XXIX PASSIONS HEURTÉES

Passavant et Odette, d’un même regard, fixaient Isabeau de Bavière. Clairement, ce double regard lui disait : Est-il bien possible qu’une grande reine condescende au guet-apens ? Est-il donc bien vrai que vous êtes venue ici avec quatre coupe-jarrets pour une aussi basse besogne ?

Isabeau, de son attitude, les dominait. Elle les examina un instant, et dit :

– Sire de Passavant, pourquoi devant votre reine gardez-vous l’épée à la main ?

C’était vraiment une reine qui parlait, sûre de sa force, de ses droits et privilèges. Cette voix, si calme, fit courir un frisson sur l’échine du jeune homme. Il eût préféré quelque terrible éclat.

Saluant donc d’un geste rapide, il rengaina le fer, mais il répondit :

– Pardonnez-moi, madame, mais je dois faire remarquer à Votre Majesté que les quatre hommes qui viennent de fuir avaient également l’épée au poing devant leur reine.

– Pour mon service, dit Isabeau. C’est bien. N’en parlons plus. Peu habitué à la cour, vous n’êtes pas initié aux règles de la politesse en usage. Je vous pardonne donc aisément vos manquements à l’étiquette, et même votre attitude en ce moment. Mais je veux savoir comment vous avez pu entrer ici. Répondez vite.

Passavant fut sincèrement étonné de la question.

– Mais, madame, dit le chevalier avec sa naïveté, vous avez pu voir comme ces messieurs que je suis entré par la fenêtre.

Isabeau se tourna vers Odette.

– Ainsi, dit-elle, il existe un homme qui a le droit d’entrer chez vous nuitamment et qui enfonce les fenêtres quand il trouve les portes fermées ?

Odette pâlit sous l’outrage, mais elle n’eut pas un mot ni un geste. Passavant, plus pâle que la jeune fille, fit deux pas rapides vers la reine, et, d’une voix qui tremblait :

– Majesté, dit-il, vous m’êtes sacrée. Non parce que vous êtes la reine, mais parce que jadis vous avez laissé tomber une larme de pitié sur une pauvre petite fille exposée à l’insulte, parce que vous avez recueilli cette enfant et que, ne pouvant la sauver, vous lui avez du moins fait une mort douce. Quand j’ai appris cela, madame, je vous ai bénie dans mon cœur, et j’ai juré que si vous me demandiez ma vie, je vous la donnerais. Je vous l’ai dit. Je suis prêt à tenir ma promesse. Demandez-moi donc mon sang goutte à goutte, Majesté, vous verrez comment un Passavant paie la dette de son cœur, mais ne me demandez pas d’écouter tranquillement des insultes comme celle que vous venez de proférer.

– Et pourquoi ? fit la reine avec un suprême dédain.

– Parce que je serais forcé de vous tuer, dit simplement Passavant.

Isabeau, quelques instants, baissa la tête. Un soupir gonfla son sein. Et elle songea :

– Elle est aimée, elle !

Ce fut chez la reine une rapide défaillance, une fugitive attaque de bonté, un insaisissable tribut payé à cet amour pur que jamais elle n’avait connu, que jamais elle ne connaîtrait.

– Sire de Passavant, dit-elle d’une voix basse et à demi suppliante, la reine veut vous parler. Voulez-vous, demain, venir en mon palais et m’écouter ?

Cette fois, Odette eut un mouvement. L’angoisse étreignit son cœur. Elle ne savait pas pourquoi. Presque aussitôt, et sans plus se rendre compte de ce qui se passait en elle, sa figure rayonna.

– Pardonnez-moi, répondait Passavant. Je suis tout prêt à écouter la reine et à exécuter ses ordres. Mais puisque c’est ici que j’ai l’honneur d’être reçu en audience par Votre Majesté, c’est ici même que je recevrai ses ordres.

Être reçu en audience ! Le chevalier avait trouvé le mot tout naturellement. Ce n’était pas de l’ironie. Le mot cravacha Isabeau.

– Vous êtes en état de rébellion. Prenez garde ! Je puis vous faire saisir et rejeter dans les fosses de la Huidelonne, dont cette fois vous ne seriez tiré que par l’Ange de la mort. Vous me demandez mes ordres… les voici : vous allez à l’instant même sortir d’ici et aller vous remettre aux mains de mon capitaine des gardes. Demain, je verrai ce que je puis faire de vous. Allez !

– Restez ! dit une voix rauque.

Passavant, Odette, Isabeau, tous trois d’un même mouvement, se tournèrent vers la porte, et là ils virent un homme livide, tremblant, vêtu de noir, immobile.

Le roi Charles VI… le fou !

Isabeau frémit. Le chevalier s’inclina. Le roi s’avança lentement et reprit :

– Seul, je puis ici donner des ordres. Et les voici : Retirez-vous, madame. Retirez-vous en votre palais, et j’oublierai peut-être. J’oublierai que vous êtes venue chez moi escortée de gentilshommes armés. Dans quel but ? Je ne chercherai pas à le savoir. Allez, madame, et croyez-moi. Continuons à vivre loin l’un de l’autre. Je vous ai aimée autrefois. Vous savez ce qu’a été ce bonheur. Les nuits de l’Hôtel Saint-Pol ont vu s’échafauder lentement ma misère. Un roi peut devenir insensé, mais il n’a pas le droit de pleurer. Nul n’a entendu mes sanglots alors que mon cœur battait encore pour vous. Ces nuits sombres, ces nuits féroces, madame, ont étouffé les hurlements du fou qui accompagnaient de loin les musiques de vos fêtes. Nul ne sait que le roi de France pleure son honneur et son bonheur perdus. Mais, de par Notre-Dame, ne touchez pas à ceux qui me sont chers, ou ce sera terrible pour vous ! Chevalier, vous savez maintenant le secret de ma folie. Je le confie à votre honneur. Odette, pardonnez-moi d’avoir une fois devant vous étalé ma misère. Il y a des heures où je souffre trop. Ce que j’ai dit a soulagé mon cœur…

Charles VI respira longuement. Il étendit le bras et, très doucement, répéta :

– Allez, madame…

Isabeau, pantelante, écumante, d’une voix qu’à peine on entendit :

– Devant l’intrigante, devant la rebelle, vous chassez la reine !…

– Non, madame, je vous dis simplement : Allez !…

Et comme Isabeau demeurait sur place, pétrifiée, rudement, cette fois, il étendit encore le bras et, d’un accent sauvage :

– Allez ! C’est l’ordre du roi !…

Haletant et hagard, à demi penché, il demeura dans cette attitude, tandis que la reine s’en allait en reculant.

Quelques minutes plus tard, elle était dans sa chambre, rugissante, insensée.

Bois-Redon était là, colosse paisible, habitué sans doute à tous les orages, car sa figure poupine souriait, et d’un geste d’ignoble élégance, il frisait entre deux doigts sa toute petite moustache.

Au bout d’une heure peut-être, ou plus, Isabeau l’aperçut, courut à lui, le saisit dans ses bras nerveux, l’étreignit, folle de rage et d’impudeur, et elle sanglota :

– Venge-moi ! Venge-moi !…

Et comme Bois-Redon répétait l’étreinte, répondait plus farouche, plus violent, d’une brusque secousse elle le repoussa et elle hurla :

– Va-t-en ! Va-t-en ! Tu n’es pas l’homme ! Ni toi ! Ni Jean sans Peur !… Il y a au monde un homme…

Elle s’abattit en travers de son lit, sanglota éperdument :

– Et cet homme n’est pas à moi !

Tout à coup, elle se releva, pénétra, rapide comme la tempête, dans la salle réservée à la tigresse Impéria ; l’animal allongé, le mufle sur les pattes de devant, ne daigna pas lever la tête. Isabeau tomba à genoux, saisit cette tête dans ses deux bras, enfonça ses doigts dans la rude toison, et cria :

– C’est toi ! C’est toi qui me vengeras !…

Il y eut un long et sourd rugissement. Impéria répondait !…

Là-bas, dans le palais du roi, une autre scène se déroulait, comme un pendant de celle que nous venons de retracer. Après le départ d’Isabeau, Charles VI s’était laissé tomber dans un fauteuil.

– Savoisy m’a tout dit, fit-il en grelottant. Ils ont fait disparaître Champdivers et dame Margentine.

Odette poussa un cri d’espoir. Ils n’étaient donc pas morts ! On ne les avait donc pas tués ! Elle eut un mouvement pour s’élancer. Le roi la contint d’un geste.

– Soyez sûre, dit-il, que je saurai retrouver ces deux braves serviteurs qui vous seront rendus sous peu de jours.

– Mais s’il leur est arrivé malheur ! Oh ! sire, je vous en supplie, qu’on sache tout de suite ce qu’ils sont devenus !…

– Non, continuait le roi, croyez-moi, c’est à vous qu’on en voulait – et à moi ! ajouta-t-il, soudain secoué d’un de ces longs frissons précurseurs de crise.

– Sire, murmura Odette, oubliant ses craintes et ses douleurs devant ce qu’elle entrevoyait, rassurez-vous. Il n’y a plus rien à craindre en ce moment.

En peu de mots, simplement, Passavant raconta son entretien avec Gringonneur, et comment, sûr qu’un danger terrible menaçait ceux-là mêmes qui l’avaient délivré de la Huidelonne, il était accouru pour mettre sa rapière à leur service. Il omit l’incident, de la porte de fer et l’intervention du geôlier. Charles VI, d’ailleurs, écoutait à peine, passant et repassant la main sur son front brûlant et murmurant :

– C’est à moi qu’on en voulait !…

Tout à coup il se dressa tout debout, et hurla :

– À moi !…

Savoisy, qui l’avait en effet réveillé et accompagné jusqu’à l’antichambre, entra précipitamment.

– Mon capitaine ! ordonna le roi.

Quelques instants après, le capitaine du palais entrait, et Charles VI lui donnait ses ordres :

– Des gardes partout… Entendez-vous, monsieur ? Nuit et jour. Un poste à chaque porte du palais. Et qu’on tue sans pitié tout ce qui tentera d’approcher, ami ou ennemi. Allez !… C’est moi qu’ils veulent tuer ! ajouta-t-il en retombant dans son fauteuil.

– Sire ! Calmez-vous, apaisez-vous ! Les ordres que vous venez de donner…

– Et si on gagne mes gardes ! râla le roi. Si l’on subordonne mon capitaine ! Si le pain qu’on m’apporte est empoisonné ! Si l’eau que je vais boire contient la mort !… Je suis perdu !…

Un instant, ses yeux flamboyants, d’un insoutenable éclat s’arrêtèrent sur Passavant, et le chevalier vit que ce regard contenait tout le désespoir du soupçon.

– Sire, dit-il de son ton froid, je crois qu’à cette heure vous ne devez pas trembler…

– Oui, bégaya le roi, dont le soupçon s’évanouit au même instant, je devine en vous un être de bravoure et de loyauté. Mais demain, monsieur, demain, si mes gardes me trahissent, qui me défendra ?… Oh ! ajouta-t-il soudain en battant des mains, j’ai trouvé… Nous sommes sauvés !

Quelques minutes, il se promena à grands pas dans la pièce. Puis, avec une fiévreuse volubilité, il reprit :

– Demain, au point du jour, je quitterai l’Hôtel Saint-Pol. Je quitterai Paris. Vous viendrez avec moi, Odette. Monsieur, notre litière sera entourée d’une bonne escorte. Je vous en donne le commandement.

– Sire, dit Odette tremblante, à quoi bon cette fuite… Je vous en prie, attendez que…

– Silence ! interrompit le fou avec une majesté théâtrale. Quand le roi ordonne, il n’y a plus qu’à obéir. Donc, vous viendrez avec moi. Monsieur, vous prendrez le commandement de l’escorte. Vous vous trouverez devant la grand’porte de l’Hôtel Saint-Pol à huit heures du matin. Me le promettez-vous ?

– Oui. Sire. Et d’ailleurs, ajouta Passavant avec un sourire narquois, quand le roi commande, il ne peut être question de promesses, mais d’obéissance.

– Voilà qui est bien dit ! fit joyeusement Charles VI en frappant ses mains l’une contre l’autre. Mais ce n’est pas tout. Avec une escorte de cent hommes d’armes que vous commanderez, vous faites-vous fort de nous conduire sains et saufs au château de mon défunt frère ?

– Sans aucun doute, sire ! Et même avec une escorte moindre.

Il pensait : Et même à moi tout seul ! Mais il n’osa pas le dire.

– Bon ! reprit Charles avec le même rire joyeux. Nous partirons donc à huit heures, et marcherons tout droit sur le château de Pierrefonds. On m’a assuré qu’il est solide et tiendrait devant une armée. Je veux voir cela par moi-même. Là nous serons en sûreté… à moins, continua-t-il en s’assombrissant, à moins que notre cousine d’Orléans ne nous refuse l’hospitalité !

– Sire, dit Odette avec fermeté, comment pouvez-vous suspecter cette noble dame !

– C’est bien ! dit Charles en se remettant à grelotter. N’en parlons plus. Nous irons supplier la veuve de notre frère de nous garder en son manoir autant de temps qu’il le faudra. Allez, monsieur. Et n’oubliez pas que demain vous escortez la fortune et la vie du roi de France.

– À huit heures, sire, je serai devant la grand’porte de l’Hôtel Saint-Pol.

Passavant s’inclina devant le roi et Odette. L’orgueil et la joie gonflaient son cœur. Et déjà il calculait combien d’heures le séparaient encore du moment où il se mettrait à la tête de l’escorte. Passavant s’en alla. Et comme il était venu par la fenêtre, il trouva tout naturel de s’en aller par le même chemin. En un instant, il eut disparu aux yeux d’Odette et de Charles VI. De la corniche, il se laissa tomber à terre.

Une fois là ; il entendit soudain les hurlements du roi là-haut.

La crise se déchaînait.

Le lendemain matin, Charles VI, assommé par le mal, incapable d’un mouvement et d’une pensée, demeurait prostré dans sa chambre, et ce ne fut guère que deux jours après qu’il reprit à peu près conscience de lui-même : il avait alors complètement oublié son projet de voyage ou plutôt de fuite à Pierrefonds.

*

* *

Passavant se dirigea rapidement vers la porte basse par où il avait pénétré dans l’Hôtel Saint-Pol. Le geôlier de la Huidelonne avait disparu, Passavant le chercha un moment du regard pour le remercier de son aide, puis gagna la porte, et, l’ayant franchie, trouva Gringonneur et l’archer toujours acharnés à la même partie.

Le malheureux archer en était à défendre son dernier écu contre Gringonneur qui, naturellement, était de première force. Passavant, quelques minutes, les contempla en souriant.

L’archer, à ce moment, eut un juron de rage, et Gringonneur un éclat de rire triomphant : le dernier des écus laissés par le chevalier au soldat était perdu.

Jacquemin, déjà, ramassait joyeusement le gain qui était important.

– Maître Gringonneur, dit Passavant, prêtez-moi cette somme, voulez-vous ?

– Vous la prêter ? dit Gringonneur en serrant les écus dans ses mains.

– Allons, dépêchons.

Les belles pièces à l’effigie de Charles VI passèrent, non sans quelque résistance, des mains de Gringonneur dans celles de Passavant qui les remit à l’archer ébaubi de surprise et de joie.

– Vite, fit le chevalier, fermez la porte et allez reprendre votre faction. J’entends une ronde.

– Merci, mon prince ! cria le soldat, et il s’empressa d’obéir au conseil qu’on lui donnait.

Passavant et Gringonneur se mirent en route.

Ceci se passait vers le moment où Scas, Ocquetonville, Courteheuse et Guines tenaient conseil dans l’hôtel de Bourgogne à la suite de la scène qu’ils venaient d’avoir avec Jean sans Peur.

Le résultat de ce conseil fut qu’armés jusqu’aux dents et accompagnés d’une forte escorte d’hommes d’armes, ils sortirent de l’hôtel.

Passavant et Gringonneur atteignirent sans encombre la Truie Pendue, où à force de coups de poing sur la porte, ils finirent par éveiller la maison. Thibaud en personne se montra à la fenêtre et, ayant reconnu la voix de Passavant, assura qu’il descendait ouvrir lui-même.

Passavant entra suivi de Gringonneur, et tous deux montèrent aussitôt dans la chambre du chevalier.

– Maître, fit celui-ci, ouvrez ce coffre et tirez-en le bienheureux sac de Mme Isabeau. Si écornée que soit la somme, il doit en rester assez pour vous indemniser du cadeau que vous avez fait un peu malgré vous à ce brave archer.

Gringonneur versa le fond du sac sur la table et se mit à compter.

– Il s’en faut d’un demi-écu, dit-il. Mais je vous tiens quitte.

– Non pas, dit le chevalier, je vous redois un demi-écu payable au jour prochain où…

Passavant fut interrompu par l’entrée soudaine de cinq ou six hommes.

– Vivant ! rugit Ocquetonville qui marchait en tête.

D’un bond, Passavant s’était jeté jusqu’à la fenêtre, et déjà, il était en garde, présentant la pointe de son épée aux plus avancés des assaillants.

Ils étaient maintenant une dizaine dans la chambre. Un être échevelé se rua à la fenêtre, l’ouvrit en un clin d’œil, et disparut.

C’était Gringonneur.

On entendit un bruit terrible de ferraille : Gringonneur, en sautant, venait de se raccrocher à l’enseigne de la Truie Pendue et de la briser tout net. L’homme et l’enseigne arrivèrent ensemble sur la chaussée ; l’enseigne demeura là, tordue ; mais l’homme se releva, détala en une course rapide.

Mais déjà, Passavant voyait entrer de nouveaux assaillants. Tout en ferraillant de son mieux contre Ocquetonville et Courteheuse qui tenaient la tête, rapidement, il les compta. Rapidement, aussi, la pensée lui vint qu’il avait à peu près quinze chances d’être tué contre une de ne pas l’être. Or s’il était tué il ne serait pas à huit heures du matin devant l’Hôtel Saint-Pol pour escorter Odette à Pierrefonds !

– Ils sont trop pour ce soir, dit-il. Messieurs, je vous donne rendez-vous dans trois jours au lieu que vous voudrez, et m’engage à m’y présenter. Acceptez-vous ?

– À mort ! à mort ! rugirent les assaillants en se ruant.

– Attends-moi, Gringonneur ! cria Passavant en éclatant de rire.

Et au moment où deux ou trois des plus enragés lui portaient de furieux coups de pointe, à son tour, il enjamba la fenêtre, se suspendit un instant à l’appui et se laissa tomber.

– Tuez ! tuez ! hurlèrent les spadassins en se penchant dans le vide.

– Ah ! ah ! fit Passavant, il y en a autant dans la rue !

C’était vrai. En un clin d’œil, il fut entouré. À tout prix, il ne voulait être ni tué ni blessé. À droite et à gauche, il vit la route barrée. Mais droit devant lui, c’est-à-dire dans la direction du logis Passavant, il y avait une ouverture. Il fonça. La rue fut pleine de vociférations, de jurons, de cliquetis de fer qui, dans la nuit, s’entrechoquaient. Passavant bondit jusqu’à l’endroit du mur qu’il avait une fois déjà escaladé. Bientôt, il se trouva dans la cour de son hôtel, bientôt dans l’hôtel même, et enfin, dans la salle des armes où il respira en songeant :

– À tout prix être libre au jour pour que je puisse me trouver à huit heures devant la grande porte de l’Hôtel Saint-Pol.

Il s’aperçut alors qu’aucun des assaillants ne l’avait suivi dans le logis. Il attendit quelques minutes. Puis, du haut d’une fenêtre, il examina la rue, – et il pâlit.

Non seulement les attaquants ne s’en allaient pas, mais ils semblaient tout disposer pour un siège en règle. En attendant l’attaque, les deux portes du logis Passavant étaient gardées. Sous les fenêtres, il y avait des gens apostés. Guines s’était détaché au pas de course. Au bout d’une heure d’attente, Passavant vit qu’un sérieux renfort arrivait aux assaillants. Ils étaient maintenant une cinquantaine dans la rue.

– Je suis pris, dit-il. Et cependant, ajouta-t-il en frémissant, il faut qu’avant huit heures du matin je sois libre. Il le faut !

Une sorte d’accablement s’empara du jeune homme.

Longtemps, il demeura ainsi. À ces heures indécises qui viennent faiblement teinter les vitraux des fenêtres, il s’aperçut tout à coup que le jour allait poindre.

Ayant jeté un coup d’œil par l’une des fenêtres, aux premières clartés confuses de l’aube hivernale, il vit qu’un changement sérieux s’était fait dans le dispositif de l’ennemi.

Le gros des forces assaillantes avait pris position dans la cour. La grande porte était ouverte à double battant. Dans la rue se tenait une arrière-garde qui surveillait les fenêtres.

– Les Bourguignons ont maintenant la défiance des fenêtres, se dit Passavant. Mais aussi, cela m’apprendra à entrer et à sortir par les portes, comme tout le monde. Allons, l’heure est venue d’aller à mon rendez-vous. Si c’est un rendez-vous avec la mort…

Un geste interrompit le discours qu’il se tenait à lui-même.

Puis il dégaina sa longue rapière, assura sa dague dans la main gauche et descendit sans hâte. Il faisait maintenant assez jour pour qu’on pût voir distinctement. Il pouvait être près de sept heures. Passavant ouvrit la porte qui donnait sur la cour et, au même instant, il y eut une violente vocifération de : « Mort au truand !… » Mais nul ne bougea.

Passavant sourit et voulut s’avancer sur le perron et descendre dans la cour.

Dans ce moment, il recula, livide, les cheveux hérissés, frappé d’horreur. En effet, un autre cri venait de s’élever, poussé par les cinquante hommes d’armes qui occupaient la cour. Et c’était horrible. Ces gens, d’une seule voix, hurlèrent :

– Mort au meurtrier de Mgr d’Orléans !…

Dans la rue, des fenêtres s’ouvraient, et Passavant entendit distinctement que des bourgeois effarés se criaient entre eux :

– Il paraît que c’est le truand qui a assassiné le frère du roi !

– Les gens du prévôt vont le saisir…

Passavant sentit la tête lui tourner et ses jambes trembler. Il comprit la féroce invention des quatre spadassins, et qu’on voulait le tuer sous cette formidable accusation. La dague lui tomba de la main. Une sueur glacée inonda son front ; il murmura :

– Ceci est affreux…

À ce moment, un homme de la cour s’avança vers le perron. Passavant lui jeta un regard farouche et reconnut Ocquetonville.

– Sire de Passavant, dit celui-ci à haute voix, votre complice a avoué votre forfait. C’est vous qui avez meurtri notre bon duc Louis d’Orléans, frère de notre sire le roi. Nous devons vous amener au grand Châtelet afin que votre procès y soit instruit. Voulez-vous vous rendre et nous suivre de bonne volonté ? Peut-être vous en sera-t-il tenu compte…

– C’est horrible, bégaya Passavant.

– Pas d’inutile rébellion, reprit Ocquetonville. Nous devons vous prendre vivant. C’est vivant que nous vous remettrons à messire l’Official de Paris. Rendez donc votre épée.

Passavant lui jeta un regard sanglant. Et il vit alors que près d’Ocquetonville, sur le même rang, avaient pris place Guines, Scas et Courteheuse. Tous quatre, l’épée au poing, se tenaient serrés l’un contre l’autre, et derrière eux, il y avait la masse des gens d’armes. Mais tous quatre, devant cet homme qui les regardait du fond de l’ombre de l’antichambre, étaient pâles.

– Rendez-vous ! crièrent-ils ensemble.

Alors, une pensée de folie se dressa dans l’esprit de Passavant. Il se dit : Je vais mourir ici !… Et levant haut sa rapière au-dessus de sa tête, il s’avança sur le perron. Il cria :

– Ocquetonville ! Ocquetonville ! Tu mourras de ma main ! Scas ! Où es-tu ?…

– J’y suis ! dit Scas comme malgré lui, comme il avait répondu à la voix de la nuit funèbre.

– Scas ! Tu mourras de ma main ! Courteheuse, es-tu là ?

– J’y suis ! gronda Courteheuse.

– Courteheuse, tu mourras de ma main ! Guines, es-tu là ?

– J’y suis ! hurla Guines.

– Guines, tu mourras de ma main !

Il se mit à descendre les marches, sans hâte, hérissé, tout raide, et si flamboyant qu’il y eut un recul des quatre. En même temps, Passavant porta son premier coup, un coup droit, à fond, sur la poitrine de Guines. Il y eut un hurlement dans la cour. Guines vit venir le coup. Il voulut faire un mouvement pour le parer, et il sentit qu’il était comme paralysé par la terreur.

Guines s’affaissa, la poitrine traversée d’outre en outre.

– À toi, Courteheuse ! cria Passavant.

Il n’eut pas le temps de répéter ce coup droit qui avait duré un quart de seconde. La meute entière se ruait sur lui. Ocquetonville, Courteheuse et Scas disparurent dans le tourbillon.

Passavant ne les vit plus. Autour de lui, il n’y eut plus qu’une mêlée d’épées, de dagues, dont chacune voulait sa mort.

– Vivant ! vivant ! hurla Courteheuse.

– Prenez-le vivant ! répéta Scas dans le même hurlement.

Passavant, à reculons, commença à remonter les marches. D’amers regrets gonflèrent son cœur. Dans cette minute où il vit clairement qu’il allait mourir, il eut la sensation de ce qu’il y avait d’étrange dans cette vie si courte composée d’une enfance perdue dans les lointains, de douze ans de tombeau et de quelques jours d’existence réelle aboutissant à la catastrophe, à l’écroulement de ce qui, en si peu de temps, s’était échafaudé en son imagination. Il comprit qu’il regrettait surtout d’être séparé d’Odette.

– Vivant ! Vivant ! vociféra la bande.

– Mort ! dit Passavant avec un sourire livide.

Et il se rua sur les assaillants qui, à ce moment, avaient envahi le vestibule. Il se jeta sur eux avec la certitude qu’il allait être massacré. Il s’élança, la rapière haute pour, tout au moins, se faire une belle escorte dans la mort, et au même moment, il les vit reculer en désordre, lui-même fut saisi par deux bras vigoureux qui le jetèrent en arrière du champ de bagarre ; comme dans un rêve, il vit surgir autour de lui une quinzaine de figures terribles, des démons silencieux ; des êtres déguenillés qui bondissaient, frappaient à coups redoublés sans un mot, sans un cri. En une minute, le vestibule fut déblayé. Dans la cour, il y eut une vocifération de haine et de terreur :

– Les Écorcheurs ! Les Écorcheurs !…

– Les Écorcheurs ! murmura Passavant hagard.

La porte du vestibule était fermée, solidement verrouillée. Dans la cour, hurlaient les Bourguignons. Passavant regarda autour de lui. Cinq ou six cadavres occupaient le carreau, en leurs attitudes tordues. Une douzaine d’hommes haletants l’entouraient. Ils avaient de ces visages maigres, de ces yeux luisants, de ces sourires de haine froide, de résolution farouche, comme en ont les gens à qui il importe peu de vivre ou de mourir. On les eût pris pour une bande de loups affamés, par les temps de grand froid au fond des bois couverts de neige.

– Qui êtes-vous ? demanda Passavant.

Un d’eux s’avança, hautain, sombre, tragique évocation de révolte. À la question du chevalier, il répondit par une autre :

– Me reconnaissez-vous ?…

Passavant le considéra un instant et secoua la tête. Alors l’homme reprit :

– Avez-vous entendu parler de Polifer ?

– Heu ! fit Passavant avec un sourire narquois, je suis depuis si peu de temps à Paris que minime est le nombre de personnages dont j’ai ouï parler, quel que soit leur célébrité.

Impassible, l’homme continua :

– Avez-vous entendu parler des Écorcheurs ? On les déteste à l’égal des loups, car ils veulent la liberté, et les bourgeois de Paris n’aiment rien tant au monde que leur servitude. Les Écorcheurs, mon gentilhomme, sont des gens qui pillent, tuent, s’embusquent au fond des bois pour attaquer à main armée le bourgeois riche ou le prince entouré de lances. C’est un métier maudit. Ils sont tenus en exécration. Mais quand on les prend et qu’on les branche haut et court, ils meurent heureux, car ils ont préféré les risques de la guerre aux ignominies de la soumission. Ils font la guerre. Ils tuent, ou sont tués. Indomptés, révoltés, nous sommes haïs du noble et du bourgeois. Dent pour dent, œil pour œil, haine pour haine, coup pour coup, nous leur faisons la guerre qu’ils nous font. Quant à moi, ma tête est mise à prix. Aussi, le jour où j’ai attaqué la reine Isabeau près de Vincennes, si, au lieu de me rendre libre, vous m’aviez livré, vous eussiez gagné deux cents nobles d’or.

– Ah ! Ah ! dit Passavant, je vous reconnais maintenant.

– Moi je vous ai reconnu tout de suite, heureusement. Ce logis est, dans Paris, le lieu de rendez-vous où nous venons nous communiquer notre mot d’ordre et où nous déposons nos richesses dans les caves. Je vous y offre l’hospitalité.

– Vous vous trompez, fit froidement le chevalier. C’est moi qui vous donne ici l’hospitalité. Cet hôtel est celui de mon père, Passavant le Brave ; j’y suis né, j’y suis chez moi, je suis le chevalier de Passavant.

L’Écorcheur demeura pensif quelques instants pendant lesquels on entendit les cris venus de la cour.

– Je vous dois la vie et la liberté, reprit-il brusquement. Que puis-je faire pour vous ?

– Ne venez-vous pas de me sauver ? Nous sommes quittes.

– Soit, dit l’Écorcheur. Vie pour vie, nous sommes quittes. Mais l’hospitalité que vous nous donnez depuis si longtemps, même sans le savoir, comment l’acquitterai-je ?

– Nos voies sont différentes, dit doucement le chevalier. Vous ne me devez rien… rien ! reprit-il avec plus de rudesse en voyant un geste de l’Écorcheur. Maintenant, écoutez-moi, j’ai un marché à vous proposer. Voulez-vous m’aider à sortir d’ici, j’entends sans blessures car j’ai besoin de toute ma force ?

– Nous sommes à vous. Ordonnez.

– Non, dit Passavant, qui reprit son sourire. Rien pour rien. Vous avez votre devise, j’ai la mienne. C’est un marché que je vous propose. Consentez-vous ?

L’Écorcheur jeta un regard sur Passavant qui, paisible et froid, attendait la réponse.

– Soit, fit-il encore. Contre notre aide, que me donnerez-vous donc ?

– Vous allez le savoir. Puisque mon logis est devenu votre entrepôt, ayez-moi de l’encre, une plume et une feuille de parchemin.

Sur un signe de Polifer, l’un des Écorcheurs s’élança et, rapide comme l’un de ces démons de la légende qui s’enfoncent dans la terre, disparut dans l’escalier qui conduisait aux caves et par où toute la bande avait fait irruption.

Dehors, le silence s’était fait.

Sans doute les assiégeants se concertaient pour donner l’attaque. Bientôt l’homme reparut ; Passavant s’assit devant une table et, non sans s’y reprendre, car à peine s’il savait écrire, traça quelques lignes, puis tendit le parchemin au chef des Écorcheurs qui le lut. Voici ce qu’avait écrit le chevalier :

« Moi, Hardy, chevalier de Passavant, ce vingt-cinquième jour de novembre de l’an 1407, étant sain de corps et d’esprit, mais sans doute près d’aller retrouver mes aïeux, je déclare donner en toute propriété à Polifer, chef d’Écorcheurs, mon hôtel sis à Paris dans la rue Saint-Martin, afin qu’il en jouisse, lui et ses descendants. En foi de quoi, j’ai signé. » Polifer, ayant déchiffré l’écriture, jeta un long regard sur le chevalier insoucieux, puis il s’inclina, plia le parchemin, le fit disparaître, et dit :

– Je tiens le marché. Que faut-il faire ?

– Il faut, dit Passavant, qu’avant huit heures ce matin je me trouve devant la grand’porte de l’Hôtel Saint-Pol.

– Avant huit heures ?

– Je l’ai dit.

– Écoutez ! fit l’Écorcheur.

Une cloche sonnait au loin. C’était le carillon de Notre-Dame qui se mettait en branle.

– Une, compta Polifer tandis que Passavant pâlissait, deux, trois…

À mesure qu’il comptait, la figure de Passavant devenait plus terrible. Au huitième coup, il saisit sa rapière qu’il avait déposée sur la table, et cria d’une voix déchirante :

– Hardy ! Hardy ! Passavant le Hardy ! Ouvrez cette porte !

Les Écorcheurs se regardèrent, sombres.

– Enfer ! rugit Passavant. Il paraît que vous avez peur, mes drôles !

– En avant ! hurla Polifer.

Violemment, la porte fut ouverte ; à la clameur des Écorcheurs répondit la clameur des soldats assemblés dans la cour. Il y eut la ruée des démons déguenillés, un bondissement furieux du haut du perron, et presque aussitôt la mêlée, dague contre dague ; des flots de sang giclèrent ; des jurons formidables s’entrecroisèrent avec des lamentations stridentes ; il y eut des poitrines trouées, des gorges ouvertes, des crânes défoncés, et dans ce tourbillon d’êtres humains, de gestes éperdus, d’attitudes convulsées, de cris sauvages, le chevalier de Passavant, une minute, disparut comme un fétu de paille dans un remous d’Océan.

Cela dura peu. Les Bourguignons reculaient pas à pas. Les Écorcheurs, par une manœuvre d’irrésistible force, fonçaient en bloc, frappaient tous ensemble, puis se reculaient, se ramassaient en bloc, fonçaient de nouveau.

Bientôt la cour fut déblayée. Bientôt toute la partie de la rue située entre le logis Passavant et l’auberge fut libre… Passavant s’élança, entra comme un bolide chez Thibaud Le Poingre et courut à l’écurie, où, en gestes frénétiques, il sella et brida son cheval.

Mais si peu qu’eût duré la bagarre, lorsqu’il reparut dans la rue, à cheval cette fois, près d’une demi-heure s’était écoulée depuis le moment où le carillon de Notre-Dame lui avait sonné l’heure du rendez-vous.

Dans la rue, on se battait encore. Passavant examina un instant le champ de bataille et vit Polifer qui, à lui seul, abattait une rude besogne. Il poussa son cheval contre l’Écorcheur et lui dit :

– C’est bien. C’est fini. Retirez-vous.

– Vous le voulez ? haleta Polifer en portant un coup de masse à un Bourguignon.

– Oui, dit Passavant très froid ; rentrez chez vous.

Polifer fit entendre un coup de sifflet. En un instant, la bande des Écorcheurs, ou du moins ce qui en restait, disparut dans la cour du logis et de là dans l’intérieur.

– Hardy ! Hardy ! Passavant le Hardy !

Le chevalier, d’un double coup de ses éperons, composés d’une seule tige d’acier pointu, enleva sa bête d’un bond furieux.

– Arrête ! Arrête ! vociférèrent les Bourguignons.

– Tuez-le ! Tuez-le ! crièrent Ocquetonville, Scas et Courteheuse sanglants.

– Arrête ! Arrête ! répétèrent les bourgeois de la rue en se précipitant chez eux.

Passavant, d’un galop de tempête, s’élança. Les clameurs continuaient encore que déjà il ne les entendait plus. Quelques minutes plus tard, il arrivait devant l’Hôtel Saint-Pol, et le même cri qui lui avait échappé dans la nuit vint gronder encore sur ses lèvres pâles :

– Malédiction !

Il n’y avait aucune escorte devant l’Hôtel Saint-Pol !

Sans aucun doute, le roi et Odette étaient partis !

Et qu’avait-elle dû penser de lui ?…

– Holà ! l’ami ! cria Passavant, le roi est-il donc parti avec son escorte ?

La sentinelle du pont-levis se mit à rire, considéra cet homme au visage terrible qui semblait insensé comme le roi et répondit :

– Parti ? Ah ! oui, parti !… Et qui sait où il arrivera ? Et quand il arrivera ?

Ce soldat croyait sûrement avoir dit une énorme farce, car il se mit à rire de tout son cœur. Au loin, dans la rue Saint-Antoine, Passavant entendit une rumeur. On criait :

– Arrête ! Arrête ! Au truand ! Au meurtrier !…

– Le meurtrier de Mgr d’Orléans !…

Passavant reprit sa course et se dirigea naturellement vers la porte Saint-Antoine qu’il franchit d’un temps de galop. Quand il fut loin dans la campagne, il s’arrêta, mit pied à terre, s’assit au revers d’un tertre et se dit :

– Je suis déshonoré.

Il eût beaucoup mieux fait de courir après l’escorte royale, de la rattraper coûte que coûte et d’expliquer son absence comme il pourrait. Mais ce sensitif nerveux et vibrant était accroché à cette idée qu’il était perdu d’honneur aux yeux d’Odette parce qu’il ne s’était pas trouvé au rendez-vous fixé par le roi.

– C’est sûr, se dit-il, il y avait danger. Un autre a pris ma place. Que dirais-je ? Et puis, me croirait-on ? Et même si on me croit : Vous venez trop tard, me répondrait le roi. J’ai pris pour chef d’escorte ce brave capitaine qui, lui, n’a été retenu par aucun obstacle. Adieu donc, sire de Passavant. Une autrefois, tâchez d’être libre à propos…

Cette impression fut si forte qu’il se leva et se mit à rire en répétant :

– Adieu, donc, sire de Passavant !

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