Chapitre V Les rites piaculaires et l’ambiguïté de la notion du sacré

Si différents qu’ils soient les uns des autres par la nature des gestes qu’ils impliquent, les divers rites positifs que nous venons de passer en revue ont un caractère commun : tous sont accomplis dans un état de confiance, d’allégresse et même d’enthousiasme. Bien que l’attente d’un événement futur et contingent n’aille pas sans quelque incertitude, il est cependant normal que la pluie tombe quand la saison est venue, que les espèces animales et végétales se reproduisent régulièrement. Une expérience, bien des fois répétée, a démontré que, en principe, les rites produisent l’effet qu’on en espère et qui est leur raison d’être. On les célèbre avec sécurité, en jouissant par avance de l’heureux événement qu’ils préparent et qu’ils annoncent. Les mouvements que l’on exécute participent de cet état d’esprit : ils sont, sans doute, empreints de la gravité que suppose toujours une solennité religieuse, mais cette gravité n’exclut ni l’entrain ni la joie.

Ce sont des fêtes joyeuses. Mais il existe aussi des fêtes tristes qui ont pour objet ou de faire face à une calamité ou, tout simplement, de la rappeler et de la déplorer. Ces rites ont une physionomie très particulière que nous allons chercher à caractériser et à expliquer. Il est d’autant plus nécessaire de les étudier à part qu’ils vont nous révéler un aspect nouveau de la vie religieuse.

Nous proposons d’appeler piaculaires les cérémonies de ce genre. Le terme de piaculum a, en effet, cet avantage que, tout en éveillant l’idée d’expiation, il a pourtant une signification beaucoup plus étendue. Tout malheur, tout ce qui est de mauvais augure, tout ce qui inspire des sentiments d’angoisse ou de crainte nécessite un piaculum et, par conséquent, est appelé piaculaire

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