NOTE 13.

Bertrand de Molleville, auquel j’ai emprunté les faits relatifs à Mallet-du-Pan, s’exprime ainsi sur l’accueil qui lui fut fait, et sur les dispositions qu’il rencontra :

« Mallet-du-Pan avait eu, les 15 et 16 juillet, de longues conférences avec le comte de Cobentzel, le comte de Haugwitz et M. Heyman, ministres de l’empereur et du roi de Prusse. Après avoir examiné le titre de sa mission et écouté avec une attention extrême la lecture de ses instructions et de son mémoire, ces ministres avaient reconnu que les vues qu’il proposait s’accordaient parfaitement avec celles que le roi avait antérieurement manifestées aux cours de Vienne et de Berlin, qui les avaient respectivement adoptées. Ils lui avaient témoigné en conséquence une confiance entière, et avaient approuvé en tout point le projet de manifeste qu’il leur avait proposé. Ils lui avaient déclaré, dans les termes les plus positifs, qu’aucune vue d’ambition, d’intérêt personnel ou de démembrement, n’entrait dans le plan de la guerre, et que les puissances n’avaient d’autre vue, d’autre intérêt que celui du rétablissement de l’ordre en France, parce qu’aucune paix ne pouvait exister entre elle et ses voisins, tant qu’elle serait livrée à l’anarchie qui y régnait, et qui les obligeait à entretenir des cordons de troupes sur toutes les frontières, et à des précautions extraordinaires de sûreté très dispendieuses ; mais que, loin de prétendre imposer aux Français aucune forme quelconque de gouvernement, on laisserait le roi absolument le maître de se concerter à cet égard avec la nation. On lui avait demandé les éclaircissemens les plus détaillés sur les dispositions de l’intérieur, sur l’opinion publique relativement à l’ancien régime, aux parlemens, à la noblesse, etc., etc. On lui avait confié qu’on destinait les émigrés à former une armée à donner au roi lorsqu’il serait mis en liberté. On lui avait parlé avec humeur et prévention des princes français, auxquels on supposait des intentions entièrement opposées à celles du roi, et notamment celle d’agir indépendans et de créer un régent. (Mallet-du-Pan combattit fortement cette supposition, et observa qu’on ne devait pas juger des intentions des princes par les propos légers ou exaltés de quelques-unes des personnes qui les entouraient.) Enfin, après avoir discuté à fond les différentes demandes et propositions sur lesquelles Mallet-du-Pan était chargé d’insister, les trois ministres en avaient unanimement reconnu la sagesse et la justice, en avaient demandé chacun une note ou résumé, et avaient donné les assurances les plus formelles que les vues du roi, étant parfaitement concordantes avec celles des puissances, seraient exactement suivies. »

(Bertrand de Molleville, tome VIII, page 320.)

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