XVI Ci-gît Mimi

En découvrant le spectacle dans la salle des harpons, on comprend aisément pourquoi la môme Flétan a légèrement flanché du cabochon. Fixant le plafond de ses yeux révulsés, baignant dans une mare de sang, bouche béante, langue pendante, Mimi git là, recroquevillé sur le carrelage. La flèche d’acier de douze millimètres de diamètre qui lui traverse le kiki de la pomme d’Adam à l’occiput, lui donne un peu l’air d’une girouette plantée dans de la purée de betterave. Son index gauche est toujours crispé sur la détente du fusil, et, de son autre main, dans les affres de l’agonie, il a encore trouvé la force de tracer un ultime message ; trois lettres sanguinolentes, bavassant sur le carrelage : CDD

Sous le choc, Peter vacille.

— My God, mon Dieu, Mama mia… pauvre garçon !… Si seulement j’avais su que cela lui tenait tellement à cœur…

Le professeur Nieux et son assistant débarquent sur ces entrefaites.

— Messieurs, messieurs, mais que se passe-t-il ?

— Mimi Comtou vient de se suicider, Professeur.

— Mon Dieu, mais quelle terrible nouvelle ! Avec tout le travail que nous avons en ce moment…

— Don’t worry, Professeur, j’ai sur mon bureau une pile de C. V haute comme ça… Nous n’aurons guère de mal à le remplacer.

— Me voici rassuré, Monsieur le Directeur. Il n’empêche, ce pauvre Mimi nous manquera… Il n’était pas très futé, et ne sentait pas toujours la rose, mais c’était un gentil garçon, et il préparait très honorablement la brandade de morue. Ça me fait d’ailleurs penser qu’il va bientôt être l’heure d’aller nourrir nos pensionnaires. À présent que Mimi n’est plus là, il faut bien que quelqu’un s’en occupe… Vous venez, Andy ?

— J’arrive Profess…

— Ah messieurs, j’oubliais…

— Oui, monsieur le Directeur ?

— J’ai transmis au maire la conclusion de vos travaux. Il était tellement heureux d’apprendre que ce fichu problème de concombres allait enfin être réglé qu’il a décidé d’organiser, ce soir, à la mairie, un bal costumé en notre honneur.

— C’est vraiment très gentil de sa part, Monsieur le Directeur, mais… après ce qui vient d’arriver à ce pauvre Mimi, croyez-vous vraiment que ce soit…

— Ces scrupules sont tout à votre honneur, Professeur, mais je suis persuadé que si Mimi était encore en vie, il serait le premier à insister pour que nous y allions afin d’honorer sa mémoire… Alors, allons-y ! Ce sera une merveilleuse façon de lui rendre hommage ! Et puis, une invitation du Maire… ça ne refuse pas !

— Vous avez raison Monsieur le Directeur. Vous pouvez compter sur nous, nous irons, ne serait-ce que pour faire plaisir à Mimi ! N’est-ce pas, Andy ?

— Oui, Profess…

— Fort bien messieurs, je vous laisse vaquer à vos occupations et vous dis à ce soir, vingt-et-une heure, à la mairie. Je compte sur vous pour arborer de beaux déguisements, il en va de la réputation du C.O.P. P !

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