Premier acte.

L’expédition de Mawson quitta Hobart-Town le 2 décembre 1911, à bord de l’Aurora, un ancien baleinier de six cents tonneaux, commandé par le capitaine Davis.

À la fin du mois, l’Aurora relâcha à l’île Macquarie. Une quantité extraordinaire d’oiseaux, qui nichent dans les rochers de cette île perdue, accueillirent les navigateurs. Mawson évalue leur nombre à trente millions ! Il y avait de nombreux phoques à fourrure. Des familles d’éléphants de mer se prélassaient sur le rivage. Mawson laissa quatre hommes dans l’île, chargés de faire des observations météorologiques et d’assurer le fonctionnement d’une station de télégraphie sans fil pour maintenir la liaison entre l’expédition partant dans l’extrême sud et le continent australien. C’était pour la première fois qu’un explorateur polaire essayait par ce moyen de n’être pas complètement coupé du reste du monde.

L’Aurora rencontre les premières glaces par 64° Sud. Le pack devient impénétrable. On le contourne en faisant route à l’ouest. Le 6 janvier 1912, l’Aurora trouve une mer libre. Bientôt, on aperçoit un glacier formidable qui avance jusqu’à 60 milles au large de la terre Adélie qui l’alimente. La terre Adélie est bordée par un nombre considérable d’îles et d’îlots, où viennent nicher beaucoup d’oiseaux. Du bord, on aperçoit plusieurs rockeries de pingouins.

L’Aurora peut mouiller devant la terre par 10 mètres de fond. Les tempêtes continuelles rendent le mouillage dangereux et le débarquement du matériel difficile. Mawson reste à terre avec dix-sept compagnons et s’installe sur un promontoire rocheux, auprès d’une baie, qui fut appelée la baie Commonwealth. Un poste de télégraphie sans fil est aussitôt dressé qui lui permettra de communiquer avec l’île Macquarie. Le capitaine Davis lève l’ancre le 19 janvier et l’Aurora disparaît rapidement dans un gros grain qui monte du sud.

*

Mawson et ses compagnons menèrent à la terre Adélie une existence très dure. Ce fut le vent, beaucoup plus que le froid, qui rendit leur séjour intolérable. La terre Adélie s’est révélée être la région la plus venteuse du globe. La vitesse moyenne du vent fut de 80 kilomètres à l’heure ; très fréquemment, le blizzard dépassa 200 kilomètres à l’heure, et des tempêtes, avec un vent de 120 kilomètres à l’heure duraient souvent des journées entières. Au milieu d’un tel déchaînement, impossible de se contenter des installations habituelles des expéditions polaires. Les maisons de bois doivent être complètement enfouies dans la neige, avec un tunnel comme voie d’accès. Les tentes non plus ne pourraient résister et il faut, dans les excursions, construire un igloo à l’étape, comme font les Esquimaux.

Dès qu’on est dehors, le visage se recouvre, comme d’un masque, d’une épaisse couche de glace formée par la poussière de neige soulevée par le vent. Tous les hauts plateaux de la terre Adélie sont parcourus d’un bout de l’année à l’autre par des chasse-neige qui en modifient perpétuellement la configuration. L’air agité est chargé d’électricité au point qu’il n’est pas rare de voir des feux de Saint-Elme faire briller leur pâle lueur au bout des skis ou former comme une auréole étrange autour de la tête des explorateurs.

Dans un climat aussi hostile et dans des conditions pareilles, tout raid était jugé d’avance comme particulièrement téméraire et, pour s’entraîner, les hommes rayonnèrent, l’été, tout autour de la station.

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