2 De l’avoué

Nous voici parvenus enfin à cette industrie célèbre qu’un concert unanime d’accusations a sans cesse poursuivie sans jamais pouvoir l’atteindre. Honneur au génie des praticiens français ! Ils sont les doyens, les patrons, les saints, les dieux de l’art de faire une rapide fortune ; et, avec la sagacité qui leur attire tant de louanges ils répondent à la critique par cet argument plein de force : « Ce n’est pas notre faute si Thémis dont nous sommes grands dignitaires, mécontente toujours une personne sur deux. De là vient que si l’on juge par an cent mille causes en France, il y a cent mille détracteurs du corps honorable des procureurs. »

De toutes les marchandises de ce bas monde, la plus chère est sans contredit la justice. Beaucoup de personnes pensent que la gloire est encore plus coûteuse ; mais nous tenons pour la justice, et nous allons prouver que nous n’avons pas tort.

Pensons d’abord pour premier principe, que la plus mauvaise transaction, rédigée même par un notaire ignorant, est meilleure que le meilleur procès, voire même que le gain de ce procès ; et tenons pour certain qu’en mettant le pied chez un avoué, on met sa fortune au bord d’un précipice !… Là-dessus, si vous doutez encore, lisez.

Il y a des jeunes clercs qui, pour vous expliquer le danger que l’on court chez eux, vous citeraient pour premier exemple, ce qu’on nomme la broutille. Or, comme ces broutilles ne sont, à proprement parler, que les broussailles d’une forêt, nous n’y mettrons le feu qu’en dernier ; car aujourd’hui la broutille, qui charmait les anciens procureurs, n’est plus qu’un jeu d’enfant qu’on abandonne aux commençants : il est même reconnu qu’on y perd. Pour nous, nous irons sur le champ au plus pressé, et ferons voir comment la chose du monde la plus simple devient la plus embrouillée, et conséquemment la plus productive.

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