IV

Ô mystère profond des enfances sublimes !

Qui fait naître la fleur au penchant des abîmes,

Et le poète au bord des sombres passions ?

Quel dieu lui trouble l’œil d’étranges visions ?

Quel dieu lui montre l’astre au milieu des ténèbres,

Et, comme sous un crêpe aux plis noirs et funèbres

On voit d’une beauté le sourire enivrant,

L’idéal à travers le réel transparent ?

Qui donc prend par la main un enfant dès l’aurore

Pour lui dire : — En ton âme il n’est pas jour encore.

Enfant de l’homme ! avant que de son feu vainqueur

Le midi de la vie ait desséché ton cœur,

Viens, je vais t’entrouvrir des profondeurs sans nombre !

Viens, je vais de clarté remplir tes yeux pleins d’ombre !

Viens, écoute avec moi ce qu’on explique ailleurs,

Le bégaiement confus des sphères et des fleurs ;

Car, enfant, astre au ciel ou rose dans la haie,

Toute chose innocente ainsi que toi bégaie !

Tu seras le poète, un homme qui voit Dieu !

Ne crains pas la science, âpre sentier de feu,

Route austère, il est vrai, mais des grands cœurs choisies,

Que la religion et que la poésie

Bordent des deux côtés de leur buisson fleuri.

Quand tu peux en chemin, ô bel enfant chéri,

Cueillir l’épine blanche et les clochettes bleues,

Ton petit pas se joue avec les grandes lieues.

Ne crains donc pas l’ennui ni la fatigue. — Viens !

Écoute la nature aux vagues entretiens.

Entends sous chaque objet sourdre la parabole.

Sous l’être universel vois l’éternel symbole,

Et l’homme et le destin, et l’arbre et la forêt,

Les noirs tombeaux, sillons où germe le regret ;

Et, comme à nos douleurs des branches attachées,

Les consolations sur notre front penchées,

Et, pareil à l’esprit du juste radieux,

Le soleil, cette gloire épanouie aux cieux !

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