CHAPITRE IX.

LA divine & adorable providence a des ressorts incognus aux hommes, par le moyen desquels il afflige les siens quand il luy plaist, & en la manière qui luy est plus agréable, sans que nous puissions en cela faire autre chose qu'admirer ses divins Jugements, & luy dire en toute humilité. O mon Dieu vous soiez à jamais beny, qui nous afflige icy bas, pour nous rendre bien-heureux la haut en Paradis.

Au temps que les Rochelois faisoient la guerre en France, & qu'on voyoit le Canada en un peril plus eminent de changer de maistre. Messieurs les nouveaux associez firent équipper 4 vaisseaux à Dieppe pour l'aller renvitailler, & fournir des munitions necessaires, sous la conduite du sieur de Rocmont, comme j'ay dit au Chap. precedent. Dans 2 de ces Navires s'embarquerent avec 2 PP. Jesuites, deux de nos Religieux, sçavoir le P. Daniel Boursier, & le Pere François Girard, pour le secours de nos Frères qui estoient dans le pays, après s'estre au prealable humblement recommandé à Dieu.

Ils se mirent sous voile au mois d'Avril de l'an 1628, & sous la faveur de leurs quatre vaisseaux, 13 ou 14 petits Navires, qui sous cette escorte passerent la manche, & se rendirent en terre Neuve, pour la pesche de la moluë. Mais à peine la flotte se vit elle partie du port, & singlans en mer, qu'elle se vit aussitost accueillie d'une tourmente fort grande, pendant laquelle deux grands vaisseaux Rochelois, d'environ 100 tonneaux chacun, les vinrent costoyer & essayer d'en surprendre quelqu'un, mais en vain, car les quatre vaisseaux se joignans ensemble avec tous les autres pour leur deffence commune, tournerent teste à ses Pirates & leur donnerent la chasse à coups de canons.

La tourmente qui continuoit les alloit encore menaçans d'un autre plus mauvais party que des Rochelois, s'ils n'eussent promptement relaschez à la rade de honque, où ils sejournerent prés de 8 jours, pendant lesquels les RR. PP. Jesuites, & les nostres eurent tout loisir de dire leur Chapelets, & catechiser les Mattelots & passagers, qui s'estoient en assez bon nombre embarquez pour habiter le Canada, si par malheur les Anglois ne les eussent desconfis, & renvoyez en France, comme je diray cy aprés.

La tourmente passée on se remit sous voile, mais aussi tost un Navire Holandois parut & les vint recognoistre, lequel ayant esté couru, pris & amené par les nostres, fut fouillé, sous la croyance qu'il estoit Pirate, comme en effet, sa mine, sa desmarche, & ses gens revesches & mal conditionnez, en donnoient de fortes conjectures, neantmoins, aprés l'avoir gardé vingt quatre heures & plus, on le laissa aller, comme nous fismes, nostre Anglois, faisans le mesme voyage. Il y en avoit pourtant de nostre équipage qui trouvoient à redire à cette douceur, alleguans pour principale raison des exemples signalées de la barbarie des Anglois, & Holandois à l'endroit des François, lors qu'ils les trouvoient à l'escart & sans temoins, voire qu'ils usoient mesme souvent de perfidie, comme les Holandois ne tesmoignerent que trop à l'encontre du fils du sieur du Pont Gravé, estant au Moluques, chargé d'espiceries pour la France, car l'ayant invité à leur bord, pour le festiner, sous les apparences d'une amitié cordiale, à peine furent-ils en train de boire & rinsser les verres à la santé de leurs amis, qu'ils envoyerent mettre le feu dans le Navire de ce jeune Gentilhomme, pour le priver luy & la France, de ce qu'il emmenoit, ô envie insupportable. Mais qui ne se fut affligé d'une telle perfidie & desloyauté, il eut fallu estre de bronze & insensible comme une pierre, ce jeune homme eslevoit les yeux au Ciel, imploroit son secours, & reprochoit à ces meschans leurs actions infames, pendant que son pauvre Navire se consommoit & reduisoit en cendres. Helas, disoit-il, en contemplant du haut de la dunette son honneur, & ses biens consommez dans les flammes, falloit il que te crusse à la parole des ennemis de Dieu, s'en est ma coulpe, & ma faute, je ne m'en puis prendre qu'à moy mesme, ne devois-je pas sçavoir que celuy qui est infidel à Dieu, l'est ordinairement aux hommes, mes pechez m'ont causé ces disgraces, ô Seigneur qu'au moins elles servent à mon salut, les ennemis m'ont affligé de tous costez, & suis confis dans les amertumes de mon coeur. O mort ne me sois plus cruelle, & ne me fais point languir, je t'appelle à mon secour, ravy mon ame, & qu'elle soit pour le Ciel, car je ne puis plus vivre sur la terre aprés avoir veu commettre une telle perfidie en mon endroit, par ceux qui ne subsistent que par l'assistance de mon Roy, les forces me manquent, les tristesses m'accablent, & les ennuys me consomment comme le foin devant la flamme.

O mon Dieu, disoit ce pauvre Gentilhomme, je recommande mon ame entre tes mains, je vous demande pardon de tous mes pechez passez, avec un regret infiny d'avoir irrité vostre divine justice, vous estes mort pour moy mon Sauveur, & dequoy serviroit ce Sang tres-precieux qui est decoulé de vos playes, sinon pour nettoyer nos coulpes, & les taches du peché qui ont enlaidy mon ame: Vous estes mon Dieu, & je suis vostre creature, vous estes le tout Puissant, & je suis un neant, & dequoy vous serviroit que je fusse perdu, ceux qui sont aux Enfers ne vous louent point, & les bienheureux chantent vos louanges, & les misericordes qui sont eternellement en vous. J'espereray donc en vous ô mon Jesus nonobstant mes fautes, car vous ne perdez que les obstinez. La Vierge & les SS. que j'invoque à mon secours, vous prient pour moy, & offrent au Pere Eternel toutes vos souffrances, les leurs, & celles que j'ay souffertes au reste de ma vie, en satisfaction de mes pechez.

En achevant ces prieres, il entra en l'agonie de la mort, & rendis son ame entre les mains de Createur, comme pieusement nous pouvons croire. Ce fut un grand dommage de ce jeune homme, car il donnoit de grandes esperances de sa personne, tant de sa valeur que de son bel esprit, mais l'envie de l'heretique Holandois, qui ne veut avoir de compagnon à la navigation s'il n'est plus fort que luy, luy osta les biens, & la vie.

Reprenons nos brisées, & disons que la flotte ayant tins mer environ cinq ou six sepmaines, arriva favorablement sur le grand Banc, où tous les Mattelots ayans la ligne en main pescherent quantité de moluës pour leur rafraichissement, car les salines que l'on a pour tout mets en mer, lassent extremement. Apres quoy ils aborderent les Isles d'Anticosti ausquelles ayans mouillé l'ancre, les Peres avec tous le reste de l'equipage descendirent à terre, louèrent Dieu, puis ayans planté une croix au nom de Jesus, qui les avoit là conduits, se rembarquerent & tirerent droit aux Isles percées, où ils trouverent un Navire de ceux qui esloient party de Dieppe avec eux, lequel s'estant senry bon voylier pour esquiver l'ennemy, avoit pris seul le devant à l'issue de la manche, pour arriver des premiers à la pesche, comme il fit.

La flotte ayant sejourné deux jours en ces Isles, fit voile pour le petit Gaspée, où l'on fut adverty par dix ou douze Sauvages, de l'arrivée de quatre ou cinq grands vaisseaux Anglois dans Tadoussac, lesquels s'estoient desja saisis de quelques Navires François contre la coste, dequoy nos gens bien estonnez ne sçavoient par maniere de dire, à quel Sainct se vouer, car ils se voyoient en de très grands dangers d'estre tuez en combat tant, ou d'estre fais prisonniers en se rendans, & traitez; à la rigueur des ennemis, à cause principalement des Religieux qui estoient dans leurs vaisseaux, c'est ce qui les fit estre tellement pressans & importuns à leur endroit, qu'ils contraignirent nos deux Peres, avec deux autres qui s'estoient embarquez avec eux de se couvrir d'habits seculiers, ce qu'ils firent, mais avec tant de regret & de desplaisir, que jamais il n'y eussent consenty si la charité & la compassîon qu'ils avoient de ses pauvres François qu'ils voyoient comme desesperez, ne les y eut contraints, & comme obligez.

Apres quoy on tint conseil de guerre auquel il fut conclud que leur première pensée seroit suivie, qui estoit de se bien batre si les autres abordoient, puis qu'il n'y avoit point là lieu de retraite, ny moyen de s'esquiver de l'ennemy, qui estoit aux aguets. Neantmoins avant que de hasarder, comme j'ay dit cy devant au Chap. 8 ils adviserent d'envoyer une chalouppe de 10 ou 11 hommes à Kebec par des lieux destournez, sous la conduite d'un nommé Desdames, pour advertir le sieur de Champlain de leur arrivée, & qu'ils leur portoient dequoy renvitailler l'habitation de toutes choses necessaires, & de la peine où ils se trouvoient, afin qu'il se tint luy-mesme sur ses gardes. Ils ordonnerent aussi audit Commis les lsles de S. Bernard pour le rendez-vous, & où ils l'attendroient si plustost ils n'estoient pris.

La voile au vent, & la chalouppe partie, la pauvre flotte marchoit entre la crainte & esperance pour les Isles S. Bernard, lors qu'ils apperceurent l'armée Angloise venir droit à eux pour les combatre mais nos gens qui ne sentoient pas la partie egale en prirent bien tost l'espouvente, & s'enfuyrent à vauderoute, & les autres aprés, qui les poursuivirent jusques au lendemain trois heures après midy qu'ils les abordèrent & saluerent d'une volée de canon, qui leur fut respondu de mesme, & de là commença une tres-furieuse batterie de part & d'autre, les uns pour empieter, & les autres pour se defendre, mais à la fin les Anglois obtindrent la victoire sur les François qui se defendirent fort vaillamment, car ils tirèrent jusques au plomb de leurs lignes, & en 14 ou 15 heures de temps que dura le combat, il fut tiré de part & d'autre, plus de douze cens volées de canon, à ce que m'ont dit ceux qui y estoient presens, & si neantmoins de tant de coups de foudres & de tonnerres, il n'y eut jamais que deux François de tuez, & quelques autres de blessez, mais le debris de deux vollées de canons qui donneront à fleur d'eau de leur Admiral, avec le manquement de poudre & de munition, qui fut en fin la cause de leur malheur, & qu'il fallu parlementer, & demander composition, qui leur fut accordée assez honorable pour gens reduits à l'extremité.

Il y en a qui veulent dire qu'ils devoient venir à bord, & rendre combat, l'espée ou la picque à la main, mais helas les pauvres gens, eussent bien empiré leur marché, car au lieu que la vie leur fust accordée, & l'honneur aux femmes conservé, ils pouvoient dans un combat inégal, perdre & l'un & l'autre, costé des personnes qui leur estoient de beaucoup superieurs, & en force, & en nombre.

La composition fut qu'il ne seroit fait aucun desplaisir aux Peres Jesuites, ny aux PP. Recollects. Que l'honneur des femmes, & des filles leur seroit conservé. Qu'ils donneroient passages, vivres, & vaisseaux à tous ceux de l'quipage qui devroient retourner en France. Mais que tout le reste du pillage avec les hardes des pauvres François, appartiendroient aux Anglois, lesquels partagèrent entr'eux, après qu'ils eurent deschargé la pluspart des hommes à terre, ausquels ils donnerent, selon le concordat, deux vaisseaux, & les vivres necessaires pour retourner en France, à telle heure qu'ils voudroient.

Pour les Peres, & les PP. jesuites, les Capitaines, Admiral, & vice-Admiral, & quelques autres des principaux François, furent dispersez en plusieurs vaisseaux Anglois, pour estre conduits en Angleterre, voir adjuger la flotte Françoise estre de bonne prise, & eux-mesmes arrestez jusques à entier payement de la rançon qu'on estoit convenu. Le monde estant ainsi dispersé, la flotte partit des Isles de Miscou, & se rendit à celles de sainct Pierre, où ils trouverent quatre Navires Basques de sainct Jean de Lus, chargez de moines & abandonnez des Mattelots qui s'estoient cachez dans les bois, peur de tomber entre les mains des Anglois, ausquels il fut facile se saisir des vaisseaux, & de tout ce qui estoit dedans & de la pluspart du poisson sec qui estoit encore sur le galay, n'y ayant personne pour le deffendre.

Tant de marchandises & de pirateries leur emplit tellement leurs Navires, qu'il furent contraints se descharger de ce qui leur servoit le moins, & entre autres choses, ils deschargerent de nos Peres, & d'un honneste mais fort sage gentil-homme nommé le sieur le Faucheur Parisien, de sa femme & de ses cinq enfans, d'un Médecin & de quinze ou seize Mattelots Biernois, de tous lesquels ils n'eussent pû esperer une once de bonne monnoye; ayans perdu dans la flotte, tout ce peu de bien qu'ils avoient embarquez sous l'esperance de s'habituer en Canada pour y vivre eux & leur familles, le reste de leur vie, mais qui par mal-heur ne leur reussit pas bien.

Aprés que ces pauvres gens furent descendus à terre, on leur fist offre de vivres & de vaisseaux pour retouner en France, qui furent en mesme temps acceptez comme une gratification, car qu'elle consolation pouvoient ils avoir dans des vaisseaux où il ne se faisoit aucun exercice que de la Religion pretendue reformée, où on n'oyoit chanter que des marottes, faire vie que de rustres & d'epicuriens, à la verité on ne leur fist aucun desplaisir en leur personnes ny d'affront à leur honneur & reputation, mais c'estoit assez d'affliction que de se voir esclaves & prisonniers, entre les mains de personnes si esloignées du bon sentiment & de la voye qui conduit au Ciel. Le Navire qui leur fut donné fut un de ceux nouvellement pris sur les basques, duquel ils se servirent autant long-temps qu'il plut à Dieu, je dis qu'il plut à Dieu, car pensans dans ceste apparente commodité se servir d'une opportune commodité, ils se mirent dans des hazards & périls jusqu'à l'extrémité.

Mon Dieu vous estes admirable, & adorables sont vos jugemens, mais il est vray que sans vostre assistance particuliere, l'homme de bien succomberoit souvent sous le pesant faix de vos visites. Les Anglois n'estoient pas à peine partis de ces Isles, que les Basques à qui lesdits Anglois avoient pris, fouragez & emmené leurs vaisseaux, vindrent dans quatre ou cinq chalouppes, se saisir à l'improviste du Navire de nos pauvres François, pendant qu'ils, estoient à terre empechés à racommoder leur hardes & donner ordre pour leur voyage: qui fut bien affligé, ce furent ces pauvres exilez, car ils se virent tombé de deux sieges à terre comme l'on dit, & en danger de mourir miserablement dans ce desert, car ils ne sçavoient plus à qui avoir recours.

On dit qu'on peut, reprendre son bien où on le trouve. Ces Basques avoient donc raison de reprendre le leur en ce Navire qui leur avoit esté osté par les Anglois, mais nos gens avoient aussi un juste sujet de déplorer leur infortune, & d'avoir recours aux larmes & aux prieres, puis que tout secours humain leur avoit manqué, & sembloit que le Ciel & la terre eussent conjuré leur ruyne. Ils se veulent neantmoins roidir contre ces Basques & en disputer le Navire comme pris de bonne guerre, disoient-ils, par les Anglois, car la necessité a tousjours des inventions pour se liberer d'elle mesme.

Dix ou douze Mattelots des plus resolus entrerent dans une chalouppe & allerent recognoistre ces Basques, qui avoient repris leur Navire, pendant que le reste de l'équipage les suivoit dans une autre, mais au lieu d'estre les bienvenus, les Basques justement irrité les penserent tous assommer à coups de pierres, (car les Anglois ne leur avoient laissé aucunes autres armes à feu.) Il y en eut cinq on six de blessez, qui firent prendre la fuyte à tout le reste sur les montagnes voisines, tellement qu'avec le Navire les Basques eurent encores tous les paquets & les hardes de nos gens, qu'ils avoient laissé sur la terre.

Que pouvoient dire alors nos pauvres Religieux, sinon de crier au Seigneur qu'il eu pitié d'eux & de tout ce peuple, pour moy je n'ay rien ouy de plus admirable en toutes ces disgraces que la confiance de cette honneste damoiselle mere & de ses trois filles, courageuses comme des Amazones, & qui sçavoient devorer les difficultés dés leur naissance, par de bonnes & fermes resolutions, de recevoir & endurer le tout pour l'honneur & l'amour d'un Dieu. Ce sont graces qui ne sont pas communes à toutes les femmes, qui sont d'ordinaire timides & craintives aux moindres difficultez, & partant louables en celles qu'au milieu des plus grands hazards, se monstroient egalement courageuse avec le père & les fils.

Les Basques ne se contenterent pas d'avoir pris les hardes de ces pauvres gens, & le Navire destiné par les Anglois pour les reconduire en France, mais quinze ou seize de leurs hommes armez de demy piques, les coururent encor sur la montagne pour les tuer, disans qu'ils leur avoient amenez les Anglois, & l'eurent fait, sans l'intercession de nos Peres, & les larmes de ces bonnes Damoiselles, qui leur tesmoignerent du contraire, tellement qu'à toute peine ils leur sauverent la vie, & lenr obtindrent une chalouppe avec un peu de biscuit & de cidre, avec quoy ils eurent un commandement absolu de partir dans une heure sur peine de la vie, qui estoit une rudesse bien grande envers des pauvres Mattelots affligez comme estoient aussi en effet, les pauvres Basques degradez reduits de riches marchands à de pauvres devalisez.

Ils se mirent donc en mer avec leur chalouppe rodant la coste, bien en peine qu'ils deviendroient & où ils pourroient avoir du secours, mais Dieu qui n'abandonne jamais les siens au besoin, leur fist la grace d'eviter les perils de la mer, & d'arriver heureusement en deux fois vingt-quatre heures, aux Isles de plaisance, où ils trouverent fort à propos, des Navires prests à faire voille pour leur retour en France, qui les receurent & donnèrent charitablement place parmy eux.

Cependant nos pauvres Religieux, le gentil-homme, sa femme & ses enfans estoient restés à la mercy des Basques qui ne les voulurent pas repasser en France ny leur donner place dans leur Navire rescous, si Dieu très-bon ne leur eut amoly le coeur endurcy par le marteau des afflictions, qui fut la cause de les faire recevoir, autrement il eut fallu mourir de faim dans ces desert ou estre mangé des bestes.

Ils furent pres de cinq sepmaines empeches à racommoder leur vaisseau gasté par les Anglois, puis ils cinglèrent en mer avec nos gens environ la my-Septembre, & deux autres Navires qui les estoient venus trouver au bruit de leur disgrace, assez ordinaires aux Mariniers.

Le vent du commencement leur fut assez favorable, mais qui se changea soudain en une si furieuse tourmente pendant quatre ou cinq jours, que les Mattelots desesperans de leur salut, avoient tousjour la coignée au pied du grand mas pour le couper s'il eut trop panché, comme le dernier remede.

Tout ce que nos Religieux pouvoient faire dans cette extremité, estoit de prier Dieu, & d'induire tous les autres d'en faire de mesme & de se mettre en bon estat, car souvent nos disgraces ont leur source dans nos pechez, comme aux gens de bien dans leurs merites, mais la tourmente continuant de plus bel à mesure qu'ils prioient Dieu, comme si le diable eut voulu debattre contre eux, ils leur firent faire un voeu à nostre Séraphique Pere fainct François, lequel estant fait la tempeste des aussi-tost cessa, il n'y eut que les deux autres Navires separez par les vents, qui ne se retrouverent point au calme, & s'ils perirent ou non personne n'en a rien sçeu.

De l'arrivée des Peres Daniel & François en Espagne avec leur compagnie, de la charité qu'ils y receurent jusques en France. Leur Navire pillé & bruslé par les Turcs, & la mort d'une Dame devote à l'Ordre de sainct François.

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