LES Canadiens & Montagnets, tant hommes que femmes, portent tous longue chevelure, qui leur tombe & bat sur les espaules, & à costé de la face, sans estre nouez ny attachez, & n'en couppent qu'un bien peu de devant, à cause que cela leur empescheroit de voir en courant. Les femmes & filles Algoumequines my partissent leur longue chevelure en trois: les deux parts leur pendent de costé & d'autre sur les oreilles & à costé des joues; & l'autre partie est accommodée par derriere en tresse, en la forme d'un marteau pendant, couché sur le dos. Mais les Huronnes & Petuneuses ne font qu'une tresse de tous leurs cheveux, qui leur bat de mesme sur le dos, liez & accommodez avec des lanieres de peaux fort sales. Pour les hommes, ils portent deux grandes moustaches sur les oreilles, & quelques-uns n'en portent qu'une, qu'ils tressent & cordelent assez souvent avec des plumes & autres bagatelles, le reste des cheveux est couppé court, ou bien par compartiment, couronnes, clericales, & en toute autre maniere qu'il leur plaist: j'ay veu de certains vieillards, qui avoient desja, par maniere de dire, un pied dans la fosse, estre autant ou plus curieux de ses petites parures, & d'y accommoder du duvet de plumes & autres ornemens, que les plus jeunes d'entr'eux. Pour les Cheveux relevez, ils portent & entretiennent leurs cheveux sur le front, fort droicts & relevez, plus que ne font ceux de nos Dames de par deçà, couppez de mesure, allans tousjours en diminuant de dessus le front au derriere de la teste.
Generallement tous les Sauvages, & particulierement les femmes & filles sont grandement curieuses d'huiler leurs cheveux, & les hommes de peindre leur face & le reste du corps, lors qu'ils doivent assister à quelque festin, ou à des assemblees publiques, que s'ils ont des Matachias, & Pourceleines ils ne les oublient point non plus que les rasssades, Patinotres & autres bagatelles que les François leur traitent. Leurs Pourceleines sont diversement enfilees, les unes en coliers, large de trois ou quatre doigts, faicts comme une sangle de cheval qui en auroit les fisseles toutes couvertes & enfilees, & ces coliers ont environ trois pieds & demy de tour, ou plus, qu'elles mettent en quantité à leur col, selon leur moyen & richesse, puis d'autres enfilees comme nos Patinotres, attachees & pendues à leurs oreilles, & des chaisnes de grains gros comme noix, de la mesme Pourceleine qu'elles attachent sur les deux hanches & viennent par devant arrengees de haut en bas, par dessus les cuisses ou brayers qu'elles portent: & en ay veu d'autres qui en portoient encore des brasselets aux bras; & de grandes plaques par derriere, accommodez en rond & comme une carde à carder la laine, attachez à leurs tresses de cheveux: quelqu'unes d'entr'elles ont aussi des ceintures & autres parures, faictes de poil de porc-espic, teincts en rouge cramoisy, & sont proprement tissues, puis les plumes & les peintures ne manquent point, & sont à la devotion d'un chacun.
Pour les jeunes hommes, ils sont aussi curieux de s'accommoder & farder comme les filles: ils huilent leurs cheveux, & y appliquent des plumes, & d'autres se font des petites fraises de duvet de plumes à l'entour du col: quelques-uns ont des fronteaux de peaux de serpens qui leur pendent par derriere, & la longueur de deux aulnes de France. Ils se peindent le corps & la face de diverses couleurs, de noir, vert, rouge, violet, & en plusieurs autres façons: d'autres ont le corps & la face gravee en compartimens, avec des figures de serpens, lezards, escureux & autres animaux, & particulierement ceux de la Nation du Petun, qui ont tous, presque, les corps ainsi figurez, ce qui les rends effroyables & hydeux à ceux qui n'y sont pas accoustumés: cela est picqué & faict de mesme, que sont faictes & gravees dans la superficie de la chair, les Croix qu'ont aux bras ceux qui reviennent de Jerusalem, & c'est pour un jamais, mais on les accommode à diverses reprises, pour ce que ces piqueures leur causent de grandes douleurs, & en tombent souvent malades, jusques à en avoir la fievre, & perdre l'appetit, & pour tout cela ils ne desistent point, & font continuer jusqu'à ce que tout soit achevé, & comme ils le desirent, sans tesmoigner aucune impatience ou dépit, dans l'excez de la douleur: & ce qui m'a plus faict admirer en cela, a esté de voir quelques femmes, mais peu, accommodées de la mesme façon: J'ay aussi veu des Sauvages d'une autre Nation, qui avoient tous le milieu des narines percees, ausquelles pendoit une assez grosse Patinotre bleue, qui leur tomboit sur la levre d'en haut.
Nos Sauvages croyoient au commencement que nous portions nos Chappelets à la ceinture pour parade, comme ils font leurs Pourceleines, mais sans comparaison ils faisoient fort peu d'estat de nos Chappelets, disans qu'ils n'estoient que de bois, & que leur Pourceleine, qu'ils appellent Onocoitota estoit de plus grande valeur.
Ces Pourceleines sont des os de ces grandes coquilles de mer, qu'on appelle Vignols, semblables à des limaçons, lesquels ils découpent en mille pieces, puis les polissent sur un grais, les percent, & en font des coliers & brasselets, avec grand peine & travail, pour la dureté de ces os, qui sont toute autre chose que nostre yvoire, lequel ils n'estiment pas aussi à beaucoup pres de leur Pourceleine, qui est plus belle & blanche. Les Brasiliens & Floridiens en usent aussi & se parer & attiffer comme eux.
J'avois à mon Chappelet une petite teste de mort en buys, de la grosseur d'une noix, assez bien faicte, beaucoup d'entr'eux la croyoient avoir esté d'un enfant vivant, non que je leur persuadasse mais leur simplicité leur faisoit croire ainsi, comme aux femmes de me demander à emprunter mon capuce & manteau en temps de pluye, ou pour aller à quelque festin: mais elle me prioyent en vain, comme il est aysé à croire. Pour nos Socquets ou Sandales; les Sauvages & Sauvagesses les ont presque tous voulu esprouver & chausser, tant ils les admiroient & trouvoient commodes, me disans apres, Auiel, Sayacogna, Gabriel, fais-moy des souliers; mais il n'y avoit point d'apparence, & estoit hors de mon pouvoir de leur satisfaire en cela, n'ayant le temps, l'industrie, ny les outils propres: & de plus, si j'eusse une fois commencé de leur en faire, ils ne m'eussent donné aucun relasche, ny temps de prier Dieu, & de croire qu'ils se fussent donné la peine d'apprendre, ils sont trop faineants & paresseux: car ils ne font rien du tout, que par la force de la necessité, & voudroient qu'on leur donnast les choses toutes faictes, sans avoir la peine d'y aider seulement du bout du doigt, comme nos Canadiens, qui ayment mieux se laisser mourir de faim, que de se donner la peine de cultiver la terre, pour avoir du pain au temps de la necessité.