Il y avait chez Mirabeau, comme chez tous les hommes supérieurs, beaucoup de petitesse à côté de beaucoup de grandeur. Il avait une imagination vive qu’il fallait occuper par des espérances. Il était impossible de lui donner le ministère sans détruire son influence, et par conséquent sans le perdre lui-même, et le secours qu’on en pouvait retirer. D’autre part, il fallait cette amorce à son imagination. Ceux donc qui s’étaient placés entre lui et la cour conseillèrent de lui laisser au moins l’espérance d’un portefeuille. Cependant les intérêts personnels de Mirabeau n’étaient jamais l’objet d’une mention particulière dans les diverses communications qui avaient lieu : on n’y parlait jamais en effet ni d’argent ni de faveurs, et il devenait difficile de faire entendre à Mirabeau ce qu’on voulait lui apprendre. Pour cela, on indiqua au roi un moyen fort adroit. Mirabeau avait une réputation si mauvaise que peu de personnes auraient voulu lui servir de collègues. Le roi, s’adressant à M. de Liancourt, pour lequel il avait une estime particulière, lui demanda si, pour lui être utile, il accepterait un portefeuille en compagnie de Mirabeau. M. de Liancourt, dévoué au monarque, répondit qu’il était décidé à faire tout ce qu’exigerait le bien de son service. Cette question, bientôt rapportée à l’orateur, le remplit de satisfaction, et il ne douta plus que, dès que les circonstances le permettraient, on ne le nommât ministre.