Introduction a L’esprit des Lois

Les livres ont leur histoire, comme ils ont leur destinée. Cette histoire n’est pas ce qui intéresse le moins les amis des lettres. On est curieux de savoir comment, dans quelles circonstances, au travers de quelles épreuves un homme tel que Montesquieu a conçu, rédigé, publié un livre qui a remué et en quelque façon agrandi l’esprit humain. Quand on se reporte à la date de l’Esprit des lois, on est frappé de la hardiesse et de la nouveauté de l’entreprise ; on comprend la surprise et l’admiration des contemporains. En 1753, La Beaumelle ne craignait point de dire que « l’Esprit des lois était le plus beau livre qui eût encore été fait de main d’homme 1  ». Voltaire s’écriait que « le genre humain avait perdu ses titres et que Montesquieu les avait retrouvés ». C’était un concert universel ; les adversaires mêmes de l’auteur ne pouvaient résister à la séduction ; ils avouaient qu’entre les livres qui ont fait du bruit, de leur temps, aucun n’avait eu un succès aussi éclatant que l’Esprit des lois. « Plusieurs, dit Crévier, le regardent comme un oracle, et ne le citent qu’avec des témoignages de vénération, et nul lecteur intelligent ne peut lui refuser, à bien des égards, une estime distinguée 2 . » Ainsi, au témoignage des ennemis comme des amis, l’apparition de l’Esprit des lois a été un des événements du XVIIIe siècle ; il est donc utile de connaître ce qui a précédé cette publication, et ce qui l’a suivie.

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