CHAPITRE XXXIV

LA conversion des Infidelles est le propre gibier des Frères Mineurs, & de roder toute la terre, pour les amener à Jesus Christ, car Dieu ne nous a pas envoyé pour nous seuls, mais pour ayder à sauver les autres en nous sauvans nous mesmes, autrement nous ne satisfaisons pas à tout ce qui est du devoir d'un vray Frere Mineur, qui doit estre martyr de volonté s'il ne le peut estre d'effet.

Je fais mention au Chapitre suivant des conversions admirables que nos tres-saincts Frères ont fait dans les Indes, & presque par toutes les terres Payennes & Barbares, lesquelles surpassent infiniment celles qui se sont faites dans tout le Canada; mais ceux qui considereront ce qui est de la nouvelle France, & le peu de zele de l'ancienne à y porter leur ayde. La grande estendue & le peuple presque infiny des Indes, outre le bon ordre que les Viceroys & Gouverneurs des pays y tiennent, que ce sont peuples policez pour la pluspart, admireront qu il y en aye aucun de converty dans nostre pauvre Canada, & que nos Religieux y ayent pu disposer un si grand nombre de Barbares à la foy, & en baptiser plusieurs, entre lesquels je feray choix de quelqu'uns pour vous faire voir qu'en effet, on y feroit du profit si on y estoit assisté.

Nous baptisames une femme Huronne malade en nostre bourg de sainct Joseph, qui ressentit interieurement, & tesmoigna exterieurement de grands effets du sainct Baptesme, il y avoit plusieurs jours qu'elle ne prenoit aucune nourriture, ne pouvoit rien avaller, & n'avoit d'appétit non plus qu'une personne mourante, elle avoit neantmoins tousjours l'esprit & le jugement tres-bon, jouissoit de la faculté de ses sens, & paroissoit en elle je ne sçay quoy d'aspirant aux biens éternels, car à mesme temps qu'elle fut baptisée l'appetit luy revint comme en pleine santé, & en ressentit plus de douleurs par l'espace de plusieurs jours, aprés lesquels la maladie se rengregeant, & son corps s'afoiblissant, elle rendit son ame à Dieu le Créateur, comme pieusement nous pouvons croire.

Avant d'expirer elle repetoit souvent à son mary que lors qu'on la baptisoit, elle ressentoit en son ame une si douce, si suave & agreable consolation, qu'elle ne pouvoit s'empescher d'avoir les yeux, & la pensée, continuellement eslevez au Ciel, & eut bien desiré qu'on eut pu luy réitérer encore une autre fois le sainct Baptesme, pour pouvoir jouyr derechef de cette consolation interieure, grace & faveur que ce Sacrement luy avoit communiquée.

Son mary nommé Ongyata, tres-content & joyeux au possible nous en a tousjours esté du depuis fort affectionné & desiroit encore estre Chrestien, avec beaucoup d'autres, mais il falloit encore un peu temporiser & attendre qu'ils fussent mieux instruits & fondez en la cognoissance d'un Jesus Christ Crucifié pour nos pechez, au mespris de toutes leurs folles ceremonies, & à l'horreur du vice, pour ce que ce n'est pas assez d'estre baptisé, pour aller en Paradis, mais il faut vivre Chrestiennement & dans les termes, & les Loix que Dieu & son Eglise nous ont prescrit: autrement il n'y a qu'un Enfer pour les mauvais Chrestiens, non plus que pour les infidelles,& non point un Paradis.

Et puis je diray avec vérité, & veux bien le repeter plusieurs fois, que la doctrine, & la bonne vie des Religieux, ne suffisent pas à des peuples Sauvages pour les maintenir dans le Christianisme, & en la foy, il faut de plus la conversation & le bon exemple des personnes seculiers; car comme ils disent eux mesmes, s'il y avoit des mesnages de bons Catholiques habituez avec eux, ils apprendroient plus en deux Lunes, leur voyans rendre les devoirs de bons & vertueux Chrestiens seculiers, qu'en quatre, les oyans dire à des Religieux, à la vie desquels ils trouvent plus à admirer qu'à imiter.

Entre plusieurs Sauvages Canadiens que nos Peres ont baptisez, soit de ceux qu'ils ont fait conduire en France, ou d'autres qu'ils ont baptisez & retenuz sur les lieux, un principalement merite que je vous descrive l'Histoire qui est assez remarquable.

J'ay rapporté cy devant au premier livre de ce volume, Chapitre sixiesme, comme le Canadien Choumin, autrement nommé le Cadet, avoit promis au Pere Joseph de luy amener son fils ainé nommé Naneogauachit, pour estre instruit & baptisé, si tost qu'il sçauroit son retour de France, comme il fit en effet, s'y rendant si soigneux, qu'à peine ledit Pere eut il pris un peu de repos qu'il le vint trouver avec sondit fils, lequel après un petit compliment luy dit en sa Langue: Pere Joseph voyla mon fils que je t'ay amené pour demeurer avec toy, ou pour l'envoyer en France ainsi que tu voudras, je te l'avois promis & m'en acquite, & te le laisse en depos pour en disposer à ta volonté, seulement je te supplie pour l'amour que tu porte à Jesus, d'en avoir le soin, de l'instruire, & de le faire son enfant comme tu m'as promis, car je veux qu'il vive dorenavant comme toy, & aille en Paradis avec toy.

L'enfant ne pouvoit avoir lors qu'environ neuf ou dix ans seulement, mais il estoit fort joly, honneste, & sentant peu son Sauvage non plus que son père. On luy demanda s'il vouloit demeurer avec nous, & estre baptisé, il dit que ouy, & qu'il estoit fort contant. Là dessus on luy fait quitter son habit de Sauvage, qui consistoit en un petit capot rouge qu'il avoit eu à la traite pour des pelleteries, & fut revestu d'un petit habit à la Françoise, qui le consola fort, car il se contemploit, se regardoit, & s'admiroit luy-mesme avec ce petit habit. Mais combien est puissant l'amour d'un pere envers son enfant, & reciproquement celuy d'un enfant bien nay envers son pere, il n'y a que celuy qui l'a experimenté qui le puisse exprimer.

Ce pauvre Sauvage avoit esté contant jusques là, mais quand il fut question de dire à Dieu à son enfant, la parole luy manqua, & fondant en larmes, il n'osoit plus regarder ce fils, l'objet de ses douleurs, non plus qu'une autre saincte Paule son petit sur se rivage de la mer, neantmoins surmontant sa paternelle affection, & aymant plus son fils pour Dieu que pour luy-mesme, dit derechef au Pere Joseph, cet enfant est à toy, je te l'ay donné, & me suis despouillé du pouvoir que j'avois sur luy, afin qu'il suive tes volontez, reçois le donc & en fais comme de ton fils, & sur ce partit pour s'en retourner avec les autres Sauvages, chargé de quelque petit present qu'on luy donna pour essuyer ses larmes.

Or ce fut icy bien la pitié, car Neogauachit voyant partir son pere, il n'y eut plus de paix à la maison, il pleuroit, il s'affligeoit & vouloit à toute force s'en retourner avec luy, sans qu'on pu par aucune douceur luy persuader de demeurer, à la fin on usa de quelque menace de luy oster son habit, & de le renvoyer comme il estoit venu, ce qu'aprehendant, il s'appaisa un petit, & dit au Pere Joseph; Si tu m'ayme comme tu dit, laisse moy donc aller avec cet habit, car il me plaist infiniment, autrement je ne voy point que tu aye de l'amour pour moy, car l'amitié ne se recognoist que dans le bienfait, & tu me le veux oster, ce n'est pas que je desire te quitter pour tousjours, mais seulement pour la consolation de mon pere qui se meurt de tristesse. Et quoy voudrois tu bien user d'une si grande rigueur à l'encontre de celuy qui ne peut vaincre les sentimens que la nature luy a donné pour celuy qui l'a mis au monde, je ne le peux concevoir, & ne sçaurois comprendre que tu sois bon pour les autres, & que pour moy seul tu sois mauvais, c'est à toy à faire voir ta courtoisie en effet, & à moy ne t'en faire les remerciemens selon leur valeur, & te promettre comme je fais, de te venir voir souvent avec d'autre petits garçons que je t'ameneray pour apprendre à prier Dieu avec moy, si tu m'en donne le congé: mais comme il vid qu'il falloir tout à bon quitter l'habit, ou demeurer, il se resigna, & du qu'il ne s'en vouloit point aller, & deslors resta avec nos Freres, sans plus parler de ses parens.

Il faut advouer qu'il y eut un rude combat à cette separation, & puis le Diable y allumoit bien les tisons, car il y alloit de son interest, comme la suitte de ce discours vous fera voir. Ce petit se rendit si soigneux d'apprendre la doctrine Chrestienne, & les prieres necessaires, qu'il s'en faisoit admirer, car outre qu'il avoit l'esprit bon, & la memoire heureuse pour bien apprendre, il avoit je ne sçay quoy de gentil qui le faisoit aymer, & esperer de luy, quelque chose de bon pour l'advenir.

Apres qu'il eut appris les petites prières il ne manquoit pas de les reciter soir & matin de genouils devant une image devote, ou à l'Oratoire, & ne se couchoit jamais qu'au préalable il ne se fut recommandé à Dieu, & faict le devoir d'un bon Chrestien (Payen qu'il estoit). Lors qu'ils alloit par les cabanes de ceux de sa Nation, il incitoit les petits garçons d'apprendre les mesmes chose, & de venir demeurer avec luy, & advertissoit les malades de ne mourir point sans estre baptisé, car luy mesme avoit un si grand desir de l'estre, après qu'il eut un peu compris la Doctrine Chrestienne, qu'il ne cessoit jour n'y nuict de prier nos Freres de le baptiser, & fallut en fin pour sa consolation, & celle de son pere qui les en prioit aussi luy donner jour pour cette solemnité, à Pasques, ou quand les Navires arriveroient de France, pendant lequel temps il apprit toute sa croyance, son Catechisme, & les Commandemens de Dieu & de l'Eglise, avec une facilité & contentement incroyable.

Ce que ne pouvant supporter l'ennemy du genre humain, luy dressa une furieuse baterie, & inventa tout ce qu'il peut pour l'empescher de son salut, qui ne luy reussit pas neantmoins. Il incita, quelqu'un de sa Nation de dire à son pere de ne point permettre qu'il fut baptisé, & qu'autrement il mourrait comme les autres qui l'avoient esté. Ce qu'ils disoient pour plusieurs Sauvages que nos Peres avoient baptisez à l'article de la mort aprés avoir esté instruict en santé, & partant qu'il le devoit retirer vers luy. Ce pauvre homme affligé de cette nouvelle, partit à mesme temps du lieu où il Hyvernoit, esloigné de plus de trente cinq lieuës de nostre maison, & se rendit à l'habitation, non sans une grande peine, pour consulter les François sur ce qu'il avoit à faire touchant son fils. Il s'addressa, mais fort mal à propos, à de certains indevots, qui ne se soucioient non plus du salut des Sauvages que du leur propres car au lieu de porter ce pere à faire baptiser son fils, ils l'en destournerent le plus qu'ils peurent l'asseurant qu'il le devoit retirer de nos mains, & suivre le conseil de ceux de sa Nation, à quoy il n'estoit desja que trop porté.

Ce mauvais conseil des François n'estoit pas qu'ils se souciassent que l'enfant fut baptisé ou non, mais c'estoit pour tirer de ce pauvre pere quelques pièces de pelleteries, ou de venaison, ce qui parut lors que n'en pouvans rien avoir, ils luy chantèrent injures, l'appelant yvrongne, & qu'il ne valloit rien d'avoir ainsi livré son fils, qu'on envoyeroit en France si tost qu'il seroit baptisé, & que le Pere Joseph avoit tort de l'avoir accepté. Voyez l'insolence, & la temerité de ces indevots, je croy que les Chefs les en auront chastiez, si la faute leur en a esté descouverte, car ils ne peuvent tout cognoistre, que par les yeux d'autruy.

Qui n'eut esté esmeu de tant de mauvais conseils, & des injures des François, autre qu'un, esprit bien fort. Ce pere ainsi traversé dans ses pensées, s'en vint chez nous, où il fut bien receu, & traitté de mesme nous, & ne sçachans son mauvais dessein, on luy permit de parler à son fils en particulier, auquel il demanda s'il vouloit quitter là les Religieux, mais l'enfant luy respondit que non, & qu'il vouloit demeurer avec eux, pour estre baptisé, & que le jour destiné pour son baptesme s'approchoit fort. Le pere ne luy en parla pas, d'avantage pour lors, se contentant de cette première atteinte, jusques à une autre fois qu'il revint le presser de plus prés, sans que l'enfant descouvrit rien à personne, de la peine que son pere luy donnoit, peur qu'en la descouvrant, il ne fut renvoyé à ses parens, en quoy il se trompoit.

Ces malicieux & faux Chrestiens François, continuerent tousjours de solliciter ce Choumin à retirer son fils de nos mains, & de ne permettre, qu'il fut baptisé, quelques autres Sauvages s'y employèrent aussi, qui l'animerent si bien, que le Samedy de Pasques, il vint chez nous accompagné d'un Sauvage, que l'on tenoit pour grand sorcier, & avoit une frequente communication avec le Diable, aussi bien que le pere de ce petit, qui outre cela estoit estimé le meilleur Medecin, & grand chasseur du pays.

Comme on ne se mesfioit point de luy on le laissa derechef monter seul dans la chambre où estoit son fils occupé en quelque petit exercice, & l'ayant salué à sa mode, luy dit que c'estoit à ce coup qu'il falloit qu'il renonçast au sainct Baptesme, & à tout ce qui estoit de nos instructions, autrement qu'il mourroit, & qu'il fit estat de s'en retourner avec luy. L'enfant insistoit tousjours du contraire, & ne pouvant goutter un si mauvais procédé, pressé de trop prés: luy dit franchement que s'il le contraignoit d'avantage en la conscience, qu'il le renonceroit pour son pere, & qu'il avoit bien peu d'esprit (mot ordinaire) de vouloir luy empescher à present une chose que luy mesme luy avoit conseillée, lors qu'il le donna au Père Joseph.

Le pere irrité que par douceur, & autrement il ne pouvoit rien gaigner sur l'esprit, & la confiance de son fils, voulut user de menace, & luy deschargea un si grand coup sur l'estomach qu'il le renversa par terre, au bruit duquel le Frère Gervais accourut, qui luy demanda pourquoy il avoit frappé son fils, mais le petit prenant la parole, respondit; Ne vois tu pas bien qu'il n'a point d'esprit, & qu'il ne sçait ce qu'il faict. Il voudrait que je vous quittasse, & que je ne fusse point baptisé, mais je le veux estre, & mourrois plustost à la peine, que de m'en retourner avec luy sans avoir receu ce benefice, c'est pourquoy pour me libérer de ces importunitez si je vay en France je n'en reviendray pas, ou bien vous me contraindrez de revenir, car autrement je ne puis avoir de repos. Les Religieux qui le trouverent là, voyans sa confiance le consolerent, & tancerent le pere de vouloir empescher le baptesme de son fils: lequel s'excusa sur ce que les François mesmes, avec plusieurs de sa Nation, luy conseilloient de le reprendre, & ne permettre qu'il fut baptisé.

C'estoit la coustume que nos Freres alloient toutes les Festes & Dimanches, faire l'Office divin à l'habitation, & y demeuroient depuis le matin jusques après Vespres qu'ils revenoient à nostre Convent. Le jour de Pasques dés le matin le Pere Joseph s'y en alla à mesme dessein, accompagné de son petit Sauvage, & de Pierre Antoine, Patetchounon, autre Sauvage qui avoit esté baptisé en France, Choumin s'y trouva aussi où ayant rencontré son fils, le pria derechef de s'en retourner avec luy, & pour l'amadouer l'ayans tiré un peu à l'escart loin de la maison, luy presenta quelque chose à manger, qu'il n'accepta que par contrainte, & encor moins luy voulut il obeyr en son mauvais dessein; Tellement que cet impetueux n'ayant encor pû rien gaigner sur sa constante resolution, fut à la fin contraint de l'abandonner en ses bonnes volontez, & le laisser retourner avec nos Freres.

Vespres estant dites, le Pere Joseph fit chercher ce petit, & ne l'ayant pû trouver s'accompagna de son Pierre Anthoine, & partit pour son retour au Convent, esperant que si le garçon n'y estoit encore arrivé, qu'il les suivroit bien tost après, car il estoit asseuré de sa resolution.

Or l'enfant qui avoit un peu trop tardé avec son pere, fut bien marry que le Pere Joseph fut party, car il craignoit tousjours la rencontre de ceux qui le dissuadoient de son salut, & fut contrainct de s'en aller seul, en nostre maison. Estanr arrivé au dessus de la coste du fourneau à chaux, qui est à un grand quart de lieuë de nostre Convent, chantant comme ils ont accoustumé allans par les bois; s'apparut à luy un fantosme en guyse d'un vieillard, ayant la teste chauve, & une grande barbe toute blanche, qui n'avoit point de pieds, mais seulement deux bras, & deux aisles, avec lesquelles il voltigeoit autour de luy, luy disant quitte les Religieux, & le P. Joseph, ou autrement je te tueray.

Ce petit un peu esmeu, luy respondit qu'il n'en feroit rien, qu'il les aymoit trop, & vouloit estre baptisé. Je te tueray donc repliqua le fantosme, & à mesme temps se jetta sur luy, comme il passoit entre deux arbres, l'abatit sur la neige pour lors encore d'un pied & demy d'espoisseur, & luy pressa tellement l'estomach que de douleur il fut contrainct de jetter de hauts cris, & d'appeller le Pere Joseph à son ayde, ce qu'ayant fait lacher prise à ce fantosme, il luy emporta son chapeau à plus de trois cent pas de là.

S'estant relevé, il se prit à crier, & courir de toute sa force, sans sçavoir où estoit son chapeau, lequel il retrouva au milieu du chemin, fort loin d'où il luy avoit esté pris, & l'ayant ramassé, non sans quelque apprehension du malin esprit, qui l'avoit là porté, il ouyt une voix qui luy dit derechef, quitte donc ces Ca Iscoue ou ac pet, (ainsi appellent-ils les Recollects) il respondit: je n'en feray rien, & fuyoit tousjours vers le Convent en criant aux Religieux qu'ils l'allasse secourir lequel ayant esté à la fin entendu, le Père Joseph envoye, Pierre Anthoine pour voir que c'estoit, car on ne pouvoit encor discerner la voix que confusement. Estant rencontré, il conta à Pierre Anthoine son infortune, & les frayeurs qu'il avoit eu de ce fantosme, le priant au reste de n'en dire mot à personne, peur que cela ne retardat son baptesme, ou que l'on en conceut quelque mauvaise opinion de luy, ce qu'ils tindrent fort secret jusques au temps qu'il le fallut descouvrir. J'ay eu diverses pensées sur ce fantosme, & m'est venu en l'opinion que ce pouvoit estre Choumin mesme, qui l'avoit envoyé à son fils pour luy faire quitter le party de Dieu, car comme j'ai dit ailleurs il estoit estimé un fort grand Pirotois.

Ce soir mesme les bons Peres Jesuites, qui estoient logez à nostre departement d'embas, donnerent à soupper à nos Religieux, qui leur en donnoient aussi reciproquement, où ils menèrent Pierre Anthoine, & un autre Sauvage qui nous avoit promis son fils, puis le petit Naneogauachit avec son pere qui l'estoit venu voir, lesquels louerent fort l'apprest des viandes, & la manière de nous gouverner en nos repas. Apres souper le petit Naneogauachit monta à la chambre avec le Frère Gervais, & tout gay & joyeux se tenoit auprès du feu, pendant que ledit Frère escrivoit quelque mots Sauvages qu'il luy enseignoit, comme tout à coup il vint à tomber pleurant amerement, avec la gorge & un visage fort enflé, qui estonnoit fort nos gens, ne sçachant d'où ce mal luy pouvoit proceder; On luy demanda ce qu'il avoit, mais à cela point de responss, seulement on luy oyoit dire entre ses dents, Noma, Noma, qui veut dire en nostre langue, Non, Non. Lors ledit Pierre Anthoine qui avoit desja sçeu l'apparition du fantosme, dit alors qu'il y avoit là du fort necessairement, & quelque traict de la magie de son pere, ou de cet autre sorcier qu'il avoit amené, & pour confirmation de son dire, conta l'histoire de ce Demon, qui en forme d'un vieillard luy estoit apparu sur le chemin, revenant de Kebec.

Ce qu'ayant sçeu le bon Frere Gervais & craignant pis, appella le P. Joseph à son secours et avec luy les R.R. Peres Jesuites, pour voir l'estat du petit & comme on en devoit user, car il estoit comme mort estendu de son long devant le feu, la première chose qu'ils voulurent faire fut de le mettre sur la couche qui estoit là tout proche, mais ils ne le purent oncques lever de terre, à la fin nostre Frère Charles y prestant la main & tout ce qu'il avoit de force avec le Frère Gervais, le mirent sur sa paillasse. Le Père Joseph & les RR. PP. Jesuites ne sçachant la cause de ce changement si soudain, s'informèrent de Pierre son confidant, d'où cela pouvoit procéder, lequel leur raconta derechef, la rencontre du fantosme, qui leur donna quelque crainte d'obsession, & que ces si grands tourments qu'il se donnoit à luy mesme sur la couche, en estoient des autres indices, c'est pourquoy ils se mirent tous en prières.

En ces entrefaictes, le Pere de ce petit parut avec son compagnon, auquel on conta ce qui s'estoit passé, mais il en fit bien l'estonné, & dit mon fils veut mourir, mais laissez moy faire & je le gueriray, & se retirant dans le jardin avec cet autre médecin, firent des extorsions du corps & des grimasses estranges, pendant lesquelles son mal augmentant, il se prit à pleurer & suer à grosses gouttes par tout le corps, les yeux fermez & tellement changé de face qu'il n'estoit pas cognoissable, nonobstant il repetoit souvent comme s'il eut parlé à quelqu'un, Nema; qui veut dire nom, & quelquefois Niony baptisé toutaganiouy je veux estre baptizé, & se plaignant fort de l'estomach, disoit: que ce qu'il avoit veu sembloit le vouloir estouffer tant il le pressoit. Ce que voyant le R P. Lallemant, luy couvrit le visage de sa couverture, où ayant esté peu de temps, on l'entendit qu'il contestoit fort, disant Nema & ralloit comme un homme agonizant On le descouvrit promptement pout luy donner de l'air, car il avoit des-ja la face toute changée, les lèvres fort enflées, & les yeux tout tournez. Et reprenant un peu haleine, il dit, mais avec peine, que c'estoit le petit homme qu'il avoit veu, qui le vouloit estrangler à cause qu'il vouloit estre baptizé & que cela le tenait encor à la gorge, l'on luy donna du vin qu'il avalla, mais cela ne luy servit de rien, non plus que d'un autre dans lequel le P. Lallemant avoit faicte tremper son Reliquaire, car l'enfant crioit tousjours Neke boutamounau, j'estouffe. Neke poutamepitau, j'estrangle.

Le P. Joseph voyant que tout ce qu'on luy avoit pu faire ne l'avoit de rien soulagé, luy fist avaller une cueillerée d'eau beniste, laquelle ayant avallée, il dit, qu'est-ce qu'on m'a faict boire, ce meschant craint bien cela, il l'a faict fuir, il ne me tient plus à la gorge, il est à present aux pieds du lit, jettés en dessus: aprés qu'on en y eut jetté, il dit, il n'est plus là, il est sous le lict, jettez y en aussi, ce qu'ayant faict, l'enfant dit, Voyla il n'est plus céans, il s'est enfuy tant il craint ce que tu luy jette.

Pendant que cela se passoit dans la chambre, le pere du petit avec son compagnon, estoient dans le jardin, où ils faisoient des grimasses & chimagrées avec de certaines invocations au demon, d'où ayans sçeu qu'on les appercevoit, ils cesserent & furent appellez à la chambre, & reprimandez de leurs magies, & jusqu'à la veille de la Pentecoste, que ce petit devoit estre baptizé, il fut tourmenté tous les soirs par ce demon, l'espace d'une heure & quelquefois de deux, avec des peines pareilles de la première fois.

Il luy est aussi arrivé que allant seul par les bois chasser aux escurieux pour son divertissement particulier, il ouyt une voix sans rien appercevoir, qui luy répéta par trois ou quatre fois, quitte donc les Religieux ou je te tueray, (c'estoit la menace ordinaire du demon) ce qui luy donna une telle apprehension, que laissant là son arc, ses fleches & l'escurieux qu'il avoit tué, s'enfuit à travers les bois jusques dans nostre Convent, & deslors ne vouloit plus sortir seul, sinon que nos Religieux l'advertirent, que quand il oyroit, ou verroit quelque fantosme, qu'il se signat du signe de la saincte Croix, invoquant le sainct Nom de Jesus & de Marie, & que par ce moyen l'ennemy ne luy pourroit plus nuyre, ce qu'ayant observé & baisé souvent le Reliquaire qu'il portent à son col, auquel il y avoit de la vraye Croix, il s'asseura du tout & n'eut plus peur de l'ennemy, jusques un certain jour que le demon s'apparoissant derechef à luy hors le Convent, & luy commandant avec une voix fort afreuse, de quitter les Religieux, il en demeura tellement effrayé qu'en fuyant il crioit comme un perdu au secours, mais comme il vint à se resouvenir de ce qui luy avoit esté enseigné, il fist promptement le signe de la saincte Croix sur luy, & adjousta, je ne te crains point ô Satan, car tu ne me sçaurois empescher d'estre baptizé dans huict jours, ce qu'ayant dit l'ennemy disparut, & s'en alla comme un tourbillon de vent rencontrer trois de nos Religieux qui estoient dans le jardin du rempart, lesquels il pensa renverser du haut en bas des murailles, mais s'estans recommandez à Dieu, ce tourbillon les quitta & s'attacha à un petit arbrisseau, qu'il esbranla & secoua de telle sorte qu'il en rompit plusieurs, petites branches, & ne toucha à aucun des autres qui estoient là auprès desquels les fueilles ne branslerent pas seulement. Le petit estant de retour à la maison, il dit à nos Peres ce qui luy estoit arrivé & que le démon l'ayant quitté il estoit allé droit à eux, mais on ne luy voulut point-dire ce qu'ils en avoient expérimenté peur de l'espouventer.

Nos Frères voyant cet enfant tousjours dans les souffrances & que l'esprit malin ne desistoit point de ses poursuittes, se resolurent de le baptizer le jour de le Pentecoste prochaine, & en parlerent par plusieurs fois à son Pere, lequel recognoissant sa faute, dit qu'il estoit tres-marry de ce qui s'estoit passé, & que ç'avoit esté à la persuasion de quelqu'uns de sa nation & de plusieurs François, qui ne trouvoient pas bon que son fils allast en France & fut baptizé, mais qu'à present, il ne se soucioit pas de leur discours, & estoit tres contant qu'on en fist un bon Chrestien & que luy mesme se trouveroit à Kebec au jour de son baptesme, pourveu qu'on luy die en quel jour de la Lune ce seroit (car nos Montagnais de mesme que nos Hurons content par Lune ce que nous contons par mois, & par nuicts, ce que nous contons par jour) & que s'il pouvoit il y ameneroit plusieurs Algoumequins, ses pareils & amis, avec toute sa famille pour en voir les cérémonies & magnificences.

Le Samedy de la Pentecoste estant arrivé, le P. Joseph accompagné du petit & de Pierre Anthoine, allèrent aux cabanes des Sauvages, les prier pour la cérémonie du baptesme qui se devoit faire en publique, après lequel il y auroit festin solemnel, pour tous ceux qui s'y trouveroient indifféremment, hommes, femmes & enfans, qu'estoit le moyen d'y avoir bonne compagnie, car où la chaudière marche, ils sont assez diligens.

Le lendemain dés le matin, le P. Joseph & le P. Lallemant allerent donner ordre pour la ceremonie du baptesme, laquelle sieur de Champlain Lieutenant pour Monsieur le Duc de Vantadour dans le païs, ne voulut permettre estre faict en publique, comme il avoit auparavant promis, par des raisons d'estat, disant qu'une autrefois si les Sauvages avoient envie de conspirer contre les François, ils n'auroient point meilleur occasion qu'à presenter un enfant au baptesme, & pendant que nos gens seroient occupez à en voir les cérémonies, ils les pourroient tous tuer ou emmener esclaves comme s'il estoit tousjours necessaire de faire ces ceremonies en publique, & par cette deffence il empescha le contentement & l'édification qu'elles eussent pu donner à plus de deux cens Sauvages, qui estoient là arrivez.

Le R. P. Lallemant celebra la saincte Messe & en suitte la Predication à la prière du P. Joseph, à la fin de laquelle on fist venir le petit habillé de blanc à la porte de l'Eglise, lequel, en la presence de toute la compagnie, fut interrogé s'il vouloit pas estre baptizé, il respondit que ouy, & generallement à tout, suivant qu'il est porté dans le Rituel Romain; voyant sa perseverance, l'on le fist entrer dans la Chappelle de la Court (car il n'y a point d'autre Eglise) & là fut baptizé par le P. Joseph le Caron, & nommé Louys par le sieur Champlain, qui le tint au nom du Roy; & la dame Hebert premiere habitante du Canada, pour Mareine, une bonne partie, des François en furent les tesmoins, avec la pluspart des parens du garçon, excepté de son pere, qui n'y pu assister pour quelques affaires particulieres qui luy estoient survenues. A la fin le Te Deum fut chanté en action de graces, & deux coups de canons, tirés, & quelque mousquetades.

Toute estant achevée, il fut question, de donner ordre pour le festin des Canadiens amis auparavant, le P. Joseph assisté du P. Lallemant, du sieur de Champlain & de quelques autres François, leur voulant donner la refection spirituelle de l'ame, car s'estant transportez en une grande place où tout le peuple, estoit là assemblé, il leur fist une exhortation, en langue Canadienne, par laquelle il leur fist entendre ce qui estoit du S. Baptesme & de sa necessité, & la principale raison pour laquelle nous nous estions acheminez en leur païs, qui estoit pour les instruire en nostre Religion, leur apprendre à servir Dieu & gaigner le Paradis. Plus il leur demanda s'ils en vouloient pas estre instruits & nous donner de leurs enfans, pour estre eslevez en nostre Convent aux choses de la foy, comme des-ja on leur en avoit beaucoup de fois prié, & avoient tousjours differé d'en donner, & qu'il les prioit de luy dire à present leur volonté.

Puis s'addressant aux Capitaines, il leur dit: c'est principalement vous autres qui devriez prendre soin de vous faire instruire & enseigner, afin que vos enfans & les autres Sauvages fissent de mesme & ensuivissent vostre exemple. Je vous supplie donc d'y aviser & me faire sçavoir vostre deliberation, car en une affaire où il va de vostre salut, il n'y faut point de remise. Les RR. PP. Jesuites sont icy venus nous seconder & travailler pour le mesme effect, ce qui vous doit grandement consoler, car avec l'instruction spirituelle, ils auront moyen de vous assister en vos necessitez corporelles, & eslever de vos enfans dans leurs maisons lors qu'ils seront basties, ce que nous n'avons pû faire nous autres, à cause de nostre pauvreté, & que nous ne vivons que d'aumosnes qui nous sont escharsement données par les François, desquelles si nous vous faisons part ils ne sont pas contans, comme l'avez pû appercevoir, ny mesme des choses qui nous font besoin.

Il leur fist encor plusieurs autres discours, touchant la gloire des bien-heureux & les tourmens des damnez; & sur la fin il leur recita les Commandemens de Dieu qu'ils comprirent fort bien, mais quand il vint au sixiesme commandement Non mecaberis, la plus-part se prirent à rire, disans que cela ne se pouvoit observer jamais d'autres plus sages leur respondirent; les Pères l'observent bien, car ils n'ont point de femmes & n'en veulent point avoir, pourquoy non nous autres.

A la fin du discours un des Capitaines nommé Chimeouriniou, prist la parolle & dit: il est vray que nous n'avons point d'esprit, de voir que depuis douze Hyvers que tu es icy, & que tu nous as tant de fois parlé du chemin du Ciel & de te donner de nos enfans, pour estre nouris & instruicts (ils mettent tousjours la nourriture avant l'instruction,) en ta Religion & en tes ceremonies, nous ne t'en avons encor point voulu donner que fort rarement, en partie à cause de ta pauvreté, & avons negligé nostre instruction & le bien que tu nous procurois, ne pensans pas qu'il nous fust necessaire.

Tu monstre bien que tu nous ayme grandement, d'avoir quitté ton païs pour nous venir instruire & endurer tant de mal comme tu as faict pendant deux ou trois Hyvers, que tu as couru les bois avec nous pour apprendre nostre langue.

Si nous allons chez toy, tu nous faict part de tes biens, & nous donne à manger & à nos enfans, & pourquoy te serions nous ingrats & mécognoissans en ne recevans tes paroles, puisque tu es fort puissant & sçavant; & nous des bestes rampantes, ou comme petits enfans qui manquent de jugement: nous voicy treize Capitaines avec tout cet autre peuple qui nous est sujet & plein d'amitié pour toy, car tous te cognoissent pour bon & pacifique; Nous tiendrons demain conseil pour deliberer sur ces parolles, & puis nous te dirons nostre resolution & le desir que nous avons de te contenter & d'amender les fautes passées.

Apres un autre Capitaine nommé Mahican Atic, s'addressant à Pierre Anthoine Patetchounon, dit-il, il est vray que tu n'as point d'esprit de ne nous avoir point raconté ce que tu as appris en France, nous t'y avions envoyé afin que tu y remarquasse les choses bonnes pour nous les faire sçavoir, & neantmoins voilà plus d'un hyver passé que tu en és de retour, & ne nous as encore rien dit; je ne sçay si c'est faute d'esprit, ou faute de hardiesse, ou que tu te mocque de ce qui est en France, car quant tu nous en parle, qui est fort peut souvent, tu ne fais que rire, & fais tousjours l'enfant, il faut que tu sois homme & dise hardiment & sagement les choses que tu as vues & apprises, afin que nous en tirions du profit.

Lors le Pere Joseph prenant la parole pour Pierre Anthoine, respondit au Sauvage, il est bien vrai que Patetchounon, est un peu honteux de vous parler de ce qu'il a veu & appris en France, car quand il vous en parle il se plaint que vous vous en mocquez, disans, que les François luy avoient appris à mentir; c'est pourquoy il ne vous ozeroit plus rien dire. Premierement il y a appris à parler François, à prier Dieu, lire & escrire, & beaucoup d'autres choses necessaires que vous autres ne sçavez pas, & que si vous voulez nous apprendrons à vos enfans & à vous mesmes si vous voulez, vous en donner la peine.

Cela fini, un chacun se leva pour aller au festin. Les RR. PP. Jesuites, nos Religieux & quelques Capitaines Sauvages, avec Pierre Anthoine & le nouveau baptizé, avec ses principaux parens allerent disner à l'habitation avec le sieur Champlain, & Esrouachit Capitaine Montagnais, alla chez la Dame Hébert, où se preparoit le grand festin des Canadiens pour leur distribuer la viande, car entr'eux chacun se contente de ce qu'on luy donne, & personne ne prend luy mesme au plat, dont reussit un grand silence, douceur & paix en tous leurs repas.

Les viandes qui furent employées à ce solemnel festin, furent en tres-grande quantité, car il y avoit premierement 56 outardes ou oyes sauvages, 30 canards, 20 sarcelles, & quantité d'autres gibiers, que Pierre Anthoine, Patetchounon, & le petit Neogauachit destiné au baptesme, & quelque François que le sieur de Champlain avoit presté, tuèrent au Cap de Tourmente pendant trois jours qu'ils y giboyerent. Le sieur Destouches Pasisien y contribua deux Grues, qu'il avoit tiré prés de nostre Convent & deux corbillons de poix. Plusieurs autres François y firent aussi leur presens, & Messieurs de la Traicte principalement, desquels on eut deux barils de poix, un baril de galettes. 15 ou 20 livres de pruneaux, six corbillons de bled d'Inde, & quelque autre petite commodité, qui furent mises avec tout le reste des viandes, bled, pain, poix & pruneaux dans la grande chaudière à brasserie de la dame Hébert.

Les Officiers qui eurent soin de disposer ce banquet solemnel, furent Guillaume Coillard, gendre de la dame Hebert, Pierre Magnan, qui a esté depuis mangé par les Hiroquois, comme je diray cy-aprés. Un nommé Matthieu celuy qui avoit hyverné avec nous aux Hurons, & Jean Manet truchement des Skedaneronons. Lesquels aprés avoir faist bien bouillir le tout ensemble, pesle mesle, dans cette grande chaudiere, ils se servirent des grands rateaux du jardin en guyse de fourchettes, pour en tirer la viande, & d'un sceau attaché au bout d'une perche, pour en puiser le bouillon, qui fut distribué & partagé avec la viande par ledit Capitaine Esrouachit, à toute la compagnie commençant par luy le premier. Et après qu'ils furent tous bien rassasiez, ils dancerent à leur mode, puis emportèrent le reste des viandes dans leurs cabanes, disans qu'ils voudroient qu'il y eut tous les jours baptesme pour y faire tous les jours bonne chère.

Histoire d'un Algoumequin baptizé, surnommé par les François Trigatin, & de sa ferveur.

Share on Twitter Share on Facebook