XXV

Il est une heure du matin, et depuis longtemps les locataires invités à la soirée de Wolfrang sont rentrés chez eux.

Sylvia, seule dans un petit salon voisin de sa chambre à coucher, est rêveuse et profondément accablée ; ses traits pâles, décomposés, expriment une extrême souffrance ; car, nous l’avons dit, telle est la susceptibilité nerveuse de cette jeune femme, qu’à l’aspect du mal moral, elle ressent au cœur une douleur physique d’une profonde intensité.

Un panneau de la boiserie du salon du rez-de-chaussée, où se tient alors Sylvia, glisse sans bruit dans sa rainure ; un courant d’air froid comme celui qui s’exhalerait d’un souterrain, s’échappe de l’ouverture pratiquée dans la boiserie, et qui donne accès à un passage secret d’où sort Wolfrang, tenant à la main une lanterne sourde.

Il l’éteint et la dépose sur un guéridon, après avoir de nouveau masqué l’ouverture en faisant reprendre au panneau de la boiserie la place qu’il occupait.

Sylvia, plongée dans sa rêverie, ne s’aperçoit pas de la présence de Wolfrang.

Il s’arrête et la contemple avec une expression d’amour, de sollicitude et de commisération ineffable ; une larme brille dans ses yeux, tandis qu’un sourire effleure ses lèvres : sourire d’espérance et larme accordée à la douleur actuelle de sa compagne ; mais Wolfrang est certain de la guérir de ces souffrances dont il sait la cause.

Il s’approche doucement de sa femme, et, lui prenant la main avec tendresse :

— Courage, ma Sylvia ! courage !

La jeune femme tressaille, sort de sa rêverie, et, tournant son visage endolori, navré, vers Wolfrang :

— Déjà de retour ? dit-elle.

— Oui, et je reviens avec l’assurance de guérir ta pauvre âme blessée ; je te l’ai promis, il y a un an ; les circonstances me secondent, je tiendrai ma promesse.

— Vaine espérance ! – répond Sylvia secouant la tête avec une expression de doute et de tristesse amère. – Tu m’abuses ou tu l’abuses, mon Wolfrang : cette épreuve si longtemps attendue augmente, irrite ma souffrance au lieu de la calmer. Va, une fois de plus, et pour la dernière fois, car je suis lasse, lasse, je dirai : Le mal, l’hypocrisie, l’iniquité, toujours impunis, triomphent et jouissent en ce misérable monde-ci, où je ne veux plus séjourner ; de charmantes apparences cachent d’odieuses réalités ; tout est déception, fourberie ou mensonge ! À qui se fier ? que croire, Dieu juste ? Ainsi, ce soir, cette Antonine, qui m’apparaissait si franche, si pure, si loyale, n’a pu se défendre de l’infamie dont l’accusait son fiancé. Ah ! Wolfrang, il est quelque chose de plus hideux encore que le vice : c’est l’hypocrisie qui le cache. M. Dubousquet, aux dehors si humbles, si honnêtes !… qu’est-il ?… Un forçat libéré !

La jeune femme reprend après un moment de silence, tandis que Wolfrang la contemple avec un redoublement de tendresse :

— Ce soir, je bénissais le hasard qui réunissait en cette maison, sauf un fat ridicule, tant de caractères généreux, délicats ou élevés ; j’éprouvais un sentiment délicieux, et maintenant je me sens brisée, je souffre là, au cœur… oui, je souffre, autant et plus que le jour où, il y a un an, après des révélations non moins cruelles que celles de ce soir, je voulais…

— Quitter cette terre, afin d’aller revivre en ces sphères étoilées où nous renaissons à l’infini, corps et âme, esprit et matière ?

— Ah ! Wolfrang, pourquoi t’es-tu opposé à notre départ ?

— Parce que je veux guérir à jamais ta funeste erreur, ma Sylvia ; parce que je veux ouvrir tes yeux à l’ÉTERNELLE VÉRITÉ ; afin de te rendre facile, doux et surtout fécond pour le bien, notre passage en ce monde.

— Tu vois le résultat de tes vœux !…

— Ils sont ou ils seront bientôt dépassés ; je n’ose rêver pour toi guérison plus prompte, plus complète.

— Wolfrang, par pitié ! ne me raille pas. Est-ce que, ce soir, sous nos yeux, cette jeune fille… ?

— Antonine Jourdan est la plus digne, la plus noble, la plus vaillante personne qui ait mérité l’estime, le respect, l’admiration, oui, l’admiration des gens de cœur, ma Sylvia.

— Antonine ?

— Oui.

— Quoi ! elle qui pouvait d’un mot se justifier d’une accusation infâme ? et ce mot, elle ne l’aurait pas dit dans cette situation terrible ? Non ! non ! elle est coupable, Wolfrang ! Son opprobre est justice, son hypocrisie est démasquée. Une fois, du moins, et par aventure, le vice est flétri, exception qui confirme, hélas ! son impunité habituelle.

— Une fois de plus, pauvre Sylvia, tu es le jouet d’une apparence : Antonine est innocente.

— Impossible !…

— Elle est loyale, elle est pure !

— Et elle a gardé le silence ?

— Elle a dû le garder !

— Ainsi, sa réputation est souillée à la face de tous, ainsi, son amour est perdu, car son fiancé ne la reverra sans doute jamais ; et ces cruels sacrifices…

— Ils lui étaient imposés.

— Par quelle nécessité ?

— Tu le sauras plus tard, ma Sylvia ; mais j’affirme, et je n’affirme rien en vain, qu’Antonine Jourdan, je le répète, mérite le respect, l’admiration de tous.

— Je crois à tes paroles, – reprend Sylvia étonnée jusqu’à la stupeur ; – je dois y croire…

Mais les traits de la jeune femme exprimant soudain un regret pénible et une compassion navrante, elle s’écrie :

— Pauvre Antonine ! j’ai pu douter d’elle, malgré l’attrait qu’elle m’inspirait, et la voici maintenant en butte au mépris de tous ! Hélas ! que je la plains !

— Ne plaignons pas ceux-là qui, par leur caractère, par leurs actions, sont dignes d’inspirer une généreuse envie aux nobles âmes comme la tienne, ma Sylvia. Ainsi est-il encore de celui qui, ce soir, a été chassé d’ici, aux yeux de tous, comme le dernier des misérables !

— Ce forçat libéré ?

— Ta main serrera bientôt la sienne avec estime.

— Avec estime ?

— Avec estime et avec orgueil, Sylvia ; car on s’enorgueillit de rendre hommage à la vertu, surtout lorsqu’elle élève l’homme à la hauteur où est placé ce martyr d’un sentiment divin.

— Ta voix est grave, Wolfrang, – reprend la jeune femme, dont la stupeur augmente ; – ton regard est attendri ; une larme coule de tes yeux…

— Oh ! le meilleur et le plus valeureux des hommes ! – ajoute Wolfrang avec émotion. – Quelle simplicité dans la grandeur de ton dévouement ! quelle naïveté dans ton abnégation sublime ! Tu n’as pas au monde d’autre ami, d’autre confident que ton chien, compagnon de ta solitude ; tu n’as d’autre consolation que la voix touchante de ta conscience ! Sois glorifié parmi les hommes, pauvre victime d’une erreur inévitable !

— Il serait vrai ! il mérite, comme Antonine, l’estime, l’admiration des gens de bien ? Mais, alors, tu le vois, hélas ! tu le vois, Wolfrang, tu l’as dit, tous deux ont dû se sacrifier héroïquement, et les voici couverts d’opprobre aux yeux du monde ! Dis, leur sort est-il assez cruel, assez grande leur infortune ? Tu vois combien, dans ce triste monde, les bons, les plus justes sont méconnus, opprimés, combien est inique l’opinion des hommes !

— Oui, si ton regard trompé s’arrête aux apparences ; non, si ton regard peut pénétrer l’ÉTERNELLE VÉRITÉ, et cette vérité, bientôt tu la connaîtras… Courage, ma Sylvia bien-aimée ! encore un jour ou deux d’épreuves, et ta guérison est assurée ; mais, pour que les épreuves soient complètes, j’ai à te faire entendre des révélations cruelles, oui, cruelles pour toi, pauvre chère sensitive que le souffle du mal fait frissonner, souffrir et se replier sur elle-même.

— Quelles révélations ?

— Tu ne dois conserver aucune illusion sur les personnes réunies chez nous ce soir ; tu dois connaître d’abord, ma Sylvia, les réalités que masquent de fausses apparences. Ainsi le mépris, l’aversion que t’inspiraient Dubousquet et Antonine Jourdan, par suite des accusations portées contre eux, feront place à l’admiration… de même que la sympathie, l’intérêt ou l’admiration que tu ressens pour d’autres personnages présents ici ce soir, vont se changer en dégoût, en mépris, en aversion, en horreur, pauvre Sylvia !

— Que vas-tu m’apprendre ?… Je tremble !

— Que penses-tu de madame Lambert ?

— C’est une honnête jeune femme ; la bonté, la candeur se peignent sur son visage ; elle me parlait de son mari avec une touchante reconnaissance.

— Madame Lambert, plus égarée, d’ailleurs, que pervertie, cédant ce soir aux obsessions de M. de Luxeuil, lui a donné un rendez-vous.

— Elle ! trahir cet homme si délicat, si généreux, pour ce fat impudent et sot ! elle dont la timidité naïve et la douceur m’avaient charmée ! Mon Dieu ! – ajoute la jeune femme en tressaillant douloureusement, – après une pareille déception, en qui avoir foi ? que croire ?

— Il faut croire à l’élévation du caractère de M. Lambert et à la noblesse de son cœur, ma Sylvia ; il faut croire aux vertus, à l’inépuisable charité de madame Borel ; il faut croire aux généreux sentiments de son fils, qui, ce soir, plus que personne, admirait en toi le beau et le bien dans leur radieux éclat ; mais il ne faut pas croire à l’honnêteté de M. Borel.

— Quoi !… les journaux, échos de l’opinion publique, le citaient ce soir comme un exemple de scrupuleuse probité !

— La source de l’immense fortune de ce banquier est un infâme abus de confiance, accompli avec la plus noire perfidie et la plus effrayante audace.

— Dieu juste ! et cet homme jouit de l’estime, du respect de tous !

— Oui.

— Et son indignité est impunie ! Hélas ! toujours le triomphe du mal !

— Peut-être… Mais, dis-moi, Sylvia, que penses-tu de M. de Francheville ?

— Ah ! celui-là a du moins donné aujourd’hui une preuve éclatante de son désintéressement, de son intégrité ; ses adversaires politiques eux-mêmes lui rendent justice et hommage.

— M. de Francheville a déshonoré aujourd’hui une vie longtemps irréprochable, par un acte de vénalité rendu plus ignoble encore par des raffinements d’astuce et d’hypocrisie exécrables.

— M. de Francheville ! – répète la jeune femme, tellement abasourdie par ces révélations successives, que la surprise et une curiosité poignante lui font oublier le pénible ressentiment de tant de déceptions ; – M. de Francheville ! – ajoute-t-elle avec stupeur, vénal et hypocrite, lui ?

— Oui, et cependant combien encore son hypocrisie est loin de celle d’un autre hypocrite, hideux scélérat qui mérite l’échafaud !

— L’échafaud ! grand Dieu ! Wolfrang, de qui s’agit-il ?

— De M. de Saint-Prosper… Il a commis un infanticide ! Il a tué son enfant !

Sylvia contemple pendant un moment Wolfrang, sans trouver une parole, ne sachant si elle rêve ou si elle veille.

Elle se rappelait la physionomie benoîte et douce, la parole onctueuse du fondateur de l’œuvre pour l’alimentation de la première enfance ; l’accusation d’être un infanticide, portée contre ce prétendu saint Vincent de Paul, atterrait, terrifiait la jeune femme. Elle restait anéantie, en proie à la recrudescence de cette douleur physique que lui causait le ressentiment du mal moral.

Wolfrang, ayant hâte d’achever ces révélations si pénibles pour la sensibilité de sa compagne, reprit avec un redoublement de tendresse :

— Du courage, ma Sylvia ! tu touches au terme de ces révélations ; mais les dernières sont peut-être, de toutes, les plus odieuses… Madame Lambert, un moment égarée, a du moins conscience de sa faute ; elle n’a pas cédé sans lutte, sans remords ; et peut-être s’arrêtera-t-elle dans la voie qui la conduit à sa perte… Mais la duchesse della Sorga joint à la profonde dépravation de ses mœurs, la dissimulation, la ruse et l’audace !

— Cette mère de famille sur qui les proscrits attiraient ce soir les bénédictions du ciel ? – s’écrie Sylvia, les mains jointes ; – cette épouse austère qui, dans sa sévérité inexorable, s’indignait de ce que, de nos jours, la femme adultère ne fût pas punie de mort ? Non ! jamais je ne croirai…

— La duchesse della Sorga est un monstre de dépravation, te dis-je, pauvre Sylvia ; et le respect universel dont elle est l’objet, et qu’elle a su conquérir à force d’hypocrisie ; la tendre vénération dont l’entoure son fils Ottavio, âme généreuse et ingénue, rendent plus révoltante encore la perversité de cette moderne Messaline, digne compagne du duc della Sorga.

Et, répondant au regard effaré de Sylvia, qui, à cette allusion relative au duc, semble ne pas croire à ce qu’elle entend, Wolfrang reprend :

— Traître à sa cause, délateur d’une conspiration qu’il a fomentée ! Enfin, et tu vas frissonner d’épouvante, le duc della Sorga est fratricide : et, afin d’hériter du titre et des biens de son frère aîné…, il l’a livré au bourreau !

À cette dernière et horrible révélation, Sylvia ne peut retenir un cri de douleur déchirant, et, par un mouvement machinal, elle enlace, presque égarée, Wolfrang entre ses bras et cache sa tête dans le sein du jeune homme, comme si elle y cherchait, pour ainsi dire, un refuge contre ces horribles découvertes.

Elle pâlit et est agitée d’un léger mouvement convulsif.

Wolfrang serre sa compagne contre lui avec une sollicitude passionnée, couvre son front de baisers, lui disant d’une voix palpitante de tendresse :

— Cher, cher ange bien-aimé, pardonne-moi ! je savais quel coup cruel j’allais te porter en te dévoilant ces terribles réalités ; mais je le devais, afin d’écarter les trompeuses apparences qui te cachaient la vérité, premier pas vers la croyance, qui te guérira… Et maintenant que tu l’as vidée jusqu’à la lie, cette coupe amère des déceptions, reprends courage, ma Sylvia ! Ce qui te désespère à cette heure, te causera bientôt un allégement ineffable !

La jeune femme garde pendant quelques moments le silence, se recueille, raffermit ses esprits ; puis :

— C’est à moi de te demander pardon de ma faiblesse, mon Wolfrang, et pardon aussi de l’obscurcissement de mon intelligence ; car il me semble qu’elle m’échappe en ce moment… Ne m’as-tu pas dit : « Le chagrin, cette désespérance qui souvent te navre jusqu’à la mort, pauvre Sylvia, a pour cause ta funeste croyance au triomphe et à l’impunité des méchants en ce monde-ci, et à l’infortune des bons et des justes, méconnus ou victimes de l’iniquité des hommes ? »

— Je t’ai dit cela.

— N’as-tu pas ajouté, avant cette fatale soirée, que les circonstances, le hasard, dépassant tes désirs, avaient réuni, comme locataires de cette maison, un choix de personnages qui seraient autant de preuves vivantes à l’appui d’une conviction que tu veux me faire partager… parce que, selon ton espoir, elle doit me garantir d’une erreur pour moi si douloureuse ?

— Oui, ma Sylvia bien-aimée, ta foi en cette croyance te guérira.

— Je le répète, Wolfrang, pardonne à l’obscurcissement de mon intelligence. Hélas ! à mon sens, les faits dont, ce soir, j’ai été témoin, tes révélations même ne démontrent que trop au contraire…

— L’impunité des méchants et l’infortune des justes ?

— N’est-ce pas trop réel ? Quels étaient ici, ce soir, les gens de bien, les gens de cœur, les gens de généreux dévouement ?… M. Lambert ? Il est indignement trompé par sa femme. Antonine Jourdan ? Elle est déshonorée aux yeux de tous par son fiancé, qui l’abandonne. M. Dubousquet ? Il est repris de justice et a été chassé honteusement d’ici. Est-ce vrai, Wolfrang ?

— C’est vrai.

— Quels étaient ici, ce soir, les gens méprisables, les corrompus, les méchants, les scélérats ? Le banquier Borel ?… Il doit sa fortune à un infâme abus de confiance, et l’opinion publique exalte sa probité ! La femme et le fils de ce fripon insigne, nobles cœurs s’il en est, sont ses dupes, et ressentent pour lui autant de tendresse que de respect ; de sorte que ce misérable…

— Jouit de l’estime publique, et est chéri, vénéré dans sa famille, n’est-ce pas, Sylvia ?

— Oui ou non, Wolfrang, est-ce une nouvelle preuve du bonheur et de l’impunité des méchants en ce monde ? M. de Francheville s’est rendu coupable d’un acte d’ignoble vénalité ; les journaux acclament son intégrité, – poursuit la jeune femme avec une indignation amère, brûlante, douloureuse, qui succède à son abattement. – Ce M. de Saint-Prosper a commis le plus lâche, le plus atroce des forfaits : il a tué son enfant ! Et les mères, Dieu juste ! les mères bénissent cet infanticide avec des larmes de reconnaissance ! L’Europe, l’Amérique proclament ce monstre un nouveau saint Vincent de Paul. La duchesse della Sorga est, dis-tu, Wolfrang, une moderne Messaline, et elle impose à ses enfants et à tous une vénération profonde ! Enfin, le duc, traître, parjure, délateur, fratricide, a vu, ce soir, ici, ses nobles compagnons d’exil venir rendre hommage à son patriotisme… lui offrir… une épée d’honneur, et… Ah ! je n’achève pas, Wolfrang ! En face de ces faits exécrables, monstrueux, j’éprouve une sorte de vertige, d’épouvante et d’horreur.

Sylvia frémit, garde un moment le silence.

Puis elle reprend d’une voix touchante et passionnée :

— Et maintenant, Wolfrang, mon bien-aimé, mon guide, mon soutien ; toi, le meilleur, le plus généreux, le plus éclairé des hommes ; toi, mon adoration, ma foi, mon amour en ce monde et dans les autres, où nous irons ensemble revivre à l’infini ! je connais ton cœur, ta franchise, ta fermeté ; tu es incapable de m’abuser par une trompeuse espérance, afin de calmer mes angoisses, je le sais ; aussi, je te le répète, Wolfrang, aie pitié de l’infirmité de mon intelligence : c’est elle et non le doute qui me rend incrédule à tes assurances ! Quoi ! tu prétends qu’en ce monde-ci… le mal trouve infailliblement son châtiment et le bien sa récompense ?

— Oui, il existe en ce monde-ci des élus et des damnés, trouvant en ce monde-ci joies célestes ou peines infernales.

— Et, à l’appui de cette croyance constante, de cette foi sublime qui mettrait un terme à mes douleurs… tu invoques, ô Wolfrang ! les faits éclatants dont, ce soir, nous avons été témoins !… ces faits, nouveau témoignage, hélas ! du triomphe ou de l’impunité des méchants !… et de l’infortune des justes ou de l’iniquité dont ils sont victimes sur cette terre ?

— Sylvia, tu crois à ma parole ?

— J’y crois comme à la lumière du jour.

— Eh bien, après-demain, à cette même heure de la nuit, je te le jure par notre amour, ma Sylvia, ces témoignages, aujourd’hui, selon toi, évidents, irrécusables, de l’impunité des méchants et de l’infortune des justes, seront, à tes yeux, alors ouverts à la lumière de l’ÉTERNELLE VÉRITÉ… seront des témoignages évidents, irrécusables de l’infaillible châtiment des méchants et de l’infaillible récompense des justes, en ce monde-ci.

— Mais quel prodige me donnera cette croyance ?

— LES SECRETS DE L’OREILLER.

Share on Twitter Share on Facebook