Voici comment ce fait est rapporté par Bertrand de Molleville :
« Je rendis compte le même jour au conseil de la visite que le duc d’Orléans m’avait faite, et de notre conversation. Le roi se détermina à le recevoir, et eut avec lui le lendemain un entretien de plus d’une demi-heure, dont Sa Majesté nous parut avoir été très-contente. « Je crois, comme vous, me dit le roi, qu’il revient de très bonne foi, et qu’il fera tout ce qui dépendra de lui pour réparer le mal qu’il a fait, et auquel il est possible qu’il n’ait pas eu autant de part que nous l’avons cru.
« Le dimanche suivant il vint au lever du roi, où il reçut l’accueil le plus humiliant des courtisans, qui ignoraient ce qui s’était passé, et des royalistes, qui avaient l’habitude de se rendre en foule au château ce jour-là pour faire leur cour à la famille royale. On se pressa autour de lui, on affecta de lui marcher sur les pieds et de le pousser vers la porte, de manière à l’empêcher de rentrer. Il descendit chez la reine, où le couvert était déjà mis ; aussitôt qu’il y parut, on s’écria de toutes parts : Messieurs, prenez garde aux plats ! comme si on eût été assuré qu’il avait les poches pleines de poison.
« Les murmures insultans qu’excitait partout sa présence le forcèrent à se retirer sans avoir vu la famille royale. On le pourchassa jusqu’à l’escalier de la reine ; et en descendant il reçut un crachat sur la tête et quelques autres sur son habit. On voyait la rage et le dépit peints sur sa figure ; il sortit du château, convaincu que les instigateurs des outrages qu’il avait reçus étaient le roi et la reine, qui ne s’en doutaient pas, et qui en furent très fâchés. Il leur jura une haine implacable, et il ne s’est montré que trop fidèle à cet horrible serment. J’étais au château ce jour-là, et je fus témoin de tous les faits que je viens de rapporter. »
(Bertrand de Molleville, tome VI, page 209.)