VI

Quatre, cinq, six jours passèrent. Je n’avais rien changé à mes habitudes, mais mon insouciance s’était évanouie à cause de cet homme qui était monté à bord à Dakar.

Comme chien et chat il faut croire que phoque et morse ne font pas bon ménage ensemble et, sans autre raison que cette ridicule animosité, j’étais sur le qui-vive pour ne plus me laisser surprendre par l’intrus.

Durant quatre, cinq, six jours, donc, chaque matin, vers dix heures, quand l’inspecteur venait se baigner, il me trouvait couché sur le panneau, une serviette sur les yeux ou le dos au soleil et faisant semblant de dormir. J’entendais le lourdaud tomber dans la piscine, patauger, sortir de l’eau, tousser, cracher, s’éclaircir la gorge, s’approcher de moi, se pencher, frotter un tison (dont j’avais exposé une grande boîte sous une pancarte au crayon bleu : « HELP YOUR SELF. THANK YOU ! ») allumer sa bouffarde, et je le devinais sur le point de m’adresser la parole quand je l’entendais s’éloigner en soupirant mais sans avoir eu le courage de reprendre cette conversation si opportunément interrompue le premier jour par le gong du déjeuner, et, chaque fois, je jubilais intérieurement de cette victoire, – et dès que ce monsieur m’avait tourné le dos, j’entr’ouvrais les paupières et je suivais des yeux un homme chauve, gros, enroulé dans un peignoir à ramages du goût le plus affreux, très blanc du crâne et des mollets, un pauvre homme qui s’éloignait en claudiquant légèrement de la jambe gauche. Alors, j’allumais une cigarette et dès que je le voyais disparaître par l’échelle je piquais une tête dans ma piscine.

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