XIV

Il est huit heures du soir, Wolfrang et Sylvia attendent, dans l’un des salons du rez-de-chaussée de leur hôtel, les locataires invités à la soirée. Le jeune homme disait à sa compagne :

— Le hasard nous a servis à souhait pour notre épreuve, ma Sylvia bien-aimée : ce que je sais déjà de quelques habitants de cette maison est d’un bon augure pour ta guérison ; elle sera complète. Je te l’ai promis, il y a un an, je tiendrai ma promesse ; mais il faut t’attendre à de grands étonnements. Tu rencontreras des apparences aussi séduisantes que les réalités qu’elles cachent sont horribles, et des réalités aussi adorables, aussi sublimée que leur apparence sera incolore ou repoussante. Il te faudra du courage, Sylvia, beaucoup de courage !

— J’en aurai, Wolfrang. Cette année passée, dans notre solitude bénie, tes paroles, ton exemple m’ont réconfortée ; tu ne me verras pas défaillir ; je poursuivrai l’épreuve jusqu’à la fin ; et si tes espérances te trompent, si le triomphe du mal et de l’iniquité en ce monde-ci m’est une fois de plus démontrée, je…

L’un des valets de chambre de service dans une pièce d’attente annonce en ce moment à haute voix :

— M. Dubousquet !

Wolfrang s’empresse d’aller au-devant de M. Dubousquet, de noir vêtu et cravaté de blanc. Il semble plus timide, plus humble, plus craintif que jamais. Il est aisé de s’apercevoir qu’il se rend à l’invitation du propriétaire, ainsi qu’il irait, comme l’on dit, au supplice. La sueur ruisselle de son front, et, dès le seuil de la porte, il salue gauchement les maîtres de la maison, puis il s’arrête, n’osant, dans son embarras croissant, faire un pas de plus. Wolfrang s’avance à sa rencontre, et, lui tendant la main :

— Je vous sais gré, monsieur, d’avoir accepté de si bonne grâce l’invitation que nous avons eu l’honneur de vous adresser.

— Monsieur, tout l’honneur est certainement de mon côté, – balbutie Dubousquet, rougissant de confusion et se permettant à peine d’effleurer la main que lui tend Wolfrang ; mais celui-ci, amenant son locataire près de la causeuse où est assise Sylvia :

— Ma chère amie, je vous présente M. Dubousquet.

— Madame, – dit M. Dubousquet, saluant jusqu’à terre, – complétement ahuri, – j’ai bien l’honneur de… de…

— Veuillez vous asseoir là, près de moi, monsieur Dubousquet, – dit gracieusement Sylvia, – et donnez-moi des nouvelles de cet intelligent petit animal, fidèle compagnon de votre solitude.

— Comment, madame, – balbutie M. Dubousquet, aussi surpris que touché de la bienveillance qu’une si belle dame lui témoigne ainsi qu’à son chien, – vous savez que…

— Nous savons même que ce barbet si intelligent s’appelle Bonhomme, – ajoute en souriant Wolfrang ; – mais, de grâce, prenez donc place à côté de madame.

— Monsieur, c’est, en vérité, pour vous obéir, – répond le pauvre homme s’asseyant, timide et tremblant, sur l’extrême rebord de la causeuse où se tient Sylvia, – madame et vous, monsieur, me comblez de bontés.

— S’il faut vous l’avouer, – reprend Sylvia, – ce que vous appelez nos bontés sont un peu intéressées…

— Madame, je…

— J’ai le plus grand désir de connaître Bonhomme, et il faudra que vous me l’ameniez.

— Madame, ah ! madame, – répond M. Dubousquet, si ému que, malgré lui, ses yeux deviennent légèrement humides, – il serait possible ! quoi… vous daigneriez…

— Que voulez-vous, monsieur Dubousquet ? – dit Wolfrang, debout derrière la causeuse et s’y accoudant ; – il est, selon moi… et madame est de cet avis… il est difficile de ne pas éprouver une sorte de sympathie pour une personne qui aime son chien, ce muet confident de nos joies ou de nos chagrins, qui semble, afin de les partager, épier un sourire sur nos lèvres ou une larme dans nos yeux.

— Oh ! monsieur, c’est bien vrai, ce que vous dites là ; c’est souvent pour le malheureux une grande consolation que d’avoir un chien, – répond M. Dubousquet, se sentant, malgré lui, de plus en plus à l’aise par le bon accueil et par l’affabilité de ses propriétaires, et surtout par leur manière d’apprécier les rapports de l’homme avec la race canine ; puis il ajoute avec une bonhomie touchante :

— Hé ! mon Dieu ! un chien, c’est un ami qu’on laisse toujours triste quand on le quitte, et que l’on retrouve toujours joyeux lorsqu’on le revoit.

— Je suis enchanté de vous entendre parler ainsi, monsieur, – reprend Sylvia, – car je me suis toujours révoltée contre les incrédules qui n’accordaient au chien que des instincts et lui refusaient le raisonnement, lui, qui fait preuve d’une sagesse, d’une prévoyance souvent si rares parmi nous ; lui… – ajoute en souriant la jeune femme, – lui qui avait découvert par exemple : la théorie des caisses d’épargnes et la mettait en pratique bien avant qu’elles fussent inventées par les hommes, ces présomptueux, ces ingrats qui s’attribuent l’honneur et le mérite de ces fondations !

— Quoi ! madame, vous inclineriez véritablement à croire que les chiens mettent… à… la caisse d’épargnes ?

— Sylvia est très-capable de vous prouver ce qu’elle avance là, mon cher monsieur Dubousquet.

— Sans doute, – reprend la jeune femme. Ainsi, rien de plus simple en apparence que de voir un chien auquel on donne un os, aller l’enfouir.

— Bonhomme, lorsque j’habitais un petit appartement au rez-de-chaussée, m’a cent fois rendu témoin de ce fait, – s’écrie M. Dubousquet, – de qui, et presque à son insu, l’embarras s’efface de plus en plus ; – sur deux os que je donnais à mon chien, il s’empressait toujours d’en aller enfouir un.

— Eh bien ! voici le raisonnement de M. Bonhomme ; remarquez, admirez cet enchaînement d’idées, et dites s’il ne témoigne pas, non-seulement d’une logique excellente, mais encore de l’un des dons les plus rares chez les hommes, l’esprit de prévoyance et d’épargne ! – reprend Sylvia ; – « Si j’étais un glouton ou un prodigue, sans souci du lendemain (pense M. Bonhomme), je pourrais ronger ces deux os ; mais qui sait si demain j’aurai pareille aubaine ? C’est douteux ! le plus sage est de songer à l’avenir. Donc je vais mettre l’un de ces deux os en réserve ; mais, où le placer ? Le laisser exposé aux regards, c’est risquer que quelques larrons me le dérobent ; il me faut alors déposer en un lieu sûr mon épargne, afin que nul ne la puisse découvrir. » Et, ce pensant, M. Bonhomme prend son os entre ses dents, s’en va d’un pas furtif, l’œil aux aguets, l’oreille aux écoutes, cherche… cherche… et cherche encore, avec examen, avec réflexion, en étudiant les localités, quelque coin où il puisse en sécurité enfouir sa provende du lendemain… En d’autres termes, je le répète, il met à la caisse d’épargnes…

— C’est évident, madame ! – s’écrie M. Dubousquet, ravi d’aise. – Ajoutez à cela, et je l’ai vu vingt fois, que, le trou recouvert, Bonhomme tassait la terre du bout de son museau, afin qu’il fût impossible de découvrir à quel endroit le sol avait été fraîchement remué.

— Et ce serait là un pur instinct ! – reprend Sylvia. – Non ! non ! c’est l’un des raisonnements les plus complets auxquels puisse s’élever l’entendement humain.

— Aussi les anciens se montraient-ils bien plus sagaces ou plus équitables que nous au sujet du chien, – ajoute Wolfrang, se plaisant à caresser l’innocente passion de son locataire pour son barbet, et à dissiper ainsi le pénible embarras dont ce pauvre homme avait été navré à la seule pensée de cette soirée. – Dans quelle haute estime les peuples de l’antiquité tenaient le chien !

— Vraiment, monsieur ? – dit M. Dubousquet, de plus en plus intéressé ; – excusez mon ignorance, mais je suis si heureux de vous, entendre, que je suis tout oreilles. Ah ! la belle chose que le savoir !

— Les Égyptiens attribuaient au chien une essence supérieure et divine.

— Voyez-vous ça ! – reprend M. Dubousquet ébahi. – Eh bien ! en somme, cela ne m’étonne point, monsieur.

— Xerxès comptait ses nombreux chiens de combat, au nombre de ses troupes d’élite.

— Et ceux-là, jamais ne passaient à l’ennemi, – ajoute Sylvia ; – jamais de traîtres parmi eux. En est-il toujours ainsi parmi les hommes ?

— Olaüs Magnus, au seizième siècle, a écrit l’histoire des plus célèbres chiens de la Finlande, – poursuit Wolfrang, – et il existe à leur sujet d’héroïques légendes.

— Et ces héros, ignorant qu’ils auraient un jour leur nom dans l’histoire, ne se battaient ni pour obtenir des grades et des titres, ni même pour la fumée d’une vaine gloire, – ajoute Sylvia ; – ils combattaient pour défendre leur maître !

— Ah ! madame, excusez-moi, je ne sais plus où j’en suis, – dit M. Dubousquet, émerveillé, – je crains de devenir trop orgueilleux.

— Et pourquoi ?

— Pas pour moi, – répond M. Dubousquet, transporté, – mais pour Bonhomme, en pensant qu’il pourrait revendiquer pour son espèce tant de fameux souvenirs.

— Et pourtant je suis sûr qu’il n’en est pas plus fier, – répond en souriant Wolfrang ; – je gage qu’il ne s’en fait pas valoir davantage.

— Ah ! mon Dieu, non, la pauvre bête ! – répond naïvement M. Dubousquet ; – puis, réfléchissant : – Mais, monsieur, pour être si profondément versé dans l’histoire du chien, il faut que vous ayez eu la passion de ces animaux ?

— Oui, parce que j’ai la passion de tout ce qui est bon et dévoué par excellence.

— Ah ! monsieur, ce que vous dites là est plus vrai que vous ne le pensez peut-être, – dit le locataire avec une sorte d’attendrissement mélancolique, – car avec un bon chien et une bonne conscience, l’on peut…

Mais, s’interrompant et semblant regretter d’avoir cédé à un épanchement qu’il ne s’expliquait pas, non plus que la confiance et l’attrait que lui inspiraient si promptement deux personnes qu’il voyait pour la première fois, M. Dubousquet rougit, baissa les yeux et balbutia :

— Du moins, certaines personnes… affirment que…

— Qu’avec un bon chien et une bonne conscience l’on peut braver les faux jugements des hommes ? – reprend Wolfrang.

— Ces personnes-là, monsieur Dubousquet, affirment une grande vérité. N’est-ce pas aussi votre avis ?

— Certainement, monsieur, certainement… à la rigueur… cela est possible…

— Oh ! ne craignez pas de contredire Wolfrang ; nous sommes, vous n’en doutez plus, je l’espère, nous sommes de bonnes gens sans façon, – ajoute Sylvia en souriant ; – et, avouez-le, vous n’aviez pas d’abord de nous cette opinion-là ?

— Ah ! madame !

— Voyons, soyez sincère ; Wolfrang et moi, nous prisons avant tout la franchise ; notre devise favorite est sainte sincérité.

— Eh bien, madame, je crois, Dieu me pardonne, que vous et M. Wolfrang, à force de bonté, vous m’avez parlant par respect ; ensorcelé… mon Dieu oui… J’étais entré ici si embarrassé, si confus, que j’avais la vue trouble, les oreilles me bourdonnaient, et maintenant mon embarras a disparu : je vois très-clairement cette jeune dame si belle et si bonne… j’entends non moins clairement ses bienveillantes paroles, et les vôtres, monsieur Wolfrang… Ah ! je vivrais mille ans, que lorsque je me rappellerai votre accueil, je… je… Eh ! eh !… dame ! je ferai comme à présent, – ajoute M. Dubousquet d’une voix attendrie par les larmes, – et portant ses mains à ses yeux, – je ne pourrai m’empêcher de pleurer de reconnaissance.

Wolfrang et Sylvia se regardaient avec un silence expressif, lorsque trois jappements très-distincts, mais assez lointains, retentirent dans l’une des pièces voisines.

— Qu’entends-je ! – s’écrie M. Dubousquet en se levant et tressaillant. – C’est lui ; et pourtant je l’ai enfermé, comment sera-t-il sorti ? Il va venir ici tout compromettre, l’imprudent ! L’on m’accueillait si bien ! M. Wolfrang ne m’avait dit mot des plaintes portées contre nous par le locataire du second ! Ah mon Dieu ! il nous perd !

M. Dubousquet, effaré, désolé, se lamentait ainsi, lorsque Bonhomme, à qui les domestiques venaient d’ouvrir la porte de la pièce voisine, parut au seuil du salon ; mais, ayant conscience de sa venue indiscrète, il s’avança vers son maître en rampant comme pour implorer sa grâce, tandis que celui-ci lui dit d’une voix menaçante :

— Malheureux ! qu’avez-vous fait ?

Et s’adressant à Wolfrang et à Sylvia, M. Dubousquet ajoute :

— Ah ! madame ! ah ! monsieur ! que d’excuses ! je suis désespéré !

— Et moi je suis enchantée, – reprit Sylvia ; – je voulais que Bonhomme me fût présenté ; ne donne-t-il pas une nouvelle preuve de sa gentillesse, en prévenant si à propos mes désirs ?

Puis appelant le chien qui, à l’exclamation menaçante de son maître, s’était arrêté, immobile, et couché au milieu du salon, la jeune dame ajoute :

— Viens… n’aie pas peur, viens, pauvre petite bête.

Le barbet, avant de se rendre à cet appel, interroge du regard son maître, qui lui dit, de plus, en plus confondu de l’indulgente bonté de Sylvia :

— Allez, allez, puisque madame daigne nous pardonner votre incartade !

Le chien s’avance, toujours rampant, jusqu’aux pieds de la jeune femme, où il se couche timidement, attachant sur elle ses grands yeux noirs et brillants.

— Que d’intelligence ! – disait Sylvia, caressant Bonhomme, – que de pensée dans le regard !

— Ah ! monsieur, je suis confus, – reprenait M. Dubousquet, s’adressant à Wolfrang ; – je devine maintenant comment le malheureux sera sorti. C’est à n’y pas croire ! J’avais laissé ouverte la fenêtre de ma chambre où il était enfermé ; il sera sorti par cette croisée au-dessous de laquelle règne une corniche très-étroite ; il aura gagné ainsi la croisée du palier, sans doute ouverte aussi ; puis, suivant ma trace, il sera venu jusqu’ici. Pardon, mille pardons pour lui et pour moi ! sa seule excuse est que depuis que je le possède, c’est la première fois qu’il me joue un pareil tour.

— Pauvre animal ! vous avez eu le courage de le gronder, – reprend Wolfrang en souriant ; – je serais presque tenté de vous faire une querelle de votre ingratitude envers lui.

— À ce moment, le valet de chambre annonce :

— Monsieur et madame Lambert !

Sylvia se lève ; après avoir accordé une dernière caresse au barbet, qui revient se placer derrière les talons de son maître, et la jeune femme, ainsi que Wolfrang, font quelques pas au-devant de M. et de madame Lambert.

— Combien vous êtes aimable, madame, ainsi que M. Lambert, de vouloir bien nous sacrifier quelques instants de votre soirée, et d’avoir accepté notre invitation aussi cordialement que nous vous l’avons faite ! – dit Sylvia ; puis elle ajoute en indiquant du geste la causeuse à Francine : – Veuillez, madame, vous asseoir là près de moi.

Madame Lambert, très-timide et non moins frappée de l’éblouissante beauté de Sylvia que touchée de son gracieux accueil, rougit, répond de son mieux par une révérence, et prend place à côté de la jeune femme, tandis que Wolfrang dit de son côté au libraire :

— Je vous sais d’autant plus de gré, monsieur, de l’honneur que vous voulez bien nous faire, que je n’ignore pas vos habitudes de studieuse solitude, et…

Mais Wolfrang s’interrompt soudain, en voyant M. Dubousquet gagner la porte d’un pas discret, accompagné de Bonhomme, auquel il dit tout bas :

— Allons-nous-en. Nous pouvons nous vanter d’avoir été reçus ici comme nous ne l’avons été, comme nous ne le serons jamais nulle part ; et nous ne l’oublierons pas, mon pauvre Bonhomme !

— Mon cher monsieur Dubousquet, où allez-vous donc ? – dit Wolfrang, en rejoignant son locataire, au moment où il atteignait le seuil du salon ; – vous ne songez pas à nous quitter déjà ?

— Monsieur, permettez…

— Nous ne souffrirons pas que vous vous en alliez si tôt : Mademoiselle Antonine Jourdan veut bien venir chanter ici ce soir, et vous serez charmé de l’entendre.

— Monsieur, je vous supplie de…

— Puis je désire vous présenter à M. Lambert, – ajoute Wolfrang, ramenant familièrement par le bras M. Dubousquet vers le milieu du salon, et s’adressant au libraire :

— M. Dubousquet, que vous n’ayez peut-être pas le plaisir de connaître personnellement, quoiqu’il soit l’un des locataires de la maison, veut déjà nous quitter ; vous vous joindrez à moi, n’est-ce pas, monsieur, pour le retenir ?

— M. Dubousquet a, comme moi, des habitudes de retraite, et le monde l’effarouche un peu ; je ne suis guère moins effarouché, – répond en souriant le libraire, ressentant pour le solitaire du troisième étage une vague sympathie, causée par sa physionomie, timide et par son goût pour l’isolement. – Si le monde fait peur à M. Dubousquet, nous nous réconforterons mutuellement ce soir, et nous deviendrons plus braves…

— Fort de l’appui d’un pareil allié, il y aurait maintenant insigne couardise à fuir devant le danger, mon cher monsieur Dubousquet, – reprend gaiement Wolfrang. – Donc, vous nous restez.

— Monsieur, je suis on ne peut plus touché de vos bontés et de celles de M. Lambert, mais il m’est impossible de rester ; il faut d’ailleurs que je reconduise mon chien, et…

— Pas du tout ! Bonhomme est trop bien élevé pour ne point se comporter parfaitement en bonne compagnie, et je vous suis garant qu’il ne joindra pas sa voix à celle de mademoiselle Antonine Jourdan lorsqu’elle voudra bien se faire entendre.

— Monsieur, de grâce, permettez…

— Je suis impitoyable. Tout ce que je puis vous concéder, c’est de vous autoriser à vous réfugier momentanément avec Bonhomme dans cette bibliothèque dont la porte est ouverte : vous trouverez là les journaux du soir et, par parenthèse, vous y lirez-des faits fort intéressants relatifs à plusieurs locataires de la maison.

— Je reste donc, monsieur, puisque vous l’exigez absolument.

— Absolument.

— Bonhomme se tiendra tapi sous ma chaise ; personne ne se doutera qu’il est céans ; nous attendrons l’heure du concert dans la bibliothèque.

— Lorsque vous passerez devant ma boutique, mon cher voisin. – ce qui vous arrive rarement, car vous ne sortez guère non plus que moi, – ajoute le libraire, – s’il vous plaît d’entrer un moment chez nous, avec Bonhomme, bien entendu, vous nous ferez plaisir, à ma femme et à moi.

— Monsieur, certainement, une pareille offre m’honore infiniment, – répond M. Dubousquet, pensant à part soi : – Pourquoi donc tout le monde semble-t-il d’accord ce soir pour m’accueillir avec tant de bonté ? C’est extraordinaire.

Et saluant Wolfrang et M. Lambert, il ajoute :

— Je vais, puisque vous le permettez, me retirer dans la bibliothèque.

— Surtout, lisez les journaux du soir ; vous y trouverez, je le répète, des faits intéressants à propos de plusieurs de vos voisins, dit M. Wolfrang à M. Dubousquet.

Celui-ci, faisant un signe à Bonhomme, entre avec lui dans la bibliothèque par l’une des partes latérales du salon.

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