1826.

Monsieur le lieutenant-général comte Hugo, à Blois.

[Mars 1826.]

Mon cher papa,

Je profite d’un moment que me laissent mes libraires pour répondre à la dernière lettre que tu m’as fait remettre par Mme Asseline. Tes bons conseils pour mes yeux me touchent vivement, et je les mettrai certainement à exécution quand j’aurai quelque ouvrage de longue haleine à écrire ; en attendant, ma vue est rétablie, à un peu d’affaiblissement près.

Toutes tes commissions pour l’Aventurière sont faites. Je te ferai parvenir quand tu voudras le reste des 25 exempl. que M. Delaforest m’a très fidèlement remis. Je suis charmé que tu aies terminé Iham Schlaper, bien que, d’ici à quelque temps du moins, il ne faille pas compter le vendre. Tu ne saurais te figurer dans quel état de crise se trouve la librairie depuis le mois de 9bre dernier. Le commerce des livres est presque absolument paralysé ; des faillites multipliées ont eu des contre-coups qui ont ébranlé nos plus fortes maisons. Toutes les affaires sont ou en débâcle ou en stagnation. Toutes ces causes me font craindre que l’Aventurière n’ait pas eu pour Delaforest le résultat avantageux qu’il devait en attendre à si juste titre.

J’avais fait pour l’Aventurière quelques petits articles qui n’ont point paru. Y a-t-il en cela de la faute du libraire ? C’est ce que je ne saurais dire. J’en ai fait un autre encore pour un petit journal que l’on m’envoie. On m’en a promis l’insertion. Dès qu’il aura paru, je te l’enverrai.

Les sottises du petit bonhomme Gault ne m’étonnent pas. Mais que t’importe ? Ton nom ne peut jamais être cité qu’avec honneur. Que ce drôle d’adjoint prenne garde à lui !

Ton observation pour Bug-Jargal est fort juste. Je changerai le passage, non dans la 2e édition, elle va paraître, mais dans la 3e qui aurait déjà paru sans la crise où se trouve la librairie.

Tu sais que nous venons de vendre 550 000 francs les œuvres de M. de Chateaubriand.

Adieu, bon et cher papa, Didine toujours avec 6 dents, ma femme et toute la famille Foucher t’embrassent tendrement comme Abel et moi. Tout le monde ici se porte bien et vous aime tous deux.

Ton fils respectueusement dévoué,

V. H.

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