Paris, 24 octobre 1822.
Monsieur et bien cher confrère.
Votre aimable lettre est venue me surprendre doucement dans un moment de bonheur. J’ai toujours attaché aux preuves de votre bienveillante amitié un bien grand prix, et dans l’instant où j’en ai reçu ce dernier témoignage, il m’a fait d’autant plus de plaisir que c’était comme si quelque chose de vous, monsieur et cher ami, assistait à ma félicité.
Je ne veux pas que vous appreniez par d’autres que moi que je suis marié, que je viens d’unir ma vie à la plus douce, à la plus angélique et à la plus adorée des femmes. Vous avez contribué à ce que vous voulez bien appeler mes succès, vous avez pris part à mon malheur, je ne doute pas que vous ne ressentiez également toute ma joie.
Je suis heureux que la lecture de ce recueil vous ait présenté quelque intérêt, et plus heureux encore de la conformité de sentiments que vous me manifestez avec tant de grâce. J’espère, quand la deuxième édition de ces Odes paraîtra, ce qui ne tardera pas, sans doute, qu’elles seront moins indignes de votre attention, monsieur, et de celle de tous les hommes éclairés dont j’ambitionne le suffrage.
Je sais que M. de Rességuier est à Paris depuis quatre ou cinq jours ; il est venu me voir et j’ai été assez maladroit et assez malheureux pour être absent de chez moi dans ce moment-là. Je compte néanmoins le voir bientôt, et je remplirai avec bonheur votre commission près de lui. En attendant les détails que cet aimable confrère vous donnera sans doute beaucoup mieux que moi sur Clytemnestre, je vous dirai que ce bel ouvrage va être représenté à la fin du mois, que Saül le suivra immédiatement sur le second théâtre, et que notre excellent confrère Soumet va devoir à ces deux magnifiques ouvrages une gloire immense et unique. Rien, dans cette prédiction, ne m’est inspiré par l’amitié.
Adieu donc ; recevez de nouveau tous mes remerciements pour le plaisir bien doux que m’apportent vos lettres, et croyez, monsieur, que le plus cher de mes titres sera toujours celui de votre confrère, de votre serviteur et de votre ami,
Victor H.
M. Soumet, auquel j’ai montré votre bonne lettre, vous remercie et vous aime comme moi, mais non plus que moi.