Éducation des Petits.

On suppose les œufs éclos. Voilà les Poussins venus. Que de nouveaux soins pour le pere & pour la mere jusqu’à ce que la nouvelle troupe se puisse passer d’eux ! On diroit qu’ils sentent alors ce que c’est que d’être chargé de famille. Il faut trouver à vivre pour huit, au lieu de deux. La Fauvette & le Rossignol travaillent alors comme les autres : on n’a plus le tems de chanter, du moins le fait-on plus rarement. Le besoin les presse, ils sont toujours en quête, tantôt l’un, tantôt l’autre. Ils distribuent la nourriture avec beaucoup d’égalité, en donnant à chacun sa portion tour à tour. Cette tendresse des meres pour leurs petits va jusqu’à changer leur naturel. Suivez une Poule devenue mere de famille ; elle n’est plus la même. L’amitié change ses humeurs, & corrige ses défauts : elle étoit auparavant gourmande & insatiable ; présentement elle n’a rien plus à elle. Trouve-t-elle un grain de bled, une mie de pain, ou même quelque chose de plus abondant & qu’on pourroit partager ? elle n’y touche pas. Elle avertit sa troupe par des cris que ses petits connoissent. Ils accourent bien vîte & toute la trouvaille est pour eux. La mere se borne frugalement à ses repas. Cette mere naturellement timide ne savoit que fuir. À la tête d’une troupe de Poussins, c’est une Lionne qui ne connoît plus de danger, qui saute aux yeux du chien le plus fort. Qu’on observe une Poule d’Inde à la tête de ses petits. On lui entend quelquefois pousser un cri lugubre dont on ignore la cause & l’intention. Aussi-tôt tous ses petits se tapissent sous des buissons, sous l’herbe, sous ce qui se présente ; ils disparoissent tous, ou s’il n’y a point de quoi les couvrir, ils s’étendent par terre & contrefont les morts. On les voit dans cette posture sans branler pendant des quarts d’heure entiers & souvent beaucoup plus. La mere cependant porte ses regards en haut d’un air allarmé : elle redouble ses soupirs, elle réitere ses cris qui abbattent tous ses petits. Les personnes qui remarquent l’embarras de cette mere & son attention inquiéte cherchent dans l’air ce qui y peut donner lieu, & enfin on apperçoit sous les nues qui traversent l’air un point noir qu’on a peine à démêler. C’est un oiseau de proye que son éloignement dérobe à notre vue, mais qui n’échappe ni à la vigilance ni à la pénétration de notre mere de famille. C’est ce qui lui a donné l’allarme. On en a vû une demeurer dans cette agitation, & ses petits se tenir collés contre terre pendant quatre heures de suite que l’oiseau tournoit, montoit & descendoit au-dessus d’eux. Enfin l’oiseau disparoit-il ? La mere change de note, elle pousse un autre cri qui rend la vie à tous ses petits. Ils accourent tous auprès d’elle, ils battent des aîles, ils lui font fête, & on comprend que dans leur langage ils ont cent choses à lui dire.

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