La Margotte se sauva. Marie prit l’enfant dans ses bras, et se rencoigna dans son angle. Une lumière jaunâtre éclaira le réduit. Henri parut et prononça :
– Vous êtes libre.
Marie tressaillit. Libre !… La lumière, l’air pour son fils !…
– J’ai obtenu votre grâce. Franchissez cette porte, montez cet escalier, et vous voici dehors, sur la route.
– Monseigneur, comment ai-je fait pour vous maudire, vous qui deviez rendre la lumière à mon enfant ?…
De ses mains tremblantes, elle enveloppait l’enfant dans ses langes ; elle pleurait et elle riait ; enfin prête, elle se dirigea vers la porte. Alors, Henri l’arrêta d’un geste et ajouta :
– Je ne vous ai pas dit : votre mari vous attend là-haut.
Un cri atroce. Marie s’est abattue sur ses genoux en râlant :
– Renaud !
– Oui, Renaud ! répéta Henri, les yeux fixés sur elle.
Marie fit un effort pour se lever, mais elle tomba à la renverse, foudroyée par la joie, en murmurant :
– Monseigneur, je vous bénis !…
L’évanouissement de Marie, provoqué par Henri, ne dura que quelques minutes. Son premier geste fut pour serrer son enfant. Elle songeait : « Pourvu que je ne lui aie pas fait mal en tombant… » Elle demeura hagarde, ne comprenant pas… Son bras avait serré à vide. L’enfant n’y était pas ! D’un bond, elle fut debout et sa main s’incrusta au bras d’Henri.
– Mon enfant ! gronda-t-elle.
Henri, d’une voix froide, répéta :
– J’ai dit que vous êtes libre.
– Libre ?… Rendez-moi mon enfant, que je m’en aille !…
– Brabant ! cria Henri.
Un homme apparut. Figure taillée à coups de hache, attitude de bravo, prêt à tout faire pour qui le paye.
– Qu’est-ce que me fait Brabant ? dit Marie. C’est mon enfant que je veux. Monseigneur, vous avez dit que je suis libre. Est-ce qu’un fils de roi peut mentir ?
– Vous êtes libre, dit Henri. Brabant, où est l’enfant ?…
– En sûreté, mon prince !
Marie eut un mouvement sauvage pour s’élancer sur le bravo. Henri la jeta dans le fond du cachot. Elle s’effondra.
– Grâce, monseigneur ! Tenez, je reste ici. Je ne verrai plus mon mari. Mais rendez-moi mon enfant… je vous assure…
– Brabant, interrompit Henri, je t’ai donné un ordre. Répète un peu, pour voir si tu as compris.
– Rude commission, mon prince ! fit la voix rocailleuse du bravo. Mais j’ai promis. Et j’exécuterai ou j’y perdrai mon nom de Brabant-le-Brabançon. Voici donc. Il est 9 heures du soir. À minuit, vous devez venir me trouver en mon logis, et vous me direz : Rapporte l’enfant à sa mère ! Alors, je le porterai tout droit à sa mère, en l’endroit que vous me direz. Voilà…
– Mais si à minuit je ne suis pas venu en ton logis ?
– En ce cas, j’attendrai une heure. L’heure passée, comme il est avéré que la naissance de l’enfant est satanique, je jetterai un peu d’eau bénite sur sa tête, et j’irai le remettre au bourreau qui doit le retrancher de ce monde. Voilà !…
– C’est bon ! Va-t’en ! Et sur ta tête, veille à l’enfant !
Le bravo disparut. Marie râlait. Henri se pencha, la remit debout, et gronda :
– Je veux que tu sois à moi. Je t’attendrai rue de la Hache, au logis de Roncherolles, jusqu’à minuit. Entends-tu ?
– Logis Roncherolles, rue de la Hache, j’entends, dit-elle.
– Bon ! Si tu viens, je te rends ton fils. Si tu ne viens pas, le jugement sera exécuté. Maintenant, tu es libre !
Elle ne put ni parler ni pleurer. Elle tomba, pantelante. Il s’en alla…