Myrta, la veille de cette matinée, avait quitté la maison de la rue de la Tisseranderie, chargée d’une mystérieuse mission par Nostradamus. À ce moment, il était environ minuit. Myrta allait jouer la dernière carte de Nostradamus. Myrta allait au Louvre !…
On n’a pas oublié que le jour du tournoi, Myrta s’était rencontrée avec Bouracan, Strapafar, Trinquemaille et Corpodibale, gentilshommes de la reine, et que les quatre compères lui avaient dit :
– Il y a pour nous au Louvre un mot d’ordre spécial. Quand tu voudras nous voir, tu n’auras qu’à dire : « Pierrefonds ! »
Voilà ce que Myrta avait raconté à Nostradamus, qui, ne pouvant entrer au Louvre, avait pensé à y faire entrer Myrta.
Cette nuit-là, la reine étant en conférence, avait, comme on a vu, chargé nos braves de veiller sur son fils Henri. Catherine redoutait, elle ne savait quelle tentative dirigée contre le fils de son cœur. Les quatre malandrins se trouvaient donc dans la propre chambre de la reine où, pendant cette période, Henri couchait. Ils se considéraient avec des mines de désolation… Ils pensaient à lui… Ils parlaient de lui… de sa condamnation à mort.
– Messieurs, dit un officier en entr’ouvrant la porte, il y a là pour vous un émissaire de la reine !
– Un émissaire ! Qu’il entre !…
L’officier s’effaça. Une femme entra et laissa tomber sa capuche.
– Myrta ! s’écrièrent-ils stupéfaits, l’âme ravie.
D’un mot, elle leur imposa silence. D’un regard, elle vit le jeune prince qui dormait dans le lit de la reine. Elle les rassembla autour d’elle, et :
– Voulez-vous le sauver ?
Il n’était pas besoin de le désigner plus clairement. Ils ne répondirent pas. Leurs yeux, leurs attitudes rugissaient que s’il fallait quatre vies pour sauver la sienne, c’était chose faite. Alors, elle expliqua qu’il s’agissait de saisir le petit prince Henri, le sortir du Louvre avant neuf heures du matin, le conduire dans la maison de la rue de la Tisseranderie qu’elle leur dépeignit.
– Ce sera fait ! dit Trinquemaille.
– Nous tuerons la reine, s’il le faut ! dit Strapafar. Myrta les quitta en répétant :
– Avant neuf heures !…
Demeurés seuls, ils se regardèrent, flamboyants. À ce moment, la porte s’ouvrit… la reine parut.
– Vous pouvez vous retirer dans votre appartement, dit-elle.
Ils demeurèrent écrasés, foudroyés… Jamais Catherine ne fut si près de la mort. L’entrée de plusieurs demoiselles d’honneur la sauva : les quatre se retirèrent, la mort dans l’âme…
La nuit qu’ils passèrent fut terrible. Le matin arriva. Six heures sonnèrent. Sept heures ! Huit heures !… Ils bouillaient. Lorsque Catherine entra dans leur dortoir, et, les trouvant tout harnachés, eut un geste de satisfaction.
– Je vais m’absenter du Louvre pour une heure, dit-elle. Veillez, en mon absence, plus que jamais !…
Elle les conduisit auprès du petit prince Henri, et s’en alla.
Cette nuit terrible, Myrta la passa devant la porte du Louvre par où ils devaient sortir. Vers le matin, Myrta comprit que tout était perdu, puisque les quatre n’étaient pas encore sortis du Louvre… Elle mordait furieusement une écharpe rouge qu’elle portait autour du cou.
En la lui remettant, Nostradamus lui avait dit :
– Cette écharpe agitée signifiera que l’entreprise a réussi.
Puis vint l’affreux moment où Myrta entendit au loin les rumeurs de la foule autour de l’échafaud… où elle entendit le glas !… Elle songeait :
– Il est à l’église… Voici la messe finie… Il se met en marche… en marche vers la mort !…
Elle ferma les yeux… Dans ce moment, une voix prononça :
– Va bien, ma fille, nous tenons lou petit pigeoun, vé !
Délirante, elle regarda… et elle vit Trinquemaille, Strapafar, Corpodibale qui se hâtaient !… Et en avant d’eux, Bouracan portant sur ses vastes épaules un sac…
Myrta eut un hurlement ; elle arracha l’écharpe de son cou ; elle se rua vers la place de Grève, agitant l’écharpe rouge…