IV

Pour tout dire, il avait peur.

Bien des pressentiments l’assaillaient à la fois dont il ne pouvait se dégager.

En toute autre circonstance, peut-être n’eût-il pas attaché tant d’importance à la communication de Georges Palmer ; mais cette communication paraissait viser M. de Beaufort dans ses mystérieuses menaces, et Gaston se sentait pris d’une grande épouvante en songeant qu’elles pouvaient atteindre Edmée.

Edmée !…

Il l’avait vue une heure à peine, et ses yeux, sa pensée, son cœur en étaient pleins.

Il n’avait jamais aimé encore ; il avait vécu jusqu’alors, sinon indifférent, du moins impassible. Il s’était peu mêlé au monde, et devait se trouver sans défense devant les premières sensations qui le frappaient.

C’est ce qui était arrivé.

Il ne s’attendait à rien de pareil.

Ç’avait été pour lui comme une révélation, une initiation plutôt !

Edmée s’était offerte dans toute la candeur de son âme naïve et pure, sans timidité comme sans audace, et il avait été ébloui de sa grâce touchante et de son abandon sincère.

Depuis la veille, il ne pensait qu’à elle ; et comme il n’avait pu la séparer de l’entourage au milieu duquel elle vivait, il éprouvait parfois un douloureux serrement de cœur en se rappelant certains faits inexplicables qui l’avaient fort troublé.

La visite de Palmer ne fit qu’ajouter à ses appréhensions.

Il y avait, à n’en pas douter, comme une menace de malheur autour de cette famille.

Gaston s’arrêtait effrayé devant les suppositions auxquelles, par moment, il s’abandonnait malgré lui.

Et plus cette impression s’accentuait, plus il comprenait à quel point son amour, né d’hier, avait poussé des racines profondes dans son cœur.

Qu’allait-il faire cependant ? Il n’en savait rien.

Il attendit, pour prendre un parti, que Bob lui eût fait connaître le résultat de la mission qu’il lui avait confiée.

Mais Bob ne revint que fort tard dans la soirée.

Gaston l’attendait avec une mortelle impatience ; il l’interrogea avidement.

Bob avait suivi Palmer avec obstination.

Pendant toute la journée, il ne l’avait pas perdu de vue.

Il avait parcouru à peu près tous les quartiers de Paris, depuis la rue de la Chaussée-d’Antin jusqu’à la barrière du Trône, s’arrêtant ici et là, pour se réconforter.

Enfin, il y avait une heure que Bob l’avait abandonné.

— Et en quel endroit l’as-tu quitté ? demanda Gaston, un peu dépité de ce résultat négatif.

— Sur la rive gauche, répondit Bob.

— Il est rentré chez lui ?

— Je ne pense pas. C’est un quartier à peu près désert, non loin du Luxembourg ; le jour baissait, on n’y voyait plus beaucoup, et nous longions un grand mur, quand tout à coup mon homme a disparu, sans que j’aie pu m’expliquer par où il avait passé.

— Voilà qui est bizarre.

— N’est-ce pas, commandant ? J’ai fait le tour du mur : point de portes ; rien qu’un vaste enclos avec quelques grands arbres derrière lesquels j’ai vaguement aperçu la silhouette d’une chapelle.

— Un couvent, peut-être ?

— Je le crois.

Gaston réfléchit quelques secondes, puis il releva vivement la tête.

Il était trop dévoré d’impatience pour rester plus longtemps dans l’incertitude. C’était d’ailleurs un homme de résolution prompte et qui n’avait pas pour habitude d’hésiter dans les occasions sérieuses.

— Voyons, dit-il aussitôt, en se tournant vers Bob, reconnaîtrais-tu l’endroit dont tu viens de parler.

— Oh ! à coup sur, répondit le jeune novice.

— Eh bien ! nous allons prendre une voiture, on nous arrêtera dans les environs du Luxembourg, et une fois là…

— Une fois là, acheva Bob, je m’orienterai et je mettrai facilement le cap sur l’habitation.

Sur ces mots, ils partirent.

Gaston avait promis un bon pourboire au cocher ; en moins d’une demi-heure, ils descendaient à la hauteur du Luxembourg, et Bob prenait les devants.

Ce ne fut pas long.

Peu après, ils atteignaient le commencement d’une rue à l’angle de laquelle s’élevait un grand mur ; derrière, à la lueur du gaz, on voyait pointer quelques branches d’arbres dépouillés de leurs feuilles.

— C’est ici ! fit Bob.

La rue était déserte, fort mal éclairée, Gaston commença son examen…

Cela dura quelques minutes.

Arrivé à un endroit où le mur faisait retour sur des terrains vagues, il s’arrêta et prêta l’oreille.

On entendait un vague chuchotement de voix jeunes et fraîches.

— C’est un couvent, ainsi que je le supposais, dit-il ! mais quelles raisons peuvent bien y attirer le capitaine Palmer ?…

Il n’acheva pas.

Bob venait d’étouffer un cri.

— Qu’y a-t-il ? demanda Gaston en se rapprochant.

— Je n’étais pas venu jusqu’ici, répondit le jeune novice, ou, pour sûr, j’avais mal vu…

— Qu’est-ce donc ?

— Une porte ! voyez.

— En effet !

— C’est par là que Palmer a disparu !

— Probablement ; mais depuis, il s’est éloigné sans doute.

— Peut-être ! On a l’ouïe fine aussi ! Écoutez ! Gaston se pencha et perçut nettement alors le bruit d’un pas lourd derrière le mur.

— On approche, fit Bob en baissant la voix. On vient de ce côté. Si mes oreilles ne m’abusent pas, c’est un homme, et il n’est pas seul.

— Quel est ce nouveau mystère ?

— Mettons-nous à l’écart, commandant ; il ne faut pas qu’on nous voie, et fiez-vous à moi pour ne rien perdre de ce qui va se passer.

Le conseil était bon, Gaston le suivit.

Par un mouvement rapide, il se rejeta dans l’ombre et attendit, l’œil ardemment fixé sur la porte.

Bob en fit autant.

Une minute s’écoula.

On entendait toujours le même murmure de voix, au-dessus duquel éclatait de temps à autre certaines notes gaies et sonores échappées à quelques pensionnaires indisciplinées.

Puis, à un moment, la porte de l’enclos s’ouvrit et un homme parut.

Georges-Adam Palmer !

Une sœur l’accompagnait !

Ils s’arrêtèrent sur le seuil.

— Alors, vous n’avez pas d’autre recommandation à m’adresser ? fit Palmer avant de s’éloigner.

— Non : tout est bien, répondit la sœur ; maintenant que vous êtes sur la piste de ce misérable Gobson, je crois que je touche à la fin de tous mes tourments ; il faudra bien qu’il parle !

— Mais le commandant !

— M. de Pradelle ?

— Que lui dirai-je ?

— Rien. J’ai été heureuse d’apprendre qu’il est à Paris ; il doit, m’avez-vous dit, y rester un an. Quand le moment sera venu, je l’appellerai à mon aide, et j’espère que cette fois encore…

Gaston n’en entendit pas davantage.

La cloche venait de sonner ; l’enclos s’était tout à coup rempli de bruit et de mouvement, et la porte s’était refermée…

Gaston laissa Palmer quitter la place sans songer à le retenir.

Ce qu’il venait de voir était si extraordinaire, si invraisemblable surtout, qu’il ne parvenait pas à trouver une explication plausible.

Mais à travers le trouble de son esprit, un sentiment impérieux s’était emparé de lui, et c’est avec un frisson d’épouvante qu’il songeait à ce Gobson que l’on avait vu sortir de la demeure de M. de Beaufort.

Il y avait là un mystère qu’il comprenait mal encore, et au fond duquel il n’osait pénétrer.

Il rentra chez lui fort perplexe, et quelques jours se passèrent sans que rien d’important vînt l’arracher à l’espèce de torpeur où tous ces événements l’avaient plongé.

Malgré lui, il se sentait enveloppé peu à peu par quelque chose de fatal et de sombre qui lui enlevait sa volonté et sa présence d’esprit.

Il ne s’appartenait plus.

Il était tout entier à cette énigme, dont il cherchait vainement le mot et qui l’épouvantait.

Il ne pouvait plus penser à autre chose.

Souvent, poussé par un désir mal défini, mais impérieux, il avait formé le projet d’aller trouver M. de Beaufort et de lui faire part de ses appréhensions.

C’eût été insensé ! Il n’avait aucune raison, aucun prétexte pour agir de la sorte, et il y avait renoncé.

Mais il était réellement malheureux.

Plus il avançait, plus il comprenait que son cœur était pris, et qu’il aimait !

Une fois, il avait songé à reprendre la mer. Il espérait qu’en mettant le pied sur le pont de son navire, le calme se ferait dans son esprit, et qu’il lui serait facile d’oublier.

Vain espoir !

Au moment où ses résolutions paraissaient le mieux arrêtées, quand il se voyait sur le point de formuler sa demande qu’on n’eût pas manqué d’accueillir favorablement, il se prenait à pâlir et à trembler, à la pensée d’une séparation aussi cruelle.

À Paris, au moins, il était près d’Edmée, il pouvait la voir, s’en faire aimer, la demander à M. de Beaufort.

Tandis qu’une fois parti, elle l’oublierait et deviendrait la femme d’un autre !

Alors, tout son sang brûlait ses artères, il prenait son front dans ses doigts crispés. Cela ne pouvait, ne devait pas être.

Et puis, s’il était vrai qu’elle dût être menacée, si les soupçons qui le torturaient venaient à se vérifier ! Il voulait être là pour la protéger, pour la défendre.

Enfin, après avoir passé par toutes ces alternatives, avoir subi tous ces tourments, un matin, il se leva bien résolu à retourner rue de la Chaussée-d’Antin.

Il devait une visite, et rien n’était plus correct.

Il verrait Edmée, M. de Beaufort l’éclairerait sur les doutes qui pesaient sur son cœur, et au sortir de cette épreuve, il prendrait son parti.

Cette résolution lui rendit un peu de tranquillité.

La matinée se passa en préparatifs et en projets.

Ce qu’il allait faire lui semblait si naturel, qu’il avait recouvré une partie de sa fermeté et son sang-froid habituel.

Un incident qui survint vers onze heures, comme il allait se mettre à table pour déjeuner, lui apporta du reste une distraction salutaire et qui le réjouit fort.

On avait sonné. Bob était allé ouvrir, et presque aussitôt Gaston entendit son nom prononcé par une voix qu’il connaissait bien.

C’était Maxime de Palonier.

Il alla vivement à sa rencontre, et les deux amis s’embrassèrent avec effusion.

Il y avait trois années qu’ils ne s’étaient vus, Maxime revenait de campagne et était passé lieutenant de vaisseau depuis peu.

— Par ma foi ! dit Gaston, le visage rayonnant, il ne pouvait m’arriver de surprise plus agréable ; depuis quand es-tu arrivé ?

— Depuis hier, répondit Maxime.

— De sorte que je suis ta première visite ?

— Pardieu !

— Tu es un véritable ami, toi. À la bonne heure, et que viens-tu faire à Paris ?

Maxime jeta un joyeux éclat de rire.

— Eh donc ! répliqua-t-il, cela ne se demande pas. Il est onze heures, je viens déjeuner avec toi.

Immédiatement les deux amis se mirent à table.

Maxime n’avait guère changé, lui non plus : c’était le même garçon vif, ardent, aimable, un de ces marins éternellement jeunes, qui semblent avoir été créés uniquement pour aller promener par le monde la gaieté et l’esprit français.

— Et comptes-tu séjourner quelque temps dans la capitale ? interrogea Gaston au bout d’un moment.

— Malheureusement non, répondit Maxime ; je n’y ferai que passer. J’ai débarqué à Toulon, et au lieu de me rendre immédiatement à Brest, je suis venu toucher barre à Paris.

— Je sais que tu es presque un boulevardier.

— J’aime, en effet, le boulevard presque autant que la mer ; mais ce n’est pas aujourd’hui un pur intérêt de plaisir qui m’y attire.

— Qu’est-ce donc ?

— Ce sont les graves fonctions dont je suis investi !

Gaston regarda son ami avec surprise.

— Des fonctions graves ! toi ! répéta-t-il d’un ton enjoué ; parbleu ! voilà qui est nouveau.

— Ne plaisante pas.

— De quoi s’agit-il ?

— D’une chose fort simple en apparence, mais qui, depuis que nous ne nous sommes vus, m’a mis, comme on dit, un peu de plomb dans la tête.

— Explique-toi !

— Apprends donc qu’il y a trois ans, mon oncle Duparc est mort à Toulouse, laissant sa fille, Mariette Duparc, dans le plus complet dénuement. Je rentrais de campagne, et, naturellement, j’allai enterrer le brave homme ; en même temps, je vis l’enfant, qui avait à peine quatorze ans, et qui était bien la plus jolie créature que l’on pût rencontrer. Sa situation me toucha ; elle ne demandait rien cependant, la chère petite. Mais elle me regardait avec des yeux si inquiets, elle disait avec une si touchante candeur qu’elle n’avait plus que moi au monde, et qu’elle m’aimerait bien, si je voulais l’aimer comme l’avait fait son père, que, ma foi ! je me suis laissé attendrir ! Je ne suis pas riche, mais j’ai une aisance convenable, et, comme je ne devais pas tarder à repartir, j’emmenai l’enfant à Paris, et la plaçai dans un couvent, où elle doit rester jusqu’à sa majorité. N’ai-je pas bien fait ?

— Excellent cœur !

— Bon ! je ne sais pas ce que ça vaut, cette action-là ; mais ce que je puis affirmer, c’est qu’elle m’a rapporté bien des joies que je n’aurais jamais pu me procurer avec les quelques milliers de francs qu’elle m’a coûtés…

— Et depuis ?… vous êtes en correspondance.

— Elle m’écrit souvent… Moi, je lui réponds quelquefois. Voilà près de deux ans, que je ne l’ai vue.

— C’est pour elle que tu viens.

— À peu près. J’irai demain au couvent où je l’ai placée. Elle a dû être prévenue, hier, de mon arrivée, et je suis sûr qu’elle m’attend avec une impatience ?

— Pauvre enfant !

— Du reste, ajouta Maxime, je veux que tu la connaisses ; tu viendras avec moi.

— Y songes-tu ?

— Sans doute, elle t’intéressera, j’en suis sûr, et pour elle, ce sera une distraction ; elle adore les officiers de marine ! C’est entendu, n’est-ce pas ?

— Mais, je ne sais…

— Oh ! il n’y a pas d’indiscrétion ! Ce n’est pas un cloître, que diable ! on peut causer, et tu verras avec quel babil charmant elle nous accueillera.

— Après tout, je le veux bien.

— À la bonne heure !

— Où est situé ce couvent ?

— Ma foi, je ne te dirai pas le nom de la rue ; c’est derrière le Luxembourg, un grand mur, avec une chapelle. Je vois cela d’ici. Nous prendrons une voiture : le cocher trouvera bien.

Gaston ne répondit pas, mais il eut toutes les peines du monde à dissimuler l’impression qu’il ressentait.

Ce couvent dont lui parlait Maxime, et où il l’invitait à l’accompagner, c’était à n’en pas douter, celui d’où naguère il avait vu sortir Georges-Adam Palmer.

Cependant, l’heure était venue où il devait se rendre chez M. de Beaufort. Maxime ne tarda pas à le quitter pour vaquer lui-même à ses affaires, et quelque temps après, Gaston montait en voiture et se faisait conduire, rue de la Chaussée-d’Antin.

Une déception l’y attendait. Quand il atteignit le vestibule du rez-de-chaussée et qu’il demanda à voir madame de Beaufort, le valet qui le reçut lui annonça que madame Beaufort et mademoiselle Nancy étaient sorties, et qu’elles ne rentreraient que pour l’heure du dîner. Gaston remit sa carte et se retira. Il était vivement contrarié.

Il se promettait beaucoup de cette visite, et se désolait sincèrement d’être obligé de remettre à un autre jour.

D’ailleurs, une chose l’intriguait dans la réponse du valet.

Il avait parlé de madame de Beaufort et de Nancy, et n’avait pas prononcé le nom d’Edmée.

Qu’est-ce que cela signifiait ? pourquoi cet oubli ? Gaston en demeura troublé toute la journée. Le lendemain vers onze heures, l’arrivée de Maxime vint heureusement faire diversion à toutes les pensées qui l’obsédaient.

Maxime était d’une nature expansive, primesautière, qui ne s’était jamais laissé entamer par les tristes perspectives de la vie.

Il était né insouciant et gai, et se défendait de la mélancolie comme d’une maladie. Tout le monde l’aimait et il aimait tout le monde. Cela était bien un peu banal, et peut-être ne fallait-il pas faire grand fond sur les manifestations bruyantes de ses sympathies.

Il ne demandait pas, au surplus, à être pris autrement, et tel qu’il se présentait, indifférent plutôt que sceptique, il était charmant.

Gaston connaissait, d’ailleurs, les excellentes qualités du jeune lieutenant de vaisseau, et lui seul eût pu dire ce qu’il y avait dans ce cœur d’enfant turbulent, qui s’était gardé jusqu’alors des atteintes de toute passion mauvaise.

— Eh bien ! es-tu prêt ? dit Maxime en se précipitant dans la chambre.

— Prêt ! à quoi ?… fit Gaston.

— Eh pardieu ! l’as-tu déjà oublié ! Tu m’as promis de m’accompagner au couvent : je viens te chercher.

— Si tôt !

— On s’y lève de bonne heure, paraît-il. La petite Mariette doit griller, et tu comprends que je ne veux pas faire attendre la pauvre enfant !

— Tu as raison. Partons !

Ils descendirent. La voiture de Maxime était à la porte ; ils partirent aussitôt.

Au bout de quelques minutes, le jeune lieutenant de vaisseau, qui était resté silencieux jusque-là, se tourna brusquement vers son compagnon.

— Mon cher ami, dit-il d’un ton qui frappa Gaston, il faut que je t’avoue une chose qui m’arrive, et à laquelle j’étais certainement loin de m’attendre.

— Quelle chose ? dit Gaston étonné.

— Depuis hier, il s’est produit en moi un phénomène extravagant.

— Lequel ?

— J’ai réfléchi.

— Toi ?

— Tu vois, ça t’étonne, et moi aussi !

— Mais quel a été le sujet de tes réflexions ?

— La petite…

— Mariette ?

— Elle-même. Je me suis dit que, lorsque je l’ai recueillie, elle avait quatorze ans ; que trois années se sont passées depuis ; que par conséquent elle a grandi, s’est développée, et qu’au lieu de la gamine d’autrefois, je vais me trouver en présence d’une grande jeune fille.

— Cela t’embarrasse ?

— Cela m’effraie ! Songe donc, quand je l’ai quittée la dernière fois, je lui tapotais les mains, j’embrassais ses bonnes petites joues roses, je la prenais, pour ainsi dire, sans façon, dans mes bras, tandis que maintenant, je me connais, je suis capable de ne pas oser la regarder.

Gaston se prit à rire.

— Bon ! n’est-ce que cela ? répliqua-t-il ; toi ! un lieutenant de vaisseau de la marine impériale, allons ! ce n’est pas sérieux, et je suis bien certain que tu t’en tireras à ton honneur ; d’ailleurs, je serai là.

— Tu as raison, c’est bête ; mais tout de même cela me fait quelque chose…

Tout en devisant de la sorte, ils avançaient.

Share on Twitter Share on Facebook