Je ne puis suivre pas à pas les deux honnêtes animaux. Le Lion voulait tout visiter, et la Hyène, dont l’effroi croissait à chaque pas, était bien forcée de le suivre, car jamais elle n’aurait osé s’en retourner toute seule.
Lorsqu’ils passèrent devant la Bourse, elle obtint par ses prières instantes qu’on n’entrerait pas. Il sortait de cet antre de telles plaintes, de telles vociférations, qu’elle se tenait à la porte, frissonnante, le poil hérissé.
– Venez, venez vite, disait-elle en tâchant d’entraîner le Lion, c’est sûrement là le théâtre du massacre général. Entendez-vous les gémissements des victimes et les cris de joie furieuse des bourreaux ? Voilà un abattoir qui doit fournir toutes les boucheries du quartier. Par grâce, éloignons-nous.
Le Lion, que la peur gagnait et qui commençait à porter la queue entre ses jambes, s’éloigna volontiers. S’il ne fuyait pas, c’est qu’il voulait garder intacte sa réputation de courage. Mais, au fond de lui, il s’accusait de témérité, il se disait que les rugissements de Paris, le matin, auraient dû l’empêcher de pénétrer au milieu d’une si farouche ménagerie.
Les dents de la Hyène claquaient d’effroi, et, tous deux, ils s’avançaient avec précaution, cherchant leur chemin pour rentrer chez eux, croyant à chaque instant sentir les crocs des passants s’enfoncer dans leur cou.