TITRE VI

JUSTICE

Article 47 (2)

Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial

Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un

recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai

raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne

a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la

mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice.

Explication

Le premier alinéa se fonde sur l'article 13 de la CEDH:

«Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un

recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes

agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles».

Cependant, dans le droit de l'Union, la protection est plus étendue puisqu'elle garantit un droit à un recours effectif

devant un juge. La Cour de justice a consacré ce droit dans son arrêt du 15 mai 1986 en tant que principe général du

droit de l'Union (aff. 222/84, Johnston, Rec. 1986, p. 1651; voir aussi les arrêts du 15 octobre 1987, aff. 222/86,

Heylens, Rec. 1987, p. 4097, et du 3 décembre 1992, C–97/91, Borelli, Rec. 1992 , p. I-6313). Selon la Cour, ce principe

général du droit de l'Union s'applique également aux États membres lorsqu'ils appliquent le droit de l'Union.

L'inscription de cette jurisprudence dans la Charte n'avait pas pour objet de modifier le système de contrôle

juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement

devant la Cour de justice de l'Union européenne. La Convention européenne a examiné le système de contrôle

juridictionnel de l'Union, y compris les règles relatives à l'admissibilité, et l'a confirmé tout en en modifiant certains

aspects, comme le reflètent les articles III-353 à III-381 de la Constitution, et notamment l'Article III-365, paragraphe 4.

L'article 47 (2) s'applique à l'égard des institutions de l'Union et des États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit

de l'Union, et ce, pour tous les droits garantis par le droit de l'Union.

(1) Article II-112, paragraphe 2, de la Constitution.

(2) Article II-107 de la Constitution.

458 Acte final

Le deuxième alinéa correspond à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qui se lit ainsi:

«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par

un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de

caractère civil, soit du bien–fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu

publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une

partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique,

lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée

strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter

atteinte aux intérêts de la justice».

Dans le droit de l'Union, le droit à un tribunal ne s'applique pas seulement à des contestations relatives à des droits et

obligations de caractère civil. C'est l'une des conséquences du fait que l'Union est une communauté de droit, comme la

Cour l'a constaté dans l'affaire 194/83, «Les Verts» contre Parlement européen (arrêt du 23 avril 1986, Rec. 1988,

p. 1339). Cependant, à l'exception de leur champ d'application, les garanties offertes par la CEDH s'appliquent de

manière similaire dans l'Union.

En ce qui concerne le troisième alinéa, il convient de noter que, d'après la jurisprudence de la Cour européenne des

droits de l'homme, une aide juridictionnelle doit être accordée lorsque l'absence d'une telle aide rendrait inefficace la

garantie d'un recours effectif (arrêt CEDH du 9.10.1979, Airey, Série A, Volume 32, p. 11). Il existe également un système

d'assistance judiciaire devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Article 48 (1)

Présomption d'innocence et droits de la défense

1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.

Explication

L'article 48 (1) est le même que l'article 6, paragraphes 2 et 3, de la CEDH qui se lit ainsi:

«2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement

établie.

3. Tout accusé a droit notamment à:

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée,

de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;

(1) Article II-108 de la Constitution.

c) se défendre lui–même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens

de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les

intérêts de la justice l'exigent;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des

témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue

employée à l'audience».

Conformément à l'article 52, paragraphe 3 (1), ce droit a le même sens et la même portée que le droit

garanti par la CEDH.

Article 49 (2)

Principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines

1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été

commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international. De

même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction

a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit

être appliquée.

2. Le présent article ne porte pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable

d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les

principes généraux reconnus par l'ensemble des nations.

3. L'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction.

Explication

Cet article reprend la règle classique de la non-rétroactivité des lois et des peines. Il a été ajouté la règle de la rétroactivité

de la loi pénale plus douce, qui existe dans de nombreux États membres et qui figure à l'article 15 du Pacte sur les droits

civils et politiques.

L'article 7 de la CEDH est rédigé comme suit:

«1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait

pas une infraction d'après le droit national ou international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que

celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise.

2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable d'une action ou

d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes généraux de droit

reconnus par les nations civilisées».

(1) Article II-112, paragraphe 3, de la Constitution.

(2) Article II-109 de la Constitution.

460 Acte final

On a simplement supprimé au paragraphe 2 le terme «civilisées», ce qui n'implique aucun changement dans le sens

de ce paragraphe, qui vise notamment les crimes contre l'humanité. Conformément à l'article 52, paragraphe 3 (1),

le droit garanti a donc le même sens et la même portée que le droit garanti par la CEDH.

Le paragraphe 3 reprend le principe général de proportionnalité des délits et des peines, consacré par les traditions

constitutionnelles communes aux États membres et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés.

Article 50 (2)

Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été

acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

Explication

L'article 4 du protocole no 7 à la CEDH se lit ainsi:

«1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour

laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale

de cet État.

2. Les dispositions du paragraphe précédent n'empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la

procédure pénale de l'État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la

procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3. Aucune dérogation n'est autorisée au présent article au titre de l'article 15 de la Convention».

La règle «non bis in idem» s'applique dans le droit de l'Union (voir, parmi une importante jurisprudence, l'arrêt du 5 mai

1966, Gutmann c/Commission, aff. 18/65 et 35/65, Rec. 1966, p. 150 et, pour une affaire récente, arrêt du Tribunal du

20 avril 1999, aff. jointes T–305/94 et autres, Limburgse Vinyl Maatschappij NV c/Commission, Rec. p. II-931). Il est

précisé que la règle du non–cumul vise le cumul de deux sanctions de même nature, en l'espèce pénales.

Conformément à l'article 50 (2), la règle «non bis in idem» ne s'applique pas seulement à l'intérieur de la juridiction d'un

même État, mais aussi entre les juridictions de plusieurs États membres. Cela correspond à l'acquis du droit de l'Union;

voir les articles 54 à 58 de la Convention d'application de l'accord de Schengen et l'arrêt de la Cour de justice du

11 février 2003 dans l'affaire C-187/01 Gözütok (non encore publié), l'article 7 de la Convention relative à la protection

des intérêts financiers de la Communauté et l'article 10 de la Convention relative à la lutte contre la corruption. Les

exceptions très limitées par lesquelles ces conventions permettent aux États membres de déroger à la règle «non bis in

idem» sont couvertes par la clause horizontale de l'article 52, paragraphe 1 (3), sur les limitations. En ce qui concerne les

situations visées par l'article 4 du protocole no 7, à savoir l'application du principe à l'intérieur d'un même État membre,

le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la CEDH.

(1) Article II-112, paragraphe 3, de la Constitution.

(2) Article II-110 de la Constitution.

(3) Article II-112, paragraphe 1, de la Constitution.

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