XIX

J’aurais dû aller chercher la pelle et la pioche et l’enterrer là, mais j’avais peur de la police maintenant. Je ne voulais pas qu’on me rattrape avant d’avoir liquidé Jean. Sûr, c’est le gosse qui me guidait maintenant ; je me suis agenouillé devant Lou. J’ai défait la corde qui lui tenait les mains ; elle avait des traces profondes sur les poignets et elle était flasque à toucher comme sont les morts juste après qu’ils sont morts ; déjà ses seins s’avachissaient. Je n’ai pas retiré la jupe de sa figure. Je ne voulais plus voir sa tête, mais j’ai pris sa montre. J’avais besoin de quelque chose à elle.

J’ai repensé brusquement à ma figure à moi et j’ai couru à la bagnole. En me regardant dans le rétroviseur, j’ai vu que ce n’était pas grand-chose à arranger. Je me suis lavé avec un peu de whisky ; mon bras ne saignait plus ; j’ai réussi à le retirer de ma manche et à l’attacher serré autour de mon torse avec mon foulard et de la corde. J’ai failli chialer tellement j’avais mal, car il fallait que je le replie ; j’y suis arrivé quand même en sortant du coffre une seconde bouteille. J’avais perdu pas mal de temps et le soleil n’était guère loin. J’ai pris le manteau de Lou dans la voiture et j’ai été le coller sur elle, je ne voulais pas trimbaler ça avec moi. Je ne sentais plus mes jambes, mais mes mains tremblaient un peu moins.

Je me suis réinstallé au volant et j’ai démarré. Je me suis demandé ce qu’elle avait pu dire à Dex ; son histoire de police commençait à me tracasser, je n’y pensais pas vraiment. C’était derrière, comme un fond sonore.

Je voulais avoir Jean maintenant et sentir encore ce que j’avais senti deux fois en démolissant sa sœur. Je venais de trouver ce que j’avais toujours cherché. La police, ça m’embêtait, mais tout à fait sur un autre plan ; ça ne m’empêcherait pas de faire ce que je voulais, j’avais trop d’avance. Ils seraient obligés de cavaler dur pour me rattraper. Il me restait un peu moins de trois cents milles à faire. Mon bras gauche était à peu près engourdi maintenant et je donnai toute la sauce.

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