1833.

Monsieur Mayer,
53, rue des Bouchers. Strasbourg.

Je vous remercie, monsieur, de la confiance que vous voulez bien placer en moi. Sans mes yeux malades, je vous aurais répondu plus tôt et plus longuement. Je ne faudrai jamais à la prière d’un jeune homme. Au point de la vie où je suis arrivé, je suis encore assez jeune pour aimer la jeunesse et déjà assez vieux pour la conseiller.

J’ai lu vos beaux vers. Je doute fort que l’Académie en reçoive de plus beaux. Mais c’est précisément pour cela que je n’espère guère qu’elle vous couronne. En général, ce qui va à l’Académie, c’est la médiocrité. Essayez pourtant. Dans ma pensée, vous méritez déjà plus qu’un prix de poésie. Vous me demandez une critique détaillée de votre ode. Vous savez, monsieur, que, tout en considérant la forme et l’exécution comme choses de haut prix, j’attache en général peu d’importance aux critiques de détail. Il y a quelques mauvaises rimes que vous feriez peut-être bien d’effacer. Grand et Volcan, plus et vertus, conjurés et cyprès etc.

Une observation générale pour l’avenir. Vous avez un penchant à l’antithèse qui vous servira peut-être cette fois à l’Académie, mais dont vous ferez bien de vous défier pour d’autres ouvrages.

Adieu, monsieur. Travaillez. Vous avez ce qu’il faut pour réussir ; travaillez. Ne vous découragez et ne vous lassez pas. Savez-vous le secret de tout succès dans ce monde quand on est fort, le voici : perseverando.

Agréez l’assurance de mes sentiments distingués.

Victor Hugo.

16 janvier [1833].

À Sainte-Beuve.

18 janvier [1833].

Quand personne n’entre, vous, mon ami, vous avez toujours droit d’entrer. Je vous ferai donc assister à une répétition, dès qu’il y en aura une un peu passable, et je serai bien heureux de vous y avoir. Je vais faire retenir les deux stalles que vous désirez à l’amphithéâtre (stalles rouges), ce sont les meilleures places de la salle. Elles seront inscrites sous votre nom.

Je vous serre la main.

V. H.

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