III

En 1835, Nicolas Vassiliévitch résigna ses fonctions universitaires et quitta définitivement le service public. « Me voici redevenu un libre Cosaque », écrit-il à cette date. C’est le moment de sa plus grande activité littéraire. Il mène de front des nouvelles, des comédies, des essais d’inspiration très-variés, réunis plus tard sous ce titre : Arabesques. Ce recueil ne doit guère nous arrêter. Gogol y a déversé sans choix le déblai de sa table de travail, articles critiques, canevas pour ses leçons d’histoire du moyen âge, chapitres de romans mort-nés. Le morceau le plus curieux est le Carnet d’un fou ; l’auteur essaye de suivre dans sa chute une raison qui disparaît.

Les nouvelles de cette même époque nous le montrent tâtonnant dans son réalisme ; tantôt il s’y engage à fond, tantôt il pointe par vieille habitude dans le domaine de la fantaisie. Parmi ces compositions inégales, le Manteau mérite une place à part. Plus je lis les Russes, plus j’aperçois la vérité du propos que me tenait l’un d’eux, très-mêlé à l’histoire littéraire des quarante dernières années : « Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol.» On verra plus loin combien la filiation est évidente chez Dostoïevsky ; le terrible romancier est tout entier dans son premier livre, les Pauvres Gens, et les Pauvres Gens sont en germe dans le Manteau.

Leur triste héros, le scribe Diévouchkine, n’est qu’une épreuve plus développée et plus noire d’Akaky Akakiévitch, le type grotesque d’employé créé par Gogol. Cet Akaky est un grotesque touchant ; on rit de lui et on le plaint. Au début, le personnage est posé comme les deux célèbres bonshommes de Flaubert, Bouvard et Pécuchet ; pour plus de ressemblance, Akaky est un copiste, il a le génie et la passion de la copie. — « Dans cette copie il mettait tout un monde d’impressions variées et agréables. Certaines lettres étaient ses favorites ; quand elles revenaient sous sa plume, il en éprouvait de la joie ; on aurait pu les reconnaître sur sa physionomie tandis qu’il les traçait... Un jour que son chef de division lui avait confié une pièce où il fallait modifier le titre et le protocole, ce travail lui coûta un tel effort qu’il finit par dire, en essuyant son front ruisselant de sueur : — Non, donnez-moi plutôt quelque chose à copier. — Il semblait qu’en dehors de la copie rien n’existât pour lui. » — On le voit, c’est presque trait pour trait le crétin particulier imaginé par Flaubert. Mais bientôt s’accuse la divergence radicale qui va creuser un abîme entre le réalisme russe et le réalisme français. Chez nous, le caricaturiste s’acharne sur son bonhomme, il le bafoue, il le conspue, il décharge sur cet idiot toute sa haine de l’imbécillité humaine. Au contraire, Gogol plaisante le sien avec une sourdine de pitié ; il se moque de lui comme on rit des naïvetés d’un enfant, avec une tendresse intérieure. Pour le premier, l’infirme d’esprit n’est qu’un monstre haïssable ; pour le second, c’est un frère malheureux.

L’histoire du commis Akaky n’est ni longue ni compliquée ; ce pauvre diable, grelottant sous ses haillons dans la neige, n’a qu’un rêve au monde : posséder un manteau neuf. Toute sa force de pensée se tend sur cette idée fixe. À coups de privations, par des prodiges d’épargne, il réalise son rêve ; alors son immense bonheur est en raison de la violence de son désir. La vie n’a rien de mieux à lui offrir. Mais le soir même, des malfaiteurs le dépouillent du bienheureux manteau ; les fonctionnaires de la police qu’il va supplier se gaussent de lui ; le chétif animal tombe dans un noir chagrin, s’alite, et meurt timidement, sans bruit, comme il convient à ces rebuts du corps social.

« Et Pétersbourg resta sans Akaky Akakiévitch, comme s’il n’eût jamais soupçonné l’existence de cet homme. Elle disparut et s’évanouit, la créature que personne ne protégeait, qui n’était chère à personne et n’intéressait personne, pas même le naturaliste qui pique sur un liége la mouche commune et l’étudie au microscope ; — la créature passive qui avait supporté les lardons d’une chancellerie et s’en était allée au tombeau sans aucun événement notable. Du moins, avant de mourir, elle avait vu entrer l’hôte radieux que chacun attend ; il était venu sous la forme d’un manteau. Puis, le malheur s’était abattu sur elle, aussi soudain, aussi accablant que lorsqu’il s’abat sur les puissants de ce monde. »

La donnée semblera puérile. Qu’on veuille bien réfléchir aux lois essentielles de l’art dramatique ; ce qui fait la puissance du drame, ce n’est pas la grandeur de l’objet en cause, c’est la violence avec laquelle une âme désire cet objet. Qu’on se rappelle la cassette d’Harpagon.

Le Manteau, c’est le souvenir et la vengeance de l’année de galères passée par Gogol dans les bureaux du gouvernement, le premier coup porté au minotaure administratif ; le Reviseur fut le second. L’écrivain avait toujours eu de l’inclination pour le théâtre ; sa verve satirique l’appelait de ce côté ; il esquissait à cette époque plusieurs scénarios de comédie, assez mal venus d’ailleurs ; celui du Reviseur fut le seul qui aboutit. L’intrigue de la pièce est un simple quiproquo de vaudeville. Les fonctionnaires d’un chef-lieu de province attendent un inspecteur qui doit venir incognito passer la revue des services publics ; un voyageur tombe à l’auberge ; plus de doute, c’est le redoutable justicier. Les consciences bureaucratiques sont terriblement lourdes ; aussi chacun d’accourir en tremblant, de plaider sa cause, de dénoncer un collègue et de glisser à l’inspecteur des roubles propitiatoires. Abasourdi d’abord, l’inconnu entre dans son rôle et empoche l’argent. La confusion augmente jusqu’au coup de foudre final, l’arrivée du véritable commissaire.

Le Reviseur n’est ni une comédie de sentiments, ni une comédie de caractères ; c’est un tableau de mœurs publiques. Dans cette nombreuse galerie de coquins, aucun ne pose pour l’ensemble, comme disent les peintres ; l’artiste ne dessine de ses personnages qu’un seul trait, identique chez tous, il les met à contribution pour un vice unique. Ou plutôt il n’y a qu’un personnage, abstraction toujours présente à nos yeux sur le devant de la scène : c’est la Russie administrative, dont on met à nu la plaie honteuse, la vénalité et l’arbitraire. Gogol nous a dit son intention dans la Confession d’un auteur, testament littéraire écrit sur la fin de sa vie, et auquel il faut toujours revenir quand on étudie la genèse de ses œuvres :

« Dans le Reviseur, je me suis attaché à rassembler en un tas tout ce qu’il y a de mauvais dans la Russie, telle que je la connaissais alors, toutes les iniquités qui se commettent dans les situations où l’on devrait exiger de l’homme le plus de droiture. Je voulais railler en une fois tout ce mal. L’impression produite, on le sait, fut celle de l’effroi. À travers le rire, qui ne s’était jamais échappé de moi avec plus de force, le spectateur sentait mon chagrin. Moi-même je m’aperçus que mon rire n’était plus le même et que je ne pouvais plus être dans mes ouvrages l’homme que j’avais été jusqu’alors. Le besoin de m’égayer par d’innocentes inventions avait disparu avec mes jeunes années. »

Oui, cette gaieté n’est pas communicative, du moins pour un étranger. L’odieux l’emporte, il n’est pas sauvé par la légèreté de main et la bienséance élégante qui empêchent le Tartuffe d’être le plus noir des drames. Quand on étudie le théâtre russe, il est facile de deviner pourquoi cette forme de l’art est bien moins développée que les autres. Dans un pays divisé en deux catégories de civilisation très-inégale, la poésie et le roman ont fait de rapides progrès, parce qu’ils s’adressaient à la société polie ; le théâtre, obligé de divertir le peuple, est resté enfant comme ce dernier. Ce que sa naïve clientèle lui demande, c’est Maître Pathelin et les tabarinades. Même dans les chefs-d’œuvre, — il n’y en a que deux, la comédie de Griboïédof, le Mal de trop d’esprit, et le Reviseur de Gogol, — le comique est dégrossi plutôt qu’affiné. Ce comique du Nord ne connaît pas de milieu entre la grosse farce et l’amertume. On n’y rencontre guère l’esprit tel que nous le goûtons, le trait léger et fin qui glisse sans blesser. Il n’a pas le mot étincelant qui fait sourire, il a le mot cruel qui fait penser. Gogol trouve de ces mots, ils éclairent d’un jour sombre tout un état social ; par exemple, l’apostrophe du gouverneur au petit officier de police qui a tondu de trop près un marchand : « Surveille-toi. Tu ne prends pas selon ton grade ! » Enfin le sentiment du ridicule serait mieux nommé chez le Russe le sentiment du drôle ; il est purement national ; je veux dire qu’il s’exerce sur la tournure extérieure et sur des travers locaux, plus que sur la tournure de l’esprit ; ce n’est pas le ridicule humain de Molière.

J’ai vu souvent le Reviseur à la scène : le bon public se pâmait aux charges énormes qui nous laissent assez froids, qui seraient incompréhensibles si l’on ne connaissait pas le détail de la vie russe. Au contraire, l’impression douloureuse dont parle Gogol demeurait prédominante pour l’étranger, surtout pour l’étranger ; il ne m’a pas semblé qu’elle attristât outre mesure ce même public. C’est qu’aujourd’hui encore, dans la Russie nettoyée et assainie par les réformes, la bonhomie populaire n’est pas aussi révoltée qu’on pourrait le croire par le spectacle de la vénalité administrative. Le mal est si vieux ! Dans son Instruction de l’an 1036, le premier monument de la langue russe, l’évêque Luka Jidiata adresse à ses ouailles cette recommandation : « Ne prenez pas de pots-de-vin !... » — Il n’y a pas la moindre épigramme dans ceci ; je constate simplement un état de civilisation différent. Tous ceux qui ont pratiqué les races orientales savent que leur morale est plus large que la nôtre en cette matière, parce que leur idée du gouvernement est autre. Pourvu que le concussionnaire ne soit ni trop tracassier ni trop avide, l’Oriental considère que tout service mérite rémunération, et qu’il faut payer ceux d’un agent très-redoutable, très-mal rétribué par l’État ; de son côté, ce dernier envisage le pot-de-vin comme un casuel, comme les épices que nos pères offraient à leurs juges, sans que plaideurs ni magistrats vissent là un si gros péché. Si l’on reprenait à la racine la conception d’où découlent ces rapports, on y retrouverait l’idée primordiale du tribut, de la vieille prime d’assurance prélevée par le fort sur le faible qu’il protége.

Il n’était que juste de rappeler cet état de conscience aux honnêtes gens qui s’indigneraient, en apprenant la Russie dans le Reviseur et dans les Âmes mortes. Après quoi ces honnêtes gens, s’ils sont candidats, iront sans scrupules faire largesse au peuple souverain ; s’aviseront-ils que le délit moral est de même espèce, et qu’ils corrompent le maître dont ils ont besoin, comme le Russe son ispravnik, ou le Turc son pacha ?

Ce qu’il y a de plus étonnant dans cette comédie, c’est qu’elle ait été jouée. Avec les idées tout d’une pièce que nous avons sur l’empereur Nicolas, on a peine à se figurer pareille satire de son gouvernement, applaudie à Pétersbourg en 1836 ; aujourd’hui, sur notre libre théâtre, je doute que la censure tolérât des attaques analogues. Heureusement l’audacieux satirique eut l’Empereur lui-même pour censeur. Le Tsar lut le manuscrit, porté au palais par une amie ; il éclata de rire, il ordonna à ses comédiens de jouer la parodie de ses fonctionnaires. Le jour de la représentation, il vint donner de sa loge le signal des applaudissements. Les relations de l’autocrate avec Gogol sont pleines d’enseignements ; elles nous montrent l’impuissance du pouvoir absolu contre ses propres conséquences. Nicolas aimait les choses de l’esprit, tant qu’elles lui paraissaient inoffensives ; notre écrivain rapporte une curieuse anecdote, confirmée d’autre part dans une ode de Pouchkine, témoin oculaire du fait. Il y avait grand bal au Palais-d’Hiver ; la cour était réunie depuis longtemps, la musique jouait déjà ; on ne s’expliquait pas le retard de l’Empereur, on le croyait retenu par quelque affaire urgente. Enfin le monarque parut, l’air distrait : il s’était oublié dans son cabinet à lire l’Iliade. Nul souverain ne fit plus et plus délicatement pour les gens de talent qui honoraient son empire ; ils vivaient matériellement de ses bienfaits ; seulement ils mouraient de langueur dans l’air raréfié de cet empire. Nicolas agissait avec les poëtes comme un amateur d’oiseaux rares qui nourrirait ses pensionnaires sous la cloche d’une machine pneumatique.

Ce fut le cas pour Gogol. Je tiens les détails suivants de la famille qui servait d’intermédiaire entre l’Empereur et l’écrivain. Une personne de cette famille signala au maître le dénûment du jeune auteur : « A-t-il du talent ? » demanda le Tsar. Et sur l’assurance qu’on lui donnait, il mit à la disposition de la solliciteuse une somme de 5,000 roubles. « Surtout, ajouta-t-il avec une bonne grâce exquise, que votre protégé ne sache pas que ce don vient de moi ; il se croirait obligé d’écrire dans un sens officiel. » — Par la suite, Nicolas chargea le poëte Joukovsky de faire passer à son ami ses secours déguisés. Grâce à la munificence impériale, l’incorrigible nomade put voyager, s’expatrier pour respirer à l’aise en dehors de l’empire.

L’année 1836 fut climatérique pour Gogol. En plein succès, sa vie s’empoisonne ; les peines d’imagination, aigrissant un mal physique, commencent à ravager cette âme ; des deux éléments qui en faisaient l’équilibre, gaieté et mélancolie, le premier s’appauvrit, le second prend le dessus. Le monde pétersbourgeois avait applaudi le Reviseur : il fallait bien applaudir après l’Empereur. Mais la coalition de rancunes suscitée par une telle œuvre ne devait pas épargner l’auteur. Il eut à subir des vexations, des attaques ; le regard chagrin qu’il portait déjà sur toutes choses vit dans ces misères une persécution. « Tous sont contre moi, — écrit-il à un ami ; — fonctionnaires, gens de police, marchands, littérateurs ; tous déchirent ma pièce... Je l’ai prise en horreur, ma pièce ! Je vous jure que personne ne peut soupçonner ce que je souffre. Je suis las d’âme et de corps. » Il ressentait les premières atteintes de l’affection nerveuse, compliquée d’hypochondrie, qui allait miner son organisme. Tourmenté par l’instinct de migration, comme au temps de son adolescence et de la fugue à Lubeck, il résolut de partir ; il disait : « de fuir. » Cette fois la fuite fut plus sérieuse ; il ne revint dans sa patrie qu’à de lointains intervalles, et enfin pour y traîner ses dernières années. Il prétendait, comme le fit plus tard Tourguénef, qu’il ne voyait bien le pays objet de ses études qu’alors qu’il en était loin. Le voyageur parcourut diverses parties de l’Europe, puis il se fixa à Rome. Il s’y lia étroitement avec le peintre Ivanof ; cet artiste étrange et puissant, retiré chez les Capucins du mont Soracte, travaillait depuis vingt ans au tableau qu’il n’acheva jamais, l’Apparition du Christ. Les deux amis se fortifièrent mutuellement dans la ferveur d’une piété ascétique ; de cette époque date ce qu’on a appelé le mysticisme de Gogol. Nous verrons quelle valeur il convient d’attribuer à ce mot. Mais je ne dois pas anticiper sur le cours d’une vie qu’il faut suivre dans les œuvres où elle se dépense. Avant que de tristes ombres viennent obscurcir cet esprit, voyons-le se rassembler pour son dernier et plus grand effort.

Le transfuge emportait de Russie l’idée du livre souverain, du livre essentiel où il devait « tout dire ». Quel écrivain aux ambitions un peu hautes ne l’a rêvé, ce livre où l’on doit tout dire ? Du jour qu’on l’entrevoit, il vous tient jusqu’à la mort, il devient le confident de toutes les pensées, le maître et parfois le tyran de toute l’existence. Il chasse les autres projets de travail comme l’amour chasse les amitiés. Chez les faibles, chez presque tous, hélas ! ce n’est qu’un germe qui tressaille et tourmente le cerveau dans lequel il avorte. Les plus forts, les plus grands, parviennent rarement à l’achever. Gœthe et son Faust ont donné le plus bel exemple d’une pareille association, continuée pendant trente ans, toujours dominée par le poëte. Gogol a donné le plus douloureux. Chez lui, ce fut une véritable possession ; après dix années de lutte, il succomba, terrassé par le fantôme qu’il avait évoqué. Ce que devait être son œuvre, s’il lui eût été permis de la compléter, il nous l’apprend dans la Confession et dans les quatre Lettres sur les Âmes mortes : l’encyclopédie de la Russie contemporaine, la somme de la pensée de l’auteur sur toutes les questions de son temps. — Nicolas Vassiliévitch faisait honneur à Pouchkine de la paternité du sujet :

« Pouchkine m’engageait depuis longtemps à entreprendre une grande composition. Un jour il me représenta ma faiblesse de complexion, mes infirmités qui pouvaient amener une mort prématurée ; il me cita l’exemple de Cervantes, auteur de quelques nouvelles de premier ordre, mais qui n’aurait jamais occupé le rang qu’on lui accorde parmi les grands écrivains s’il n’eût pas entrepris son Don Quichotte. Pour conclure, il me donna un sujet de son invention, d’où il comptait tirer un poëme et qu’il n’eût jamais donné, ajouta-t-il, à un autre qu’à moi. C’était le sujet des Âmes mortes. L’idée première du Reviseur m’était aussi venue de lui. »

Malgré la précision de ce témoignage, également honorable pour les deux amis, je demeure persuadé que le véritable père des Âmes mortes est ce même Cervantes, dont Gogol vient d’écrire le nom. À sa sortie de Russie, le voyageur se dirigea d’abord vers l’Espagne ; il étudia de très-près la littérature de ce pays, et surtout le Don Quichotte, qui avait été de tout temps le livre de ses préférences. L’humoriste espagnol lui fournit un thème merveilleusement accommodé à son projet : les aventures d’un héros, poussé par sa manie dans toutes les régions et dans tous les milieux, prétexte pour montrer au spectateur, dans une suite de tableaux, la lanterne magique de l’humanité. Tout donne un air de parenté aux deux œuvres : l’esprit sardonique et méditatif, la tristesse voilée sous le rire, l’impossibilité même de leur trouver un nom dans les genres bien définis. Gogol protestait contre l’appellation de roman appliquée à son livre ; il l’a intitulé : poëme, il l’a divisé en chants, et non en chapitres. Ces termes ambitieux sont ici détournés de leur vrai sens, soit ; dites quel nom vous donnez au Don Quichotte, vous aurez trouvé celui qui convient aux Âmes mortes.

Le « poëme » devait avoir trois parties. La première parut en 1842 ; la seconde, inachevée et rudimentaire, brûlée par l’auteur dans un accès de désespoir, fut imprimée après sa mort sur une copie échappée à l’auto-da-fé. Quant à la troisième, le poëte la rêve peut-être sous le bloc de pierre qui porte son nom dans un cimetière de Moscou.

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