services entomologiques d’armée, au cours de reconnaissances aériennes profondes, relevèrent les endroits du territoire espagnol où les mouches élevaient leurs larves, et journellement des escadrilles affectées au « pipi d’oiseau » arrosèrent ces lieux d’arsenic. Les forêts des régions envahies furent également soumises à des bombardements par bombes incendiaires. Les forêts des Landes furent préventivement incendiées. La Marine eut aussi son rôle à jouer. Une véritable flotte internationale monta la garde dans le détroit de Gibraltar, et des escadres d’hydravions reçurent mission d’en empêcher le franchissement par de nouveaux essaims. Durant quelque temps, ces mesures furent efficaces, et la pression des mouches sur le front de France se fit moins insistante. Mais par certains jours de simoun ou de tempête, quand les conditions atmosphériques étaient telles qu’aucun avion ne pouvait prendre l’air, d’immenses nappes de mouches partaient du Maroc et se laissaient emporter par l’ouragan vers le territoire espagnol. Revanche de l’instinct sur l’intelligence : la mouche pouvait voler quand l’avion en était incapable. Et trois jours plus tard, au-delà de la ligne de front à peu près stabilisée sur la Garonne, les empoisonnements et les épidémies reprenaient de plus belle, œuvre de voltigeurs isolés qui, en dépit de l’allumage de l’infini, parvenaient à forcer de nuit la surveillance sur les lignes.

Les nouvelles des autres fronts, reçues au grand quartier général de Berne, étaient loin d’être satisfaisantes. La Sicile et le Péloponnèse étaient envahis. L’Italie luttait pied à pied dans le fond de sa botte, dont la forme étroite permettait heureusement la constitution de barrages de feux ininterrompus, et le pétrole de Roumanie défendait encore utilement les Balkans. Mais, hors des parapets de la vieille Europe, la situation était angoissante.

Les mouches de l’Indochine, enveloppées de tricots en poils de chameau, étaient passées au-dessus du 40e degré et avaient envahi la Chine dont elles n’avaient fait qu’une bouchée, trouvant sur la perpétuelle pourriture chinoise un lieu d’élection pour croître et multiplier dans des proportions plus fantastiques que jamais. Passant jusqu’en Mandchourie et même en Sibérie, elles prenaient le Japon au nord et au sud. L’URSS dut rappeler en hâte les avions envoyés en France pour se défendre sur le fleuve Amour. L’Amérique équipait précipitamment l’Alaska pour se préserver d’une invasion par le détroit de Behring. L’Afrique n’était pas mieux partagée, et de Dakar comme de Zanzibar parvenaient les premiers SOS de détresse.

Point n’était besoin de multiplier maintenant les avertissements, l’humanité y avait mis le temps, mais elle avait compris. Le Vieux Continent tout entier s’occupait fébrilement à clore de grillages ses portes et ses fenêtres. Pas un homme, et jusque dans les plus lointains villages, qui ne sortît sans sa lampe à souder, grillant férocement tout diptère rencontré, en sorte que, dans l’Europe entière, on n’eût, à la lettre, point entendu voler une mouche. Pas une maison qui n’eût ses scaphandres antimouches, pas un lit sans moustiquaire. Surprenante situation que celle où l’humanité, par mesure de précaution, devait se mettre en cage, pour abandonner l’espace au nouvel adversaire !

La lutte se poursuivait. Il semblait inconcevable que l’homme, qui avait résolu tant de problèmes, fût vaincu par les mouches. Le génie humain se creusait la cervelle : une heureuse invention fut celle de l’avion gobe-mouches. Le nouvel appareil était percé d’un large conduit qui se terminait à l’avant par un vaste entonnoir. Chargeant dans le nuage de mouches, l’appareil entonnait des millions d’insectes qui, refoulés dans le conduit par la pression de l’air, passaient, comme un gros boudin noir, dans un four cylindrique à résistances électriques qui les incinérait immédiatement. Les cendres n’avaient plus qu’à s’envoler à l’arrière par le tuyau d’échappement. Les escadrilles firent ainsi des hécatombes de diptères, jusqu’au jour où les mouches modifièrent leur formation de vol, s’éparpillant dans le ciel qui n’apparut plus que moucheté. Le rendement des gobe-mouches en baissa considérablement.

Le plus étrange, dans cette nouvelle guerre, était l’absence de grandes batailles, de roulements de tambour, de claquements de mitrailleuses, de salves de batteries. Les hommes menaient bien leur train ordinaire : coups de gueule, proclamations, patrie en danger, gloire et honneur, vrombissements d’avions, mais les mouches ne faisaient aucun bruit et, sans se laisser intimider par les manifestations humaines, grignotaient lentement l’adversaire. Qu’elles pussent se comprendre, le fait était patent, et leurs essaims obéissaient certainement à des chefs. Mais elles ne passaient pas de revues, ne multipliaient pas les signes extérieurs de respect, ne fourbissaient point toute la journée leurs ailes, ne se ciraient pas continuellement les pattes, comme faisaient les hommes dans leurs milices guerrières, elles avançaient seulement, complètement insouciantes du danger, se serrant parfois dans chaque essaim autour de la mouche porte-enseigne, qui tenait contre sa poitrine un petit gravier rond, du genre de ceux que Magne avait jadis présentés dans un congrès savant sans en connaître encore la destination, et qui, maintenant, marquaient l’avance de l’ennemi sut le territoire de la France.

Chaque jour, tant sur le front de combat qu’à l’arrière, on enregistrait une dizaine de milliers de décès : victimes qui avaient quitté un instant les masques, consommé quelque denrée contaminée, ou qu’une mouche avait surprises pendant le sommeil. On avait vacciné toute la population, mais des maladies infectieuses nouvelles, dues à quelques microbes importés par les mouches des régions tropicales, éclataient soudain et faisaient des hécatombes avant de pouvoir être combattues. La mouchomanie exerçait aussi ses ravages. Le malade adressait des discours aux mouches, les menaçait, les suppliait de l’épargner, leur faisait des déclarations d’amour, ou, deux genoux à terre, entonnait en leur honneur des hymnes d’adoration. Il fallut centupler le nombre des asiles. Que non seulement les mouches fussent devenues intelligentes, mais qu’elles aient encore réussi à priver quantité d’hommes de leur propre raison, n’était pas un des aspects les moins stupéfiants de cette lutte extraordinaire.

Dans toute la France, il n’était de famille qui ne fût frappée. Et la gloire ne venait plus même, comme jadis, adoucir la peine des survivants. Il était impossible de faire un mort au champ d’honneur d’un mort dans son lit piqué par une sale mouche. Point de blessés, point de glorieux mutilés. On ne savait à qui distribuer les croix de guerre. Le commerce des croix en fonte et celui du deuil en vingt-quatre heures étaient seuls florissants. Pour le reste, l’activité du pays déclinait rapidement avec le nombre de ses habitants. Si la production industrielle pouvait se poursuivre à l’abri des grillages protégeant les usines, le travail dans les champs devenait impossible. Le laboureur tombait raide avant le soir. Le geste auguste du semeur n’était plus qu’un antique souvenir. Les deux mamelles de la France, labourage et pâturage, pendaient flétries sous les piqûres. Le lait manquait, on ne se nourrissait que de conserves. Sur les routes, de lamentables cortèges de réfugiés, profitant des périodes de pluies pendant lesquelles cessait un peu l’activité des insectes, refluaient vers le nord. L’avenir était plus sombre qu’un nuage de mouches.

Déjà les insectes atteignaient la Loire et le ciel de la Touraine. De nouveaux lance-flammes projetant en éventail un jet enflammé à plus de soixante mètres permettaient cependant de griller des étendues considérables de diptères. La plus récente tactique consistait à combiner une attaque d’incendiaires avec un groupe d’avions gobe-mouches volant en rase-mottes et absorbant les essaims qui s’envolaient devant les flammes. Mais quelles que fussent les tonnes de mouches qu’on détruisait ainsi, les centres d’élevage de l’arrière venaient rapidement combler les vides dans les rangs des assaillantes. Vraiment elles étaient trop. Quand des mouches s’abattaient par surprise sur des kilomètres carrés, la troupe, équipée de scaphandres, essayait de tenir dans la purée noire. Mais on ne pouvait rester éternellement sous le masque, et les mouches se collaient aux lunettes, aux grillages, rendant l’homme aveugle et impropre au combat. Il fallait donner l’ordre de repli.

— Si vraiment les mouches sont intelligentes, n’y aurait-il pas moyen de s’entendre ? en venaient à dire certains.

Un bataillon d’incendiaires, à court de pétrole, s’avisa d’agiter un drapeau blanc sur le mamelon où il était cerné. En moins de rien, le drapeau couvert de chiures de mouches fut transformé en pavillon noir, éloquente et cruelle réplique, sans doute involontaire, mais qui n’en symbolisait pas moins le caractère implacable de la lutte.

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