LA NUIT DES LONGS COUTEAUX

« À ce moment-là… »

L’homme, un vaste gaillard à face de brute, posa des feuillets sur une table. Il lampa un verre de vin, grogna, se tapa sur les cuisses.

– Fameux, le môme !

Il se dressa et exécuta sur place une sorte de gigue : il boxait contre son ombre.

– Et je te démantibule les omoplates ! Et je te fais avaler ta pomme d’Adam ! Pan par-ci ! Pan par-là ! Allez donc dans les gencives ! Et allez donc dans les tibias ! Il est impayable pour expliquer la châtaigne, le gamin ! Il tient debout à peu près comme un pied d’artichaut, mais, question crâne, c’est quelqu’un !

Un autre homme était assis près d’une cheminée. À petits coups, de la pointe de ses espadrilles, il taquinait la cendre, jusqu’au bord des braises. Il cracha sur un brandon.

– T’excite pas, Julien ! fit-il, et continue.

– Continuer quoi ?

– De lire ! Tu t’es arrêté à : « À ce moment-là… » Qu’est-ce qui arrive après ?

– Ça, mon vieux… Va le demander au môme. Il n’a pas été plus loin.

La nuit était claire, très calme.

Près d’une fenêtre, une femme sans âge, à la peau terreuse, ravaudait des hardes.

– L’orage d’avant-hier n’aura pas fait de mal aux choux, dit-elle.

Elle posa son ouvrage.

– Je vais voir le petit. Je suis sûre qu’il aimera un bol de café. Il en est gourmand de café, c’est effrayant !

– Tous les crânes sont gourmands de café ! affirma Julien, la brute qui, tout à l’heure, boxait contre son ombre.

– Les crânes ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ? fit l’homme assis devant le foyer.

– Ceux qu’en ont dans le ciboulot, quoi ! Faut tout te définir, alors ? Le café, ça les excite. Je t’accompagne, Marie.

– Bon. Mais ne l’ennuie pas, hein ? Laisse-le travailler tranquille. Quelle heure est-il, d’abord ?

– Dix heures, par là.

– Déjà ? Dans une heure, je l’enverrai au lit.

– Marie, je crois que tu as tort. La nuit, les crânes sont à leur affaire. Tandis que le matin, faut que ça fasse la grasse matinée ; ça n’est bon à rien avant midi. C’est susceptible ! Craintif comme une fleur !

– Ça va ! Ça va ! Tiens la bougie, que je verse son café.

Le couple entama l’ascension d’un escalier étroit, aux marches raides.

L’homme demeuré seul près des braises avait pris les feuillets sur la table, et, tout en tirant sur une courte pipe chanteuse, relisait ce que venait de lire à haute voix l’homme à mine de brute :

« Sous la violence du coup, le sinistre bandit chancela. Un second uppercut le jeta à terre… »

Au premier étage, la femme s’arrêta.

– Ouvre la porte, Julien !

Son compagnon introduisit une lourde clé dans une serrure massive, trop luisante pour n’avoir pas été posée là récemment.

– Bonsoir, petit crâne ! Ça va comme tu veux ?

– Oui et non ! répondit Mathieu Sorgues.

– On t’apporte du jus.

– Ah, merci !…

Mathieu Sorgues but une gorgée du breuvage fumant.

– Ça manque de sucre !

– Je me doutais que tu en réclamerais, dit la femme, gentiment. J’en ai amené. Tiens !

De la poche de son tablier, elle tira trois cubes blancs.

Elle s’assit sur la couchette, un petit lit de fer très propre.

Mathieu Sorgues était installé devant une table encombrée de papiers. Ses doigts étaient maculés d’encre. L’homme à face de brute se tint debout auprès de lui.

– Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il.

– C’est ce chapitre : « La Nuit des Longs Couteaux. »

Julien appuya sa grosse patte sur une pincée de feuillets froissés.

– Et ça ?

– Deux nouvelles versions de La Nuit des Longs Couteaux. Elles ne me plaisent pas plus que la première. Mais j’en ai une troisième en route. Je crois que ça va marcher.

– Le mieux est l’ennemi du bien, dit Julien, sentencieusement.

Il prit les feuillets froissés.

– C’est pour jeter ?

– Oui.

– Tu n’en as plus besoin ?

– Non.

– Bon !

L’homme enfouit les feuillets dans sa poche.

– Il me faudra bientôt encore de l’encre, dit Mathieu Sorgues.

– César va à Meaux demain après-midi. Il t’en rapportera une fiole. As-tu besoin de plumes, aussi ? Tant qu’à faire…

– Non, non, merci, Julien.

L’homme fit quelques pas dans la pièce, posant un doigt sur le rebord du lit, sur la clé de l’armoire, sur la cuvette de toilette, sur l’espagnolette de la fenêtre derrière laquelle huit solides barreaux de fer profondément enfoncés dans le mur dessinaient, contre le ciel inondé de clair de lune, un quadrillé sinistre.

Cette pièce était, depuis un mois et demi, la prison de Mathieu Sorgues, l’élève qui portait à Saint-Agil le numéro 95.

La maison se trouvait à cinq cents mètres de la route de grande communication, non loin de Changis-Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, à peu près à treize kilomètres de Meaux et huit de la Ferté-sous-Jouarre. Elle était installée derrière un bois, en plein champ. Des carrés de poireaux, de choux, de salades l’entouraient.

Outre Mathieu Sorgues, trois personnes l’habitaient : César, l’homme en espadrilles qui était resté près du foyer, Marie, sa femme, et leur domestique Julien. César était maraîcher, – pour la façade.

Un mois et demi auparavant, on leur avait amené en automobile Mathieu Sorgues, bâillonné, ligoté.

D’abord, le collégien séquestré avait ruminé mille et un plans d’évasion, – tous impraticables. Aucune ressource pour la ruse, l’imagination. Ni trappes secrètes, ni issues mystérieuses à sa prison. Rien de romanesque. Une porte solide, des murs solides, une fenêtre pourvue de barreaux solides ; c’était écœurant de simplicité.

Sorgues avait envisagé cinq possibilités : refuser toute nourriture : mais il songea qu’on pourrait fort bien le laisser périr d’inanition plutôt que de le libérer. Mettre le feu à sa chambre ? Il eût été brûlé vif, sans bénéfice. Corrompre ses geôliers : il ne disposait d’aucun moyen de corruption. Scier les barreaux de sa fenêtre ? Rien de plus facile dans un roman. Mais, dans la réalité… Appeler, dans l’espoir d’alerter quelqu’un ? En bas, l’on veillait, et l’on avait promis à Sorgues, si jamais il se livrait à cette fantaisie, une balle dans la tête. Il avait eu le sentiment que ce n’était pas là une parole en l’air. Il se trompait, d’ailleurs. Les instructions reçues par César n’étaient pas aussi sévères.

Dès lors, il s’était résigné.

Une sorte d’entente avait été conclue.

Qu’il ne causât pas « d’ennuis », ne posât pas de questions saugrenues, acceptât philosophiquement sa détention (d’ailleurs provisoire, lui assurait-on) et, en retour, il ne serait pas molesté, on le nourrirait bien, on lui apporterait même, de Meaux, ce qu’il désirerait, à condition qu’il ne formulât pas d’exigences déraisonnables.

Sorgues avait demandé un petit dictionnaire Larousse illustré, du papier blanc en quantité, de l’encre, des plumes. Et il s’était attaqué à la tâche de réécrire, depuis le début, et d’achever le roman : Martin, squelette, dont les cent premières pages étaient restées à Saint-Agil.

Si l’heure de sa libération n’était pas arrivée lorsque ce travail serait terminé, il attaquerait un autre roman. D’ores et déjà, il avait une idée à ce sujet.

De part et d’autre, le pacte avait été observé. Sorgues était soigné quasi maternellement par Marie. César et Julien, franches canailles, mais frustes créatures, montaient à sa chambre bien moins pour le surveiller que pour savoir comment avançait la fabrication de Martin, squelette. Car, – et c’était là le plus piquant de la situation, – ils lisaient ce roman au fur et à mesure de la production, ils le dévoraient avec le même enthousiasme dont ils eussent dévoré des récits d’aventures à cinquante centimes ; ils s’y passionnaient même davantage, ayant la chance insigne de voir le miracle de l’écriture se produire sous leurs yeux. Les inventions du collégien imaginatif les stupéfiaient. Dans la mesure de leurs moyens, ils admiraient Mathieu Sorgues.

– Tu n’as besoin de rien d’autre ? insista Julien.

– Non, merci.

– Alors, on te laisse.

– C’est ça…

– Ne te couche pas trop tard, conseilla Marie.

– Ça…, protesta Mathieu Sorgues. Je suis parti pour écrire ce chapitre… J’irai tant que je pourrai.

– Mais oui, fit Julien. Tu as raison d’en profiter pendant que ça chauffe. As-tu du pétrole assez pour tenir, au moins, Mathieu ?

– Oui, oui ; la lampe est aux trois quarts.

– Bonne nuit !

– Bonne nuit !

La serrure claqua.

En bas, dans la salle commune :

– Demain matin, dit Marie, ne faudra pas faire trop de boucan, les hommes. Le petit va sûrement dormir jusqu’au déjeuner.

Julien tira de sa poche les feuillets froissés.

– J’ai rapporté ça qu’il voulait jeter.

– Vas-y, dit César. Lis-nous ce que ça raconte.

D’une grosse voix appuyée et hésitante, Julien commença la lecture :

La Nuit des Longs Couteaux.

Zorg, Bohm et Mac Roy installèrent Martin squelette sur un quartier de roc, au fond du repaire . Les trois aventuriers avaient la certitude que l’assaut ne tarderait pas. La nuit était claire, le ciel fourmillait d’étoiles. La lune n’était pas encore levée. Faute de munitions, les revolvers ne pouvaient plus être d’aucune utilité, mais il restait les poignards.

– Écoutez ! dit Mac Roy. Avez-vous entendu ce bruit de gravier ?

– Le Bédouin approche !

Brusquement, une ombre se dressa au seuil du repaire.

 Je sais que vos cartouches sont épuisées, ricana le Bédouin. Vous êtes à ma merci !

– Pas encore, cria Mac Roy.

Une silhouette fantomatique se profila derrière celle du Bédouin. Jef, l’homme volant, était au côté de son chef. Le feuillage d’un palétuvier bruissait, à dix pas de l’entrée du repaire.

Lentement, le Bédouin épaula son Winchester ; son doigt caressa la gâchette.

À ce moment-là…

Julien cessa de lire.

– Il n’a pas continué. Ça ne lui plaisait pas.

– Je me demande pourquoi ? C’est épatant…

Julien prit un autre feuillet, se remit à lire.

La Nuit des Longs Couteaux.

Zorg, Bohm et Mac Roy agenouillèrent Martin squelette sur le sol, près de l’entrée du repaire. La nuit était très obscure, sans une étoile. Pas un souffle de vent.

– Le Bédouin tombera dans le piège que je suis en train de lui tendre, ou j’y perdrai mon nom ! proféra Mac Roy tout en installant un réseau compliqué de cordelettes destinées à relier le squelette au tronc d’un palétuvier qui se dressait à vingt pas de l’entrée du repaire.

– Les armes sont-elles chargées ? demanda Bohm.

– Jusqu’à la gueule, répondit Zorg. Et nous avons assez de munitions pour tenir trois jours.

– Je crois que nos poignards suffiront, jeta Mac Roy. Voici mon plan…

À ce moment-là…

Julien reposa la feuille de papier.

– C’est tout pour le moment, fit-il.

– Épatant ! commenta César. C’est du pur ! Je me demande où il va chercher tout ça ! Je serais curieux de savoir ce que Mac Roy compte fabriquer avec ses cordelettes.

Au premier, Mathieu Sorgues, emporté par l’inspiration, écrivait fébrilement :

La Nuit des Longs Couteaux.

La lune se levait . Le vent soufflait en tempête. Zorg, Bohm et Mac Roy avaient installé le squelette Martin sur un palétuvier qui s’élevait à trente pas de l’entrée du repaire. À la ceinture des aventuriers, des poignards luisaient… Soudain, un rire funèbre écla ta derrière le rocher.

– Jef, l’homme volant, imite le rire de la hyène, murmura Bohm. Mais nous ne nous laisserons pas prendre à ses ruses ! Tenons-nous sur nos gardes !

À ce moment-là…

Les têtes des artichauts s’agitèrent.

– On donne l’assaut ? questionna André Baume. C’est l’instant, je crois.

– Ta bouche, bébé ! répliqua un policier à moustaches qui rampait au creux d’un sillon. Tu te crois dans la Pampa, peut-être ? Buffalo Bill de mon cœur, va !

– La ferme ! intima M. Raymon. Où êtes-vous, Mirambeau ?

– Ici…

– Avançons. D’après mes renseignements, les gosses doivent se tenir au premier, dans la pièce éclairée. Les autres sont en bas. Il faut à tout prix les empêcher de monter. Compris ?

Les quatre hommes progressaient avec d’infinies précautions. Ils étaient maintenant au milieu d’un carré de choux. Ils atteignirent le pied de la maison. Le policier à moustaches fut hissé à la force du poignet et se trouva bientôt à la hauteur du premier étage. La fenêtre était ouverte. Il en tapota le rebord, très doucement.

Mathieu Sorgues, assis à sa table, leva le front et sursauta.

– Crie pas, bébé ! souffla le policier. On vient te tirer de là. File-toi en douce sous le plumard, et fais le mort jusqu’à ce que je te dise de ressusciter.

Du pied, il prenait appui sur une treille. Il posa sur le rebord de la fenêtre le canon d’un pistolet automatique.

En bas, M. Raymon donnait ses dernières instructions.

– Vous, Baume, à la fenêtre. Mirambeau, à la porte avec moi. Il faut l’enfoncer d’un seul coup. Je pense que nous y arriverons, à nous deux.

– Inutile d’opérer à deux, dit M. Mirambeau. Nous nous gênerions. J’en fais mon affaire.

Chacun prit position.

À l’intérieur de la maison, Julien et César bâillaient. Marie poussait plus mollement l’aiguille dans l’étoffe des vieux vêtements ; ses mains s’endormaient.

– Dites, les hommes, vous n’avez pas envie de vous mettre au lit ?

M. Raymon toucha à l’épaule M. Mirambeau, du bout d’un doigt, comme on presse, délicatement, le bouton de commande d’un marteau-pilon.

– Allez, Mirambeau !

L’hercule, qui se tenait arc-bouté sur les jarrets, se rua vers la porte.

Il l’attaqua de toute la vigueur de son corps de géant.

La porte éclata.

– Nom de Dieu !…

La femme glapit. Julien et César avaient bondi, renversant des sièges.

– Haut les mains !

César et Julien se soucièrent peu de cette injonction. Une chaise vola dans la direction de la porte, une autre dans la direction de la fenêtre que venait de briser André Baume. Julien se précipita sur M. Mirambeau, lequel eut le tort de retarder d’une seconde l’instant de faire feu. Les deux hercules se colletèrent. César, plongeant comme un joueur de rugby, avait harponné aux cuisses M. Raymon, qui lui martelait les reins.

Marie saisit un pique-feu. Mais Baume, la face tailladée par des éclats de verre, escalada la fenêtre et sauta dans la pièce.

Une horloge à poids s’affaissa dans un tintement de rouages brisés. Son timbre se mit à marquer l’heure.

M. Raymon s’appuya à la table.

D’un coup violent du tranchant de la main sous la gorge, il venait de plonger César dans une asphyxie momentanée. Dans la bagarre, son veston avait été déchiré par le milieu, une manche pendait.

André Baume avait maîtrisé la femme.

M. Mirambeau et Julien continuaient à lutter, très près du foyer. Intervenir n’était pas facile. M. Raymon hésitait, lorsqu’il vit le surveillant, ayant assuré une bonne prise, commencer de soulever, en ahanant, son adversaire qui lui tordait le bras.

D’une brusque secousse de reins, M. Mirambeau projeta Julien au milieu des flammes. Des brandons s’éparpillèrent, cependant qu’un hurlement retentissait.

Julien jaillit du foyer. Ses vêtements en loques sentaient le roussi. Il sauta vers un buffet. Lorsqu’il se retourna, il tenait un coutelas.

M. Raymon braqua son revolver.

– Ne tirez pas ! dit M. Mirambeau.

Il souleva la table de chêne massif et la renversa sur Julien qui s’écroula.

Baume poussa un cri.

– César !

L’homme avait repris conscience, s’était remis debout et élancé dans l’escalier.

Avant que Mirambeau et Raymon fussent parvenus à leur tour au sommet des marches, une détonation sèche claqua. Un bruit de chute suivit. Le policier posté à la fenêtre avait tiré en voyant paraître, sur le seuil de la pièce du premier, César tenant un couteau à cran d’arrêt. Par l’œil droit, la balle avait pénétré à l’intérieur du crâne.

Baume pénétra dans la chambre de Sorgues.

– Alors, Mathieu, ça biche ? lança-t-il avec un flegme affecté.

– Pas mal et toi ? répliqua Sorgues, encore tremblant des pieds à la tête, mais feignant la désinvolture.

Baume promena un regard étonné et anxieux autour de la pièce.

– Macroy n’est pas avec toi ?

– Macroy ? Comment veux-tu…

– Où est-il ? Qu’en ont-ils fait ?

– Comment veux-tu que je le sache ? Je le croyais avec vous, en bas.

– Avec nous ?

– Eh bien, oui ! Il ne faisait pas partie de l’expédition ?

– Partie de l’expédition ? Tu n’es pas au courant ? Macroy a disparu de Saint-Agil depuis trois semaines, mon vieux ! et on est sans nouvelles. Nous pensions le trouver enfermé avec toi…

– Qu’est-ce que tu racontes ? Ils ont enlevé Macroy aussi ?

– Je n’en ai pas la preuve, mais il y a les plus fortes chances.

Les recherches ne donnèrent aucun résultat. Philippe Macroy ne se trouvait pas dans la maison.

– En tout cas, dit M. Raymon, voici qui est de bonne prise.

Il montra un paquet de clichés photographiques et de plaques de cuivres gravées.

– En route ! Embarquons le gibier dans l’auto et filons.

– Une minute, fit Mathieu Sorgues.

Il courut à la table et ramassa, pêle-mêle, des feuillets couverts d’écriture.

– Mon roman…, expliqua-t-il.

Une demi-heure plus tard, M. Raymon et son acolyte arrivaient avec M. Mirambeau, André Baume et Mathieu Sorgues au commissariat de Meaux.

Julien et Marie furent incarcérés séance tenante.

– Et à présent ? demanda ensuite le commissaire.

– À présent ? dit M. Raymon. Je pense qu’une bonne nuit de sommeil s’impose. Il ne saurait être question que les enfants rentrent à la pension. Je vais les installer en ville. Vous, Mirambeau, vous réintégrez votre dortoir, bien entendu…

 

Le policier conduisit Sorgues et Baume dans un hôtel proche de la gare. Il n’y avait dans la chambre qu’un lit, mais vaste. Les deux collégiens se couchèrent.

– Voilà terminées vos aventures, dit cordialement M. Raymon.

– Oui, mais celles de Macroy ? fit Mathieu Sorgues avec angoisse.

Le policier eut une phrase optimiste, referma la porte et s’éloigna. Bientôt après, il arrivait rue Croix-Saint-Loup. Au pied du long mur gris, un homme veillait.

– Salut, chef.

– Bonsoir. Quelles nouvelles ?

– Boisse et Donadieu sont partis ensemble pour Paris ce soir par l’express de huit heures douze. Deux de mes hommes leur ont emboîté le pas, naturelle…

– Je sais ! coupa M. Raymon impatiemment. Sont-ils rentrés ?

– Pas encore, chef.

– Parfait. Ensuite ?

– Benassis a passé la soirée au café du Palais à bavarder avec Darmion et Cazenave. Conversation sans intérêt. La guerre…

– Parfait. Après ?

– Planet n’a pas mis le nez dehors.

– Parfait. Bonsoir.

M. Raymon pénétra dans la pension, gagna sa chambre et se mit au lit.

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