À Madame Foucher, Rue du Cherche-Midi, 39.

Reims, 31 mai 1825.

Ma chère maman.

Nous partons ce matin de Reims où nous avons assisté à toutes les magnifiques cérémonies du sacre. Je serai après-demain matin, 2 juin, vers midi, chez vous, et je repartirai le même jour à six heures pour Blois, si la malle a des places.

Mille affaires, et surtout l’ode qu’il faut que je fasse, me ramèneront sur-le-champ sans doute à Paris, avec mon Adèle et ma Didine. Ma présence y est absolument nécessaire.

Au reste, nous ne nous plaignons pas d’une circonstance qui nous rendra plus tôt à notre bonne famille de Paris.

Adieu, ma chère maman, embrassez bien notre excellent père, et croyez à mon tendre et respectueux dévouement.

Votre fils,

Victor.

À Madame Victor Hugo
chez M. Foucher, rue du Cherche-Midi, 39, Paris.

Épernay, 1er juin 1825.

Je t’écris, chère ange, sur la table de cuisine de l’auberge et le pied sur le marche-pied. Nous avons couché à six lieues de Reims, et comme notre cocher s’est amusé à faire le métier de fiacre à Reims au lieu de reposer ses chevaux, nous arriverons plus tard que je n’espérais. Ne nous attends donc que jeudi soir ou vendredi matin.

Comment ! tu es partie seule ! Je suis dans une mortelle inquiétude. J’ai besoin de beaucoup espérer.

À bientôt, bien-aimée, mille baisers à ma jolie petite Didine. Embrasse

tes bons parents. Quel bonheur ! à bientôt !

Au général Hugo.

Gentilly, 19 juin [1825].

Mon cher papa,

C’est de la campagne où je suis allé passer quelques jours chez un ami qui demeure à deux lieues de Paris, que je te réponds. Je regrette bien que tu y sois toi-même en ce moment ; les chaleurs excessives, la solitude et le dénuement de la Miltière me font trembler pour ta chère santé ; il me semble que tu aurais dû retarder ce voyage, quelque important qu’il pût être, et ne pas t’aventurer seul dans cette saison au milieu des déserts de la Sologne. Tu sais comme moi combien les pays humides et sablonneux exhalent de miasmes morbifiques dans les grandes chaleurs, et mon Adèle te reproche tendrement de nous donner l’inquiétude de te savoir là-bas.

Les journaux de Paris ont annoncé ta promotion de la manière la plus flatteuse. Que t’importe un oubli qu’ils font si fréquemment ? Que t’importe la jalousie ? Il suffit de ton nom et de ta réputation pour mériter l’envie : résigne-toi, mon noble père, à cet inconvénient de toute position élevée.

J’ai rempli ta commission auprès d’Adolphe.

Tu ne m’étonnes pas en m’apprenant que ta femme n’a pas reçu son exemplaire ; j’avais remis à Ladvocat le paquet à son adresse, avec beaucoup d’autres pour qu’il les mît à la poste. Tu connais la négligence de ce libraire : partant pour la campagne, j’ai dû me reposer sur lui de ce soin, et j’ai déjà reçu plusieurs plaintes comme la tienne. Le messager qui va porter cette lettre à la poste à Paris, va être chargé en même temps d’un petit mot sévère pour Ladvocat, et de l’ordre de réparer sur-le-champ cet oubli. Si j’en avais ici un seul exemplaire, je l’enverrais directement à ta femme, mais j’espère que Ladvocat sera soigneux cette fois.

Je suis heureux que mon ode t’ait fait quelque plaisir : son succès ici passe mon espérance. Elle a été réimprimée par sept ou huit journaux ; je vais la présenter au roi.

Adieu, mon excellent père ; je n’ai que le temps de fermer cette lettre et de t’embrasser bien tendrement. Ma femme et Didine embrassent la tienne. Didine nous a un peu inquiétés ces jours-ci, les dents la tourmentent.

— Je reçois à l’instant une lettre d’Émile Deschamps où je lis : « M. le général Hugo nous a fait bien plaisir en devenant lieutenant-général ; y aurait-il quelque moyen de lui faire parvenir nos félicitations et l’hommage de mon respect ? » Tout le monde applaudit.

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