NOTE 9.

Madame Campan nous apprend, dans un même passage, la construction de l’armoire de fer, et l’existence d’une protestation secrète faite par le roi contre la déclaration de guerre. Cette appréhension du roi pour la guerre était extraordinaire, et il cherchait de toutes les manières à la rejeter sur le parti populaire.

« Le roi avait une quantité prodigieuse de papiers, et avait eu, malheureusement l’idée de faire construire très secrètement, par un serrurier qui travaillait près de lui depuis plus de dix ans, une cachette dans un corridor intérieur de son appartement. Cette cachette, sans la dénonciation de cet homme, eût été long-temps ignorée. Le mur, dans l’endroit où elle était placée, était peint en larges pierres, et l’ouverture se trouvait parfaitement dissimulée dans les rainures brunes qui formaient la partie ombrée de ces pierres peintes. Mais avant que ce serrurier eût dénoncé à l’assemblée ce que l’on a depuis appelé l’armoire de fer, la reine avait su qu’il en avait parlé à quelques gens de ses amis ; et que cet homme, auquel le roi, par habitude, accordait une trop grande confiance, était un jacobin. Elle en avertit le roi, et le décida à remplir un très grand portefeuille de tous les papiers qu’il avait le plus d’intérêt à conserver, et à me le confier. Elle l’invita en ma présence à ne rien laisser dans cette armoire ; et le roi, pour la tranquilliser, lui répondit qu’il n’y avait rien laissé. Je voulus prendre le portefeuille et l’emporter dans mon appartement ; il était trop lourd pour que je pusse le soulever. Le roi me dit qu’il allait le porter lui-même ; je le précédai pour lui ouvrir les portes. Quand il eut déposé ce portefeuille dans mon cabinet intérieur, il me dit seulement : « La reine vous dira ce que cela contient. » Rentrée chez la reine, je le lui demandai, jugeant par les paroles du roi qu’il était nécessaire que j’en fusse instruite ; « Ce sont, me répondit la reine, des pièces qui seraient des plus funestes pour le roi, si on allait jusqu’à lui faire son procès. Mais ce qu’il veut sûrement que je vous dise, c’est qu’il y a dans ce portefeuille le procès-verbal d’un conseil-d’état dans lequel le roi a donné son avis contre la guerre. Il l’a fait signer par tous les ministres, et, dans le cas même de ce procès, il compte que cette pièce serait très utile. » Je demandai à qui la reine croyait que je devais confier ce portefeuille. « À qui vous voudrez, me répondit-elle ; vous en êtes seule responsable : ne vous éloignez pas du palais, même dans vos mois de repos ; il y a des circonstances où il nous serait très utile de le trouver à l’instant même. »

(Madame Campan, tom. II, page 222.)

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